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Choix de poèmes
Le gas qu'a mal tourné
Les électeurs
L'odeur du fumier
La rac' des brut's et des conscrits
Le Christ en bois
Les mangeux d'terre
Va Danser! (J'entends les violons... Marie!)
Glossaire
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Liminaire
Que voulez-vous qu'il demeure d'un oiseau qui ne sait que chanter?" (Victor Méric)
il demeure le désir de reprendre son chant, pour le communiquer le plus souvent possible
- un chant où l'amour rime rarement avec toujours
- un chant désespéré, lucide, qui témoigne d'un monde qui "tenaille et crucifie" au nom de la morale
- un chant de cigale blessée qui ne demande plus rien aux fourmis abusées par la bêtise
- un chant du désaccord avec ses paysans dont la dureté rejoint les bornes des chemins avec ses curés
et ses dévotes dont la religion interdit aux amants de s'aimer librement avec
ses conscrits et ses futurs
électeurs dont la seule ambition est une cocarde ou un bulletin de vote.
- mais aussi, un chant voilé, discret, tendre souvent "comme les yeux des bêtes",
- un chant pour le droit à la différence
- un chant qui trouve sa résonnance chez tous ceux qui refusent de se
soumettre à un ordre inhumain
- un chant pour Ici et Maintenant.
(Claude ANTONINI)
Le Merle du Peuple
Gaston Couté
(1880-1911), Beaugency (Loiret). Farouchement marginal, épris de liberté jusqu'à la violence,
le mépris des imbéciles devait sans doute le remplir d'aise.
Le pauvre Couté, disait Jehan Rictus, était sans défense
contre les pièges de la ville et les chausse-trapes de la vie des
cabarets. Celle-ci comporte entre autres dangers, la répugnante
exploitation des "managers", les fréquentations malsaines avec
leur cortège de beuveries et de vadrouilles et,
surtout, la "camaraderie", c'est-à-dire la solidarité
des faibles et des médiocres qui aboutit au boycottage assuré
du "camarade" de talent". Par destination le poète est, à
mon avis, l'homme des foules et non des salons.
Le poète véritable a ce privilège, même en
ne parlant que de lui, de confesser
les joies et les douleurs de la multitude. C'est la bonne
tradition d'Homère à
Villon, en passant par les trouvères et les troubadours
du Moyen Age. Un poète qui
n'est pas d'expression populaire ne représente pour moi rien du tout. Je le crois
destiné à périr et si je le compare au bidet de la Putain
dans le cabinet de toilette,
j'estime que ce dernier objet est infiniment plus utile."
Ainsi parlait Jehan Rictus.
Pour le poète comme je le comprends, il faut donc un public.
Où peut-il l'atteindre ailleurs qu'au cabaret? Le café
concert, le théâtre, les journaux lui sont fermés
ou presque. Le cabaret correspond donc à
une nécessité qui a toujours existé parce que l'homme
a besoin de poésie véritable. Plus peut-être
encore que de pain. Mais il faut s'entendre sur cette
réalité et cette tradition
perdue. Il ne s'agit pas uniquement de célébrer
les yeux et les tétons de sa
maîtresse. La poésie peut être
l'expression plus virile, plus contemporaine,
plus directe. Bien d'autres sujets lui conviennent et Gaston Couté l'a
magnifiquement prouvé. Aussi le lui fit-on payer
très cher. Le public l'en récompensa. (...)
Au soir du 25 juin, le poète beauceron sort du cabaret des Adrets, sur les
grands boulevards, dans un état d'épuisement complet.
Il s'accorde la dépense
d'un fiacre qui le conduit au pied de la rue Lepic, refusant d'aller plus loin.
C'est en rasant les murs que le pauvre Couté poursuit sa route, en titubant,
jusqu'à la place du Tertre. Sa logeuse appelle un médecin
qui prescrit une admission en toute hâte à l'hôpital
Lariboisière. C'est là qu'il meurt, seul,
comme un gueux, à peine âgé de 31 ans, le 28 juin 1911.
Le Merle du Peuple avait cessé de chanter...
Extrait de: Gaston Coutant, conservateur et secrétaire de l'association
"Les Amis de Gaston Couté"
(extrait du numéro 23 du "Journal de la Sologne" paru en hiver 78)
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