(Français — Anglais)

Forugh Farrokhzâd
(1935-1967)


Tanha sedast ke mimanad - Il n’y a que la voix qui reste

Pourquoi m’arrêterais-je, pourquoi?
Les oiseaux sont partis en quête d’une direction bleue
L’horizon est vertical
L’horizon est vertical, le mouvement une fontaine
Et dans les limites de la vision
Les planètes tournoient lumineuses
Dans les hauteurs la terre accède à la répétition
Et des puits d’air
Se transforment en tunnels de liaison.
Le jour est une étendue,
Qui ne peut être contenue
Dans l’imagination du vers qui ronge un journal
Pourquoi m’arrêterais-je?
Le mystère traverse les vaisseaux de la vie
L’atmosphère matricielle de la lune,
Sa qualité tuera les cellules pourries
Et dans l’espace alchimique après le lever du soleil
Seule la voix
Sera absorbée par les particules du temps
Pourquoi m’arrêterais-je?
Que peut être le marécage, sinon le lieu de pondaison des insectes de pourriture
Les pensées de la morgue sont écrites par les cadavres gonflés
L’homme faux dans la noirceur
A dissimulé sa virilité défaillante
Et les cafards...ah
Quand les cafards parlent!
Pourquoi m’arrêterais-je?
Tout le labeur des lettres de plomb est inutile,
Tout le labeur des lettres de plomb,
Ne sauvera pas une pensée mesquine
Je suis de la lignée des arbres
Respirer l’air stagnant m’ennuie
Un oiseau mort m’a conseillé de garder en mémoire le vol
La finalité de toutes les forces est de s’unir, de s’unir,
À l’origine du soleil
Et de se déverser dans l’esprit de la lumière
Il est naturel que les moulins à vent pourrissent
Pourquoi m’arrêterais-je?
Je tiens l’épi vert du blé sous mon sein
La voix, la voix, seulement la voix
La voix du désir de l’eau de couler
La voix de l’écoulement de la lumière sur la féminité de la terre
La voix de la formation d’un embryon de sens
Et l’expression de la mémoire commune de l’amour
La voix, la voix, la voix, il n’y a que la voix qui reste
Au pays des lilliputiens,
Les repères de la mesure d’un voyage ne quittent pas l’orbite du zéro
Pourquoi m’arrêterais-je?
J’obéis aux quatre éléments
Rédiger les lois de mon coeur,
N’est pas l’affaire du gouvernement des aveugles local
Qu'ai-je à faire avec le long hurlement de sauvagerie?
De l’organe sexuel animal
Qu'ai-je à faire avec le frémissement des vers dans le vide de la viande?
C’est la lignée du sang des fleurs qui m’a engagée à vivre
La race du sang des fleurs savez-vous?

Foroukh Farrokhzâd (1935-1967)

Traduction Mohammad Torabi & Yves Ros

It Is Only Sound That Remains

Why should I stop, why?
the birds have gone in search of the blue direction.
the horizon is vertical,
vertical and movement fountain-like;
and at the limits of vision
shining planets spin.
the earth in elevation reaches repetition,
and air wells
changes into tunnels of connection;
and day is a vastness,
which does not fit into narrow mind of newspaper worms.
why should I stop?
the road passes through the capillaries of life,
the quality of the environment
in the ship of the uterus of the moon
will kill the corrupt cells.
and in the chemical space after sunrise
there is only sound,
sound that will attract the particles of time.
why should I stop?
what can a swamp be?
what can a swamp be but the spawning ground of corrupt insects?
swollen corpses scrawl the morgue's thoughts,
the unmanly one has hidden
his lack of manliness in blackness,
and the bug... ah,
when the bug talks,
why should I stop?
cooperation of lead letters is futile,
it will not save the lowly thought.
I am a descendant of the house of trees.
breathing stale air depresses me.
a bird which died advised me to commit flight to memory.
the ultimate extent of powers is union,
joining with the bright principle of the sun
and pouring into the understanding of light.
it is natural for windmills to fall apart.
why should I stop?
I clasp to my breast the unripe bunches of wheat and breastfeed them
sound, sound, only sound,
the sound of the limpid wishes of water to flow,
the sound of the falling of star light on the wall of earth's femininity
the sound of the binding of meaning's sperm
and the expansion of the shared mind of love.
sound, sound, sound, only sound remains.
in the land of dwarfs,
the criteria of comparison have always traveled in the orbit of zero.
why should I stop?
I obey the four elements;
and the job of drawing up the constitution of my heart
is not the business of the local government of the blind.
what is the lengthy whimpering wildness in animals sexual organs to me?
what to me is the worm's humble movement
In its fleshy vacuum?
the bleeding ancestry of flowers has committed me to life.
are you familiar with the bleeding ancestry of the flowers?

translate by Michael C. Hillmann

http://www.forughfarrokhzad.org/selectedworks/selectedworks6.asp



L'oiseau est mortel

Je suis déprimée,
Ah ! Je suis déprimée
Je vais au balcon
et je passe mes doigts
sur la peau tendue de la nuit.
Les lumières de relation sont éteintes.

Personne ne me présentera au soleil
Personne ne m'emmènera à la soirée des moineaux
Garde le vol à l'esprit,
L'oiseau est mortel

Traduit par Mahshid Moshiri

I'm Depressed ( Delam Gerefteh ast )

I am depressed, o so depressed.
I go to the porch and extend my fingers
over the taut skin of night
the lamps that link are dark, o so dark.

no one will introduce me to the sunlight
or escort me
to the sparrows' gathering.
commit flight to memory,
for the bird is mortal.



Le mur

Quand viennent ces moments brefs et froids,
tes yeux sauvages, silencieux, lèvent un mur autour de moi

Je fuis sur les chemins perdus
jusqu’à ce que des champs paraissent sous la poussière de la lune
jusqu'à ce que nous ne fassions qu'un dans les sources de lumière
jusqu'à la brume chamarrée des chaudes matinées d'été

Je fuis jusqu'à ce que ma robe déborde de lys du désert
jusqu'à ce que nous entendions tous deux
le coq qui appelle depuis le toit du villageois
jusqu'à ce que de tout son poids mon pieds foule l'herbe du désert
ou que je m'y désaltère de rosée froide

jusqu'à ce que sur une grève vide
du haut de ses rochers perdus dans l'ombre nébuleuse,
j'échappe aux choréographies des tempêtes sur la mer

jusqu'à ce qu'en un soir lointain,
- comme les pigeons sauvages,
j'entreprenne le parcours des champs, du ciel, des montagnes

jusqu'à ce que les oiseaux du désert
crient de joie d’entre les broussailles sèches

je t'échappe pour que - loin de toi
je trouve le chant de l’espoir, ainsi que tout ce qu’il contient
mais avec leur cris éteint tes yeux me brouillent le chemin
vers la pesante grille d'or qui conduit au palais des songes,
levant un mur autour de moi, comme la destinée d'un jour,
au plus fort de son mystère

j'échappe à l'envoûtement des victimes hésitantes,
je me défais comme le parfum de la fleur coloriée des songes,
m’agrippe à l'onde des cheveux de la nuit dans le zéphyr,
m'en vais accoster le soleil

dans un monde qu'un confort perpétuel a endormi
je trébuche avec douceur sur un nuage doré,
la lumière lance ses griffes au travers du ciel égayé,
en une harmonieuse esquisse

C'est de cet endroit-là qu'heureuse et libre,
je fixe mes yeux sur un monde où le sortilège
de ton regard construit un lien avec un regard confus

Un monde où tes yeux envoûtants,
au plus fort de leur mystère,
lèvent un mur sur leur secret

Forough Farrokhzâd -

traduit du persan par Sylvie M. Miller
http://lalapostings.blogspot.com/



Renaissance

Tout mon être est un hélas sombre
qui te porte en soi et te répète, lancinant
vers l'aube où poussent les bourgeons
éclos de l'éternité

En cet hélas,moi, je t'ai soupiré,
Ah! Soupiré, soupiré tant,
que je t'ai greffé à l'arbre à l'eau au feu

La vie peut être est une rue longue
où passe chaque jour une femme avec un panier;
la vie peut être est une corde
sur la branche où l'homme se pend;
la vie peut être est un enfant
qui rentre de l'école à pieds;
la vie peut être est cet instant où deux amants consumés
brûlent une cigarette;
ou le passe-droit étourdi d'un passant qui salue l'autre
d'un sourire vide et du chapeau;
ou bien encore ce moment hermétique où mon regard
s'éffondre en écoutant tes yeux;
et dans cet étourdissement que donne une impression de lune
et de soleil en même temps

Dans une chambre ramenée aux dimensions d'une solitude,
mon coeur, à l'échelle de l'amour,
contemple les prétextes simples qui lui donnent son bonheur
comme la beauté déclinante de fleurs coupées dans un vase
comme la graine que tu plantas dans le parterre du jardin
comme le chant des canaris aux mesures d'une fenêtre

Ah! Voici ma destinée,
Voici ce qu'est ma destinée...
Ma destinée est un ciel
qu'un nouveau rideau posé, m'enlèvera
Ma destinée est la descente d'escaliers abandonnés
pour y dénicher une chose imputréscible et révolue
Ma destinée est ce parcours endeuillé dans les allées
du jardin de ma mémoire et la nostalgie d'un râle qui me dit
"j'aime tes mains"

J'enfouis mes mains dans le jardin pour y grandir
et je suis sure,sure que je grandirai
et qu'entre mes doigts tachés d'encre
les hirondelles feront leurs nids
Je prends comme pendants d'oreilles
des cerises rouges assorties
je colle aux ongles de mes doigts
des pétales de dahlias

Il existe une ruelle, où mes amoureux, encore, rêvent,
toujours échevelés, avec leur cou effilé,
leurs jambes dégingandées,
du rire candide d'une enfant
qu'un soir le vent a emportée
Il existe, une ruelle, dans les quartiers de mon enfance,
que mon coeur leur a volée

Le voyage donne sa forme à la ligne sèche du temps
Qui, stérile, n'est engrossée que dans le reflet d'un miroir
Et c'est pourquoi, un être meurt
Et un autre reste vivant

Aucun pêcheur ne trouvera de perle
dans un ruisseau qui se jette dans un fossé

Je connais une petite fée triste,
dans un océan qui sans faire de bruit
raconte son coeur, en jouant du luth
Une petite fée triste qui
La nuit périt dans un baiser
Et renaît d'un baiser, dans l'aube

Poème de Forough Farrokhzad

traduit du persan par Sylvie M. Miller
http://lalapostings.blogspot.com/

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