(Français — Anglais)

Aimé Césaire
(1913-2008)


83ko

Tam-tam de nuit
Night tomtom

train d'okapis facile aux pleurs la rivière aux doigts charnus fouille dans le cheveu des pierres mille lunes miroirs tournants mille morsures de diamants mille langues sans oraison fièvre entrelacs d'archet caché à la remorque des mains de pierre chatouillant l'ombre des songes plongés aux simulacres de la mer

Train of okapis incline to tears the fleshy fingered river is digging into the hair of stones thousand moons mirrors rounding about thousand diamond bites thousand tongues with no orison fever interlacings of bow hidden tagged along hands of stone tickling the shadow of dreams plunged into the enactments of the sea

Translated by Gilles de Sèze

***

Le crystal automatique

allo allo encore une nuit pas la peine de chercher c'est moi l'homme des cavernes il y a les cigales qui étour- dissent leur vie comme leur mort il y a aussi l'eau verte des lagunes même noyé je n'aurai jamais cette couleur- là pour penser à toi j'ai déposé tous mes mots au monts de-piété un fleuve de traineaux de baigneuses dans le courant de la journée blonde comme le pain et l'alcool de tes seins

allo allo je voudrais etre à l'envers clair de la terre le bout de tes seins à la couleur et le gout de cette terre-la

allo allo encore une nuit il y a la pluie et ses doigts de fossoyeur il y a la pluie qui met ses pieds dans le plat sur les toits la pluie a mangé le soleil avec des baguettes de chinois

allo allo l'accroissement du cristal c'est toi...c'est toi ô absente dans le vent et baigneuse de lombric quand viendra l'aube c'est toi qui poindras tes yeux de rivière sur l'émail bougé des îles et dans ma tête c'est toi le maguey éblouissant d'un ressac d'aigles sous le banian

Aimé Césaire

The automatic rock crystal

Hello hello one night more and yet not worth searching for It's I the cave man there are cicadas that make their life diz- zy as they do their death there is also the green water from lagoons even drowned I'll never have that colour to think about you Ipawned all my words a river of bather dolls' sled in the current of daytime blond like the bread and alcohol of your breast

hello hello I wish I be at the light inside of earth the tip of your breast of the colour and the savour of that very soil

hello hello one night more there is the gravedigger's fingered rain it's rain thay puts its foot in it on roofs rain ate the sun with chinese chopsticks

hello hello crystal growth it's you...it's you o gone with the wind and bathing young lady of earthworm when dawn comes in it's you who'll break your eye of river upon the moved enamelled islands and in my head it's you the dazzling maguey* of an eagles' backward beneath he banian**

Translated by Gilles de Seze

*Flower from the agave family
**Indian fig tree

***

Prophétie


où l'aventure garde les yeux clairs
là où les femmes rayonnent de langage
là où la mort est belle dans la main comme un oiseau
saison de lait
là où le souterrain cueille de sa propre génuflexion un luxe
de prunelles plus violent que des chenilles
là où la merveille agile fait flèche et feu de tout bois

là où la nuit vigoureuse saigne une vitesse de purs végétaux

là où les abeilles des étoiles piquent le ciel d'une ruche
plus ardente que la nuit
là où le bruit de mes talons remplit l'espace et lève
à rebours la face du temps
là où l'arc-en-ciel de ma parole est chargé d'unir demain
à l'espoir et l'infant à la reine,

d'avoir injurié mes maîtres mordu les soldats du sultan
d'avoir gémi dans le désert
d'avoir crié vers mes gardiens
d'avoir supplié les chacals et les hyènes pasteurs de caravanes

je regarde
la fumée se précipite en cheval sauvage sur le devant
de la scène ourle un instant la lave
de sa fragile queue de paon puis se déchirant
la chemise s'ouvre d'un coup la poitrine et
je la regarde en îles britanniques en îlots
en rochers déchiquetés se fondre
peu à peu dans la mer lucide de l'air
où baignent prophétiques
ma gueule
ma révolte
mon nom.

Aimé Césaire

Prophecy

There,
Where adventure keeps clear its eye
Where women are shining forth with language
Where death is beautiful in your hand as a bird
milky time
Where the subterranean passage through its own
genuflecting gathers a wealth of eyelids fiercer than caterpilars
Where for the wonder it's all grist and fire to the nimble mill

Where the vigorous night is bloody killing a speed of pure plantings

Where bee-like stars string the sky of a hive glowing
more brightly than night
Where the sound of my heels fills up the space and
draws up the other way round the face of Time
Where the rainbow of my word is in charge to joining
Tomorrow to Hope, and the Infante to the Queen.

For having insulted my masters bitten the sultan's soldiers
For having bemoaned my fate in wilderness
For having shouted calls at my guards
For having beseeched jackals and hyenas shepherds of caravans

I am watching at
smoke rushing ahead like a wild horse on the
foreground frings for one instant the lava
of its frail peacock's trail then tearing
off its shirt on a sudden open its breast and
I look at it mimicing the british islands
islets jagged rocks melting together little
by little into the lucid sea of the air
where are prophetic bathing
my ghoul
my rebellion
my name.

Translated by Gilles de Seze

***

Jour et Nuit

le soleil le bourreau la poussée des masses la routine de mourir et mon cri de bête blessée et c'est ainsi jusqu'à l'infini des fièvres la formidable écluse de la mort bombardée par mes yeux à moi-même aléoutiens qui de terre de ver cherchent parmi terre et vers tes yeux de chair de soleil comme un négrillon la pièce dans l'eau où ne manque pas de chanter la forêt vierge jaillie du silence de la terre de mes yeux à moi-même aléoutiens et c'est ainsi que le saute-mouton salé des pensées hermaphrodites des appels de jaguars de source d'antilope de savanes cueillies aux branches à travers leur première grande aventure: la cyathée merveilleuse sous laquelle s'effeuille une jolie nymphe parmi le lait des mancenilliers et les accolades des sangsues fraternelles.

Aimé Césaire,
Les armes miraculeuses, 1946 (extrait)

Day and Night

The sun the executioner the upsurge of masses the dying routine and my squeal of wounded beast and there it is the unchanging process up to the boundless fevers the tremendous dam of death bombarded by to-myself Aleutian eye that from scratching the ground of worm and up to your sun skinned eye like a piccaninny boy fishing a coin out from water where into does not miss singing the virgin forest sprung out from the silence of to-myself Aleutian eye's land and there was the way the salted overpass of hermaphrodite thoughts of calls from jaguars of spring of antelope of savannas picked from branches through their first important adventure: Beneath the marvellous cyathée a pretty nymph is stripping among the milk of mancenillia-trees* and fraternal leeches'huggings.

Extract from Miraculous Weapons, 1946

*The sap of mancenillier-tree (kind of Caribbean quince- tree )is poisonous

Translated by Gilles de Seze

***

Retour à la liste des poètes d'hier
Retour au sommaire du Jardin des Muses

***

Art Work : Jew at Prayer (1912-13) by Chagall



This site is beautifully viewed with Microsoft Internet Explorer
Résolution: 1024x768. Best view

Dernière modification de ce document: