|
Choix de Poèmes (fragments)
Corps et Biens - À la mystérieuse
J'ai tant rêvé de toi · You have been....
(Français ·English)
Non l'amour n'est pas mort ·
No love is. ..(Français ·English)
Si tu savais ·
If you only knew (Français ·English)
À la faveur de la nuit ·
Under Cover... (Français ·English)
Ô douleurs de l'amour! · O sorrows of love!
(Français ·English)
Les Ténèbres (XXIV) Extraits de Corps et biens
De la rose de marbre à la rose de fer
· From the marble rose to the rose of iron
(Français ·English)
Extraits de Corps et biens Langage cuit
Vent nocturne
(Français)
Toi aussi tu viendras où je suis ·You will also come where I am (Français-English)
Les espaces du sommeil · Spaces inside... (Français ·English)
Au mocassin le verbe · To moccasin the verb (Français ·English)
Un jour qu'il faisait nuit (Français)
Fête-Diable, 1934 (Français)
Demain (Français)
Liminaire
"Desnos est véritablement le prince du surréalisme et André Breton lui offre
dans le Manifeste du surréalisme un véritable hommage:
"Demandez à Robert Desnos, celui d'entre nous qui, peut-être, s'est le plus
approché de la vérité surréaliste, celui qui, dans des oeuvre encore inédites et
le long des multiples expériences auxquelles il s'est prêté, a justifié pleinement
l'espoir que je plaçais dans le surréalisme et me somme encore d'en attendre beaucoup.
Aujourd'hui Desnos parle surréaliste à volonté. La prodigieuse agilité qu'il met
à suivre oralement sa pensée nous vaut autant qu'il nous plaît de discours
splendides et qui se perdent, Desnos ayant mieux à faire qu'à les fixer.
Il lit en lui à livre ouvert et ne fait rien pour retenir les feuillets qui
s'envolent au vent de sa vie."
Breton avait écrit un peu plus tôt dans le Journal littéraire (5 juillet 1924):
"Le surréalisme est à l'ordre du jour et Desnos est son prophète"
***
Desnos aimait répéter : "Je ne suis pas philosophe, je ne suis pas métaphysicien...
Et j'aime le vin pur."Il disait aussi: "Ce que les écrivains ont à dire s'adresse à tous".
Desnos
Robert Desnos Paris 1900 - Terezín, Tchécoslovaquie, 1945)
Robert Desnos est né le 4 Juillet 1900.. Toute son enfance et son adolescence,
il la passe dans le quartier Saint-Merri, un quartier populaire des Halles.
L'oeuvre de Desnos sera marquée par les souvenirs accumulés dans ces quartiers
populaires et pitoresques.
Les années 1922 et 1923 sont ainsi, pour Desnos comme pour ses compagnons,
Breton, Péret et plusieurs poètes surréalistes, des années d'experimentation
du langage et de l'ensemble de ses possibilités: Desnos a constitué un véritable
laboratoire du langage (l'Aumonyme, P'Oasis,
L'asile ami, La colombe et l'arche...).
Dans les années 1924-1926, Desnos participe aux diverses manifestations surréalistes,
signe les diverses déclarations et lettres ouvertes surréalistes.
Il est difficile de comprendre l'oeuvre de Desnos si on ne connaît pas
quelques éléments de sa vie sentimentale.
C'est probablement en 1924 qu'il rencontre Yvonne George, la chanteuse de music-hall.
Son amour qui, selon Fraenkel, ne fut jamais partagé, inspirera de nombreux poèmes,
notamment ceux qu'il dédicace "à la mystérieuse" en 1926. C'est l'occasion
pour Desnos de renouer avec le lyrisme.
Voilà ce qu'écrit Antonin Artaud à Jean Paulhan dès que lui parviennent
les poèmes A la mystérieuse:
"Je sors bouleversé d'une lecture des derniers poèmes de Desnos. Les poèmes d'amour
sont ce que j'ai entendu de plus entièrement émouvant, de plus décisif en ce genre
depuis des années et des années. Pas une âme qui ne se sente touchée jusque dans
ses cordes les plus profondes, pas un esprit qui ne se sente ému et exalté et
ne se sente confronté avec lui-même. Ce sentiment d'un amour impossible creuse
le monde dans ses fondements et le force à sortir de lui-même, et on dirait
qu'il lui donne la vie. Cette douleur d'un désir insatisfait ramasse toute
l'idée de l'amour avec ses limites et ses fibres, et la confronte avec
l'absolu de l'Espace et du Temps, et de telle manière que l'être entier
s'y sente défini et intéressé. C'est aussi beau que ce que vous pouvez
connaître de plus beau dans le genre, Baudelaire ou Ronsard. Et il n'est
pas jusqu'à un besoin d'abstraction qui ne se sente satisfait par ces poèmes
où la vie de tous les jours, où n'importe quel détail de la vie journalière
prend de l'espace, et une solennité inconnue. Et il lui a fallu deux ans
de piétinements et de silence pour en arriver tout de même à cela."
(Oeuvres complètes, Gallimard NRF, t. 1., 1979, pp. 128-129)
Desnos va peu à peu distendre ses liens avec le groupe des surréalistes.
Déjà en 1927, lorsque Breton, Aragon, Éluard, Péret et Unik justifient
leur engagement politique au parti communiste, il fait partie de ceux qui
proclament l'incompatibilité de l'activité surréaliste avec une action
militante au parti communiste. Progressivement l'écart s'accentue
entre Desnos et Breton: ce dernier lui reproche d'être devenu un professionnel
du journalisme ou d'avoir représenté la Razonau congrès de la Presse
latine à Cuba en 1928. Quand André Breton et Aragon essaient de relancer
l'activité collective en 1929, Desnos s'abstient, comme Leiris, Masson,
Bataille, Limbour.
C'est en décembre 1929, lorsque paraît le Second manifeste du surréalisme,
que la rupture est consommée. Breton y réserve six pages à Desnos.
On peut y lire notamment:
"Une grande complaisance envers soi-même, c'est essentiellement ce
que je reproche à Desnos".
Il faut dire que Desnos avait signé auparavant, avc Georges Ribemont-Dessaignes,
Georges Bataille, Jacques Prévert, Limbour, Roger Vitrac, Antonin artaud,
Rhilippe Soupault, André Masson, Joseph Delteil, Un cadavre où l'on traitait
Breton de "lion châtré", de "palotin du monde occidental", de faisan, de flic,
de curé, de joli coco, d'esthète de basse-cour, etc...
Un peu plus tard, dans un modèle de "ligne droite en matière d'éreintage",
Aragon,se charge d'exécuter définitivement Desnos, et non sans une certaine mauvaise foi,
sous le titre de Corps, âmes et biens, dans Le surréalisme au service de
la révolution :
A partir de ce moment Desnos ne cessera plus d'être un franc-tireur.
En 1930, au moment de la crise du surréalisme, paraît Corps et biens,
qui regroupe les poèmes publiés en revue de 1919 à 1929. Dans les années 30
les publications de Desnos se font plus rares. Pendant cette période,
s'il ne cesse pas d'écrire, il écrit moins (un seul recueil paraît: Les sans cou,
en 1934). C'est que ses occupations sont diverses.
Si Desnos s'est brouillé avec Breton et ses amis en 1927 parce qu'il refusait
de les suivre dans leur engagement au parti communiste, cela ne signifie pas
qu'il se désintéresse de la politique. On peut le définir comme un radical-socialiste,
épris de liberté et d'humanisme. Son engagement politique ne va cesser de croître
dans les années 30, avec la "montée des périls". Dès 1934, il participe au mouvement
frontiste et adhère aux mouvements d'intellectuels antifascistes, comme l'Association
des Écrivains et Artistes Révolutionnaires ou le Comité de vigilance des Intellectuels
antifascistes après les élections de mai 1936. Passionné pour la culture espagnole,
il est très choqué par la guerre d'Espagne et le refus de Blum d'y engager la France.
Alors que la conjoncture internationale devient de plus en plus menaçante, Desnos
renonce à ses positions pacifistes: la France doit, selon lui, se préparer à
la guerre, pour défendre l'indépendance de la France, sa culture et son
territoire et pour faire obstacle au fascisme. Il écrit en février 1938:
Je chante ce soir non ce que nous devons combattre
Mais ce que nous devons défendre.
Les plaisirs de la vie.
Le vin qu'on boit avec les camarades.
L'amour.
Le feu en hiver.
La rivière fraîche en été.
La viande et le pain de chaque repas.
Le refrain que l'on chante en marchant sur la route.
Le lit où l'on dort.
Le sommeil, sans réveils en sursaut, sans angoisse du lendemain.
Le loisir.
La liberté de changer de ciel.
Le sentiment de la dignité et beaucoup d'autres choses
Dont on refuse la possession aux hommes.
Il part donc se battre sans hésitation après la déclaration de guerre :
J'ai décidé de retirer de la guerre tout le bonheur qu'elle peut me donner:
la preuve de la santé, de la jeunesse et l'inestimable satisfaction d'emmerder Hitler.
(Lettre du 20 janvier 1940 à Youki)
C'est la "drole de guerre", le choc de la découverte de la mentalité défaitiste
de "l'arrière", la débacle, la défaite et le retour à Paris, maintenant occupé.
Mais jamais Desnos ne sera découragé.
A Paris la vie n'est pas facile: ses activités radiophoniques se font rares et
sont étroitement surveillées. Desnos accepte d'entrer comme chef
des informations dans le journal d'Henri Jeanson et Robert Perrier, Aujourd'hui.
Mais l'indépendance du journal est de courte durée: Jeanson est arrêté et ,Aujourd'hui
devient le porte-parole de l'occupant. Desnos continuera cependant
d'y écrire régulièrement jusqu'en décembre 43 soit sous son nom, soit sous
pseudonyme ou anonymement. Il doit ruser avec la censure, surveiller ses paroles.
Comme il le dit:
"du moins si je n'écris pas tout ce que je pense, je pense tout ce que j'écris,"
Mais surtout cette activité de journaliste lui permet de couvrir ses fonctions
dans le réseau de résistance AGIR auquel il appartient à partir de juillet 1942:
Mais le 22 février 1944 Desnos, qui, à côté de ses activités clandestines,
manifestait au grand jour ses opinions, est arrêté à son domicile. C'est le début
d'un long calvaire, pendant lequel, selon tous les témoignages Desnos n'a
jamais perdu l'espoir et a toujours lutté contre la déchéance morale.
22 février 1944 : arrestation
22 février - 20 mars 1944: prison de Fresnes
20 mars - 27 avril 1944: camp de Royallieu à Compiègne
27 avril - 30 avril 1944: il fait partie d'un convoi de 1700 hommes pour Auschwitz
12 mai - 14 mai 1944: convoi pour Buchenwald
25 mai 1944: reduit à un millier d'hommes le convoi gagne Flossenburg
2 - 3 juin 1944: un groupe de 85 hommes est acheminé vers le camp de Flöha
en Saxe, une usine de textiles désaffectée où les déportés fabriquent
des carlingues de messerschmitt.
Le 14 avril 1945 sous la pression des armées alliées, le kommando de Flöha est évacué.
Le 15 avril, 57 d'entre eux sont fusillés. Vers la fin du mois d'avril la colonne
est scindée en deux grpoupes: les plus épuisées - dont Desnos - sont acheminés
jusqu'à Térézin, en Tchécoslovaquie, les autres sont abandonnés à eux-mêmes.
A Térézin, hospitalisé et soigné avec des moyens de fortune, Desnos est reconnu
par ses soignants : Josef Stuna et Aléna Tesarova.
Desnos est mort le 8 juin 1945, à cinq heures trente de matin.
Éluard, dans le discours qu'il prononça lors de la remise des cendres du poète,
en octobre 1945 écrit:
Jusqu'à la mort, Desnos a lutté. Tout au long de ses poèmes l'idée de liberté
court comme un feu terrible, le mot de liberté claque comme un drapeau parmi
les images les plus neuves, les plus violentes aussi. La poésie de Desnos,
c'est la poésie du courage. Il a toutes les audaces possibles de pensée
et d'expression. Il va vers l'amour, vers la vie, vers la mort sans jamais douter.
Il parle, il chante très haut, sans embarras. Il est le fils prodigue d'un peuple
soumis à la prudence, à l'économie, à la patience, mais qui a quand même toujours
étonné le monde par ses colères brusques, sa volonté d'affranchissement et ses
envolées imprévues.
***
Biography
Robert Desnos, the son of a café owner, was born on July 4, 1900, in Paris.
He attended commercial college, and then worked as a clerk before becoming
a literary columnist for the newspaper Paris-Soir. He first published poems
in the Dadaist magazine Littérature in 1919, and in 1922 he published his first book,
Rrose Selavy, a collection of surrealistic aphorisms. While on leave
in Morocco from his mandatory two years in the French Army, Desnos befriended
poet Andre Breton. Together with writers Louis Aragon and Paul Eluard, Breton
and Desnos would form the vanguard of literary surrealism. They practiced
a technique known as "automatic writing," and many hailed Desnos as the most
accomplished practitioner. Breton, in the Manifesto of Surrealism, 1924,
singled out Desnos for particular praise. The technique involved drifting
into a trance and then recording the associations and leaps of the subconscious mind.
Desnos' poems from this time are playful (often using puns and homonyms),
sensual, and serious.
The 1920s were an extremely creative period for Desnos; between 1920 and 1930,
he published more than eight books of poetry, including Language cuit(1923),
Deuil pour deuil(1924),Journal d'une apparition(1927), and
The Night of Loveless Nights(1930). In the 1930s, Desnos diverged slightly
from his Surrealist peers. Breton, in his Second Manifesto of Surrealism, 1930,
would criticize Desnos for straying from the movement and for his journalistic work.
In part, Desnos had simply grown tired of his own excesses-both in his creative
and personal life. It was at this time that he married Youki Foujita and took
on more commercial writing assignments for French radio and television.
His poems became more direct and musical, though still maintaining some of
their earlier adventurous style. Desnos continued to write throughout the decade;
in 1936 he wrote a poem per day for the entire year. His published works
from this time include Corps et biens(1930), and Le sans cou(1934).
In 1939 at the onset of World War II, Desnos again served in the French Army.
During the German occupation, he returned to Paris and under pseudonyms such
as Lucien Gallois and Pierre Andier, Desnos published a series of essays that
subtly mocked the Nazis. These articles combined with his work for the French
Resistance led to his arrest. Desnos was sent to first to Auschwitz,
and then transferred to a concentration camp in Czechoslovakia.
Although the Allies liberated this camp in 1945, Desnos had contracted typhoid.
He died on June 8, 1945. His Selected Poems were first translated and published
in English in 1972, (by William Kulik with Carole Frankel), and again in 1991
(translated by Carolyn Forché and William Kulik).
|