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Liste des poèmes - poems
Commune présence
Le visage nuptial (1944)
Pyrénées
J'habite une douleur
Allégeance
Le terme épars
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud !
Les Inventeurs (1949).
L'énergie disloquante
René Char a toujours aimé vivre en marge de la société. Enfant, il se lie d'amitiés
avec les "matinaux" sortes de vagabonds vivant au rythme des jours et des saisons.
Le 20 février 1928 paraissent ses premiers poèmes aux Editions Le Rouge et Le Noir
(il aimait d'ailleurs beaucoup ce roman de Stendhal) sous le titre "Les cloches sur le
coeur", poèmes écrits entre 15 et 20 ans.
Du front d'Alsace, qui introduira dans sa poésie la pénombre des forêts, la neige
voluptueuse, Char passe vite à la Résistance, à Céreste, où il est de 1942 à
1944 le capitaine Alexandre, chef de secteur dans l'Armée secrète. La vie âpre,
souterraine, des maquis des Basses-Alpes sera consignée dans les Feuillets d'Hypnos
(1946): affrontement de la mort et de la trahison, régression vers la vie des cavernes,
plongée dans une nuit qu'éclaire seule la bougie de Georges de La Tour,"amitié
fantastique". Après la Libération, Seuls demeurent (1945), somme des
temps de guerre,
est suivi du Poème pulvérisé (1947), de Fureur et mystère (1948) et des
Matinaux (1950)
qui ont"mission d'éveiller", de redonner chance, au sortir de la réclusion,
aux mille ruisseaux de la vie diurne.
Le théâtre "sous les arbres" introduit
la vivacité d'une poésie orale qui plonge dans la tradition des conteurs provençaux,
des "Transparents" vagabonds. Après 1950, la vie de Char, dans la proximité
d'Yvonne Zervos, se fait plus invisible tout en s'enrichissant de rencontres
essentielles: "alliés substantiels" (Braque, Staël, Miró, Vieira da Silva),
philosophes et penseurs (Beaufret, Heidegger, Bataille, Camus, Blanchot).
Des plaquettes publiées par Guy Lévis Mano et Pierre-André Benoit sont régulièrement
réunies par Gallimard: La Parole en archipel (1962), Le Nu perdu (1971),
La Nuit talismanique (1971), témoignage d'une époque d'insomnies habitées
par des essais de peinture sur écorce; Aromates chasseurs (1975) où la figure
d'Orion tente de tracer un troisième espace, quand l'espace intime et l'espace
extérieur sont subvertis, détruits; Chants de la Balandrane (1977), Fenêtres
dormantes et porte sur le toit (1979), où l'âpre dénonciation des "utopies sanglantes
du XXe siècle" alterne avec l'éveil des fenêtres des peintres; dans Les Voisinages
de Van Gogh (1985), le sentiment de la proximité de la mort rend une tendresse ravivée,
pour saluer le monde dans ses plus minuscules éveilleurs:"Maintenant que nous
sommes délivrés de l'espérance et que la veillée fraîchit... bergeronnette, bonne fête!"
Dans cette oeuvre, le "trésor des nuages", image paradoxale du poème le
plus résistant, prend diverses formes: aphorismes qu'illimite la métaphore "
sans tutelle", poèmes versifiés au rythme du marcheur, poèmes en prose
où le sujet s'intègre à une matière résistante, se noue à la syntaxe,
théâtre sous les arbres où la parole allégée vole et s'échange.
La poésie,
prise entre "fureur"et"mystère", entre la fragmentation d'une "
énergie disloquante", et la continuité de "cette immensité, cette
densité réellement faite pour nous et qui de toutes parts, non divinement,
nous baignaient", gravite autour de quelques éléments centraux. Ainsi
la contradiction, à l'oeuvre dans la nature, l'histoire, la langue,
anime la lutte des "loyaux adversaires", lampe et vent, serpent et oiseau;
cette "exaltante alliance des contraires" produit le soulèvement du réel
qui permet au poète, "passant" et "passeur", de franchir la haute passe;
aimantée par l'inconnu en-avant, qui éclaire et pulvérise le présent,
cette poésie n'a cessé d'affirmer une "contre-terreur", d'annoncer l'éclatement
des liens de l'homme, emprisonné dans ses intolérances, de s'opposer à
l'asservissement des sites par des fusées de mort.
Impérieux et tendre,
nuage et diamant, aussi attentif aux espaces cosmiques qu'au chant du grillon,
le poème de "l'appelant", toujours "marié à quelqu'un", fonde une "
commune présence", un commun présent qui fait passer ensemble les êtres
vers l'avenir, avec pour viatique l'espoir de l'"inespéré".
Référence: Ce très beau texte est l'oeuvre de Chris.LLORCA
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Biographie
René Char est né le 14 juin 1907 à L'Isle-sur-la-Sorgue dans le Vaucluse.
En 1929 René Char adhère au mouvement surréaliste. René Char a 22 ans,
la plupart des autres poètes: Aragon, Eluard, Breton sont âgés d'environ
trente ans."J'étais un révolté et je cherchais des frères: j'étais seul à
l'Isle, sauf l'amitié de Francis Curel qui avait l'imagination nocturne."
Sa profession de foi du sujet débute ainsi : ... "Je touche enfin à cette
liberté entrevue, combien impérieusement, sur le déclin d'une adolescence
en haillons et fort peu méritoire...". Mais ce n'est qu'un passage pendant
lequel il signera quelques tracts et un recueil en commun avec Eluard et Breton en
1930, "Ralentir travaux".
En 1934, il reprend son indépendance. Son oeuvre devient celle d'un solitaire
ne souffrant aucune compromission. Elle témoigne de son insoumission
devant les agressions du monde. Char est un homme d'action, le devenir du monde
l'importe au plus haut. En 1937, il dédie son Placard pour un chemin
des écoliers aux "enfants d'Espagne". Démobilisé en 1940, il entre presque
aussitôt dans la Résistance sous le nom de guerre d'Alexandre. Il écrit son journal,
chronique de la résistance, qui sera publié sous le nom les Feuillets d'Hypnos (1946).
En 1948, le danger de pollution de la nature lui inspire une pièce, le Soleil des eaux.
En 1965, il mène campagne contre l'implantation de fusées nucléaires sur le plateau
d'Albion.
La poésie de Char puise sans cesse dans le réel et dans la terre.
Il est enraciné dans son pays natal et s'inspire abondamment de la
Provence, de ses pierres, sa flore et sa faune. Mais ce côté bucolique
n'est que l'apparence d'une recherche toujours plus rigoureuse de son état d'homme
"Cet élan absurde du corps et de l'âme, ce boulet de canon qui atteint sa
cible en la faisant éclater, oui, c'est bien là la vie d'un homme! On ne peut pas,
au sortir de l'enfance, indéfiniment étrangler son prochain".
René Char meurt d'une crise cardiaque le 19 février 1988. En mai de la même année,
paraîtra un recueil posthume " L'éloge d'une soupçonnée".
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Bibliographie
Le Marteau sans maître, 1934
Placard pour un chemin des écoliers, 1937
Dehors la nuit est gouvernée, 1938
Feuillets d'Hypnos, 1946
Fureur et mystère, 1948
la Parole en archipel, 1962
la Nuit talismanique, 1972
Chants de la Balandrane, 1977
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