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Pablo Neruda
(1904-1973)

Vingt poèmes d amour/ une chanson désespérée


Poema 5

Esta obra fue escrita por Pablo Neruda
Publicada originalmente en Santiago de Chile
por Editorial Nascimento © 1924
Pablo Neruda y Herederos de Pablo Neruda


Para que tú me oigas
mis palabras se adelgazan a veces
como las huellas de las gaviotas en las playas.

Collar, cascabel ebrio
para tus manos suaves como las uvas.

Y las miro lejanas mis palabras.
Más que mías son tuyas.
Van trepando en mi viejo dolor como las yedras

Ellas trepan así por las paredes húmedas.
Eres tú la culpable de este juego sangriento.

Ellas están huyendo de mi guarida oscura.
Todo lo llenas tú, todo lo llenas.

Antes que tú poblaron la soledad que ocupas,
y están acostumbradas más que tú a mi tristeza.

Ahora quiero que digan lo que quiero decirte
para que tú las oigas como quiero que me oigas.

El viento de la angustia aún las suele arrastrar.
Huracanes de sueños aún a veces las tumban.

Escuchas otras voces en mi voz dolorida.
Llanto de viejas bocas, sangre de viejas súplicas.

Amame, compañera. No me abandones. Sígueme.
Sígueme, compañera, en esa ola de angustia.

Pero se van tiñendo con tu amor mis palabras.
Todo lo ocupas tú, todo lo ocupas.

Voy haciendo de todas un collar infinito
para tus blancas manos, suaves como las uvas.

Poème 5

Esta obra fue escrita por Pablo Neruda
Publicada originalmente en Santiago de Chile
por Editorial Nascimento © 1924
Pablo Neruda y Herederos de Pablo Neruda


Pour que tu m'entendes
mes mots parfois s'amenuisent
comme la trace des mouettes sur la plage.

Collier, grelot ivre
pour le raisin de tes mains douces.

Mes mots je les regarde et je les vois lointains.
Ils sont à toi bien plus qu'à moi.
Sur ma vieille douleur ils grimpent comme un lierre.

Ils grimpent sur les murs humides.
Et de ce jeu sanglant tu es seule coupable.

Ils sont en train de fuir de mon repaire obscur.
Et toi tu emplis tout, par toi tout est empli.

Ce sont eux qui ont peuplé le vide où tu t'installes,
ma tristesse est à eux plus qu'à toi familière.

Ils diront donc ici ce que je veux te dire,
et entends-les comme je veux que tu m'entendes.

Habituel, un vent angoissé les traîne encore
et parfois l'ouragan des songes les renverse.

Tu entends d'autres voix dans ma voix de douleur.
Pleurs de lèvres anciennes, sang de vieilles suppliques.

Ma compagne, aime-moi. Demeure là. Suis-moi.
Ma compagne, suis-moi, sur la vague d'angoisse.

Pourtant mes mots prennent couleur de ton amour.
Et toi tu emplis tout, par toi tout est empli.

Je fais de tous ces mots un collier infini
pour ta main blanche et douce ainsi que les raisins



***

So That You Will Hear Me (poem 5)

So that you will hear me
my words sometimes grow thin
as the tracks of the gulls on the beaches.

Necklace, drunken bell
for your hands smooth as grapes.

And I watch my words from a long way off.
They are more yours than mine.
They climb on my old suffering like ivy.

It climbs the same way on damp walls.
You are to blame for this cruel sport.

They are fleeing from my dark lair.
You fill everything, you fill everything.

Before you they peopled the solitude that you occupy,
and they are more used to my sadness than you are.

Now I want them to say what I want to say to you
to make you hear as I want you to hear me.

The wind of anguish still hauls on them as usual.
Sometimes hurricanes of dreams still knock them over.
You listen to other voices in my painful voice.

Lament of old mouths, blood of old supplications.
Love me, companion. Don't forsake me. Follow me.
Follow me, companion, on this wave of anguish.

But my words become stained with your love.
You occupy everything, you occupy everything.

I am making them into an endless necklace
for your white hands, smooth as grapes.




Poema 6

Te recuerdo como eras en el último otoño.
Eras la boina gris y el corazón en calma.
En tus ojos peleaban las llamas del crepúsculo.
Y las hojas caían en el agua de tu alma.

Apegada a mis brazos como una enredadera,
las hojas recogían tu voz lenta y en calma.
Hoguera de estupor en que mi sed ardía.
Dulce jacinto azul torcido sobre mi alma.

Siento viajar tus ojos y es distante el otoño:
boina gris, voz de pájaro y corazón de casa
hacia donde emigraban mis profundos anhelos
y caían mis besos alegres como brasas.

Cielo desde un navío. Campo desde los cerros.
Tu recuerdo es de luz, de humo, de estanque en calma!
Más allá de tus ojos ardían los crepúsculos.
Hojas secas de otoño giraban en tu alma.

Pablo Neruda

Poema 6

Je me souviens de toi telle que tu étais en ce dernier automne:
un simple béret gris avec le coeur en paix.
Dans tes yeux combattaient les feux du crépuscule.
Et les feuilles tombaient sur les eaux de ton âme.

Enroulée à mes bras comme un volubilis,
les feuilles recueillaient ta voix lente et paisible.
Un bûcher de stupeur où ma soif se consume.
Douce jacinthe bleue qui se tord sur mon âme.

je sens tes yeux qui vont et l'automne est distant:
béret gris, cris d'oiseau, coeur où l'on est chez soi
et vers eux émigraient mes désirs si profonds
et mes baisers tombaient joyeux comme des braises.

Le ciel vu d'un bateau. Les champs vus des collines:
lumière, étang de paix, fumée, ton souvenir.
Au-delà de tes yeux brûlaient les crépuscules.
Sur ton âme tournaient les feuilles de l'automne.



***

I Remember You As You Were (poem 6)

I remember you as you were in the last autumn.
You were the grey beret and the still heart.
In your eyes the flames of the twilight fought on.
And the leaves fell in the water of your soul.

Clasping my arms like a climbing plant
the leaves garnered your voice, that was slow and at peace.
Bonfire of awe in which my thirst was burning.
Sweet blue hyacinth twisted over my soul.

I feel your eyes travelling, and the autumn is far off:
grey beret, voice of a bird, heart like a house
towards which my deep longings migrated
and my kisses fell, happy as embers.

Sky from a ship. Field from the hills:
Your memory is made of light, of smoke, of a still pond!
Beyond your eyes, farther on, the evenings were blazing.
Dry autumn leaves revolved in your soul.




Poema 7

Inclinado en las tardes tiro mis tristes redes
a tus ojos oceánicos.

Allí se estira y arde en la más alta hoguera
mi soledad que da vueltas los brazos como un náufrago.

Hago rojas señales sobre tus ojos ausentes
que olean como el mar a la orilla de un faro.

Sólo guardas tinieblas, hembra distante y mía,
de tu mirada emerge a veces la costa del espanto.

Inclinado en las tardes echo mis tristes redes
a ese mar que sacude tus ojos oceánicos.

Los pájaros nocturnos picotean las primeras estrellas
que centellean como mi alma cuando te amo.

Galopa la noche en su yegua sombría
desparramando espigas azules sobre el campo.

Pablo Neruda, 1924

Poema 7

Incliné sur les soirs je jette un filet triste
sur tes yeux d'océan.

Là, brûle écartelée sur le plus haut bûcher,
ma solitude aux bras battants comme un noyé.

Tes yeux absents, j'y fais des marques rouges
et ils ondoient comme la mer au pied d'un phare.

Ma femelle distante, agrippée aux ténèbres,
de ton regard surgit la côte de l'effroi.

Incliné sur les soirs je jette un filet triste
sur la mer qui secoue tes grands yeux d'océan.

Les oiseaux de la nuit picorent les étoiles
qui scintillent comme mon âme quand je t'aime.

Et la nuit galopant sur sa sombre jument
éparpille au hasard l'épi bleu sur les champs



***

Leaning into the Afternoons (poem 7)

Leaning into the afternoons I cast my sad nets
towards your oceanic eyes.

There in the highest blaze my solitude lengthens and flames,
its arms turning like a drowning man's.

I send out red signals across your absent eyes
that move like the sea near a lighthouse.

You keep only darkness, my distant female,
from your regard sometimes the coast of dread emerges.

Leaning into the afternoons I fling my sad nets
to that sea that beats on your marine eyes.

The birds of night peck at the first stars
that flash like my soul when I love you.

The night gallops on its shadowy mare
shedding blue tassels over the land.




Poema 8

Abeja blanca zumbas --ebria de miel-- en mi alma
y te tuerces en lentas espirales de humo.

Soy el desesperado, la palabra sin ecos,
el que lo perdió todo, y el que todo lo tuvo.

Ultima amarra, cruje en ti mi ansiedad última.
En mi tierra desierta eres la última rosa.

Ah silenciosa!

Cierra tus ojos profundos. Allí aletea la noche.
Ah desnuda tu cuerpo de estatua temerosa.

Tienes ojos profundos donde la noche alea.
Frescos brazos de flor y regazo de rosa.

Se parecen tus senos a los caracoles blancos.
Ha venido a dormirse en tu vientre una mariposa de sombra.

Ah silenciosa!

He aquí la soledad de donde estás ausente.
Llueve. El viento del mar caza errantes gaviotas.

El agua anda descalza por las calles mojadas.
De aquel árbol se quejan, como enfermos, las hojas.

Abeja blanca, ausente, aún zumbas en mi alma.
Revives en el tiempo, delgada y silenciosa.

Ah silenciosa!

Pablo Neruda

Poème 8

Abeille blanche, ivre de miel, toi qui bourdonnes dans mon âme,
tu te tords en lentes spirales de fumée.

je suis le désespéré, la parole sans écho,
celui qui a tout eu, et qui a tout perdu.

Dernière amarre, en toi craque mon anxiété dernière.
En mon désert tu es la rose ultime.

Ah! silencieuse!

Ferme tes yeux profonds. La nuit y prend son vol.
Ah! dénude ton corps de craintive statue.

Tu as des yeux profonds où la nuit bat des ailes.
Et de frais bras de fleur et un giron de rose.

Et tes seins sont pareils à des escargots blancs.
Un papillon de nuit dort posé sur ton ventre.

Ah! silencieuse!

Voici la solitude et tu en es absente.
Il pleut. Le vent de mer chasse d'errantes mouettes.

L'eau marche les pieds nus par les routes mouillées.
Et la feuille de l'arbre geint, comme un malade.

Abeille blanche, absente, en moi ton bourdon dure.
Tu revis dans le temps, mince et silencieuse.

Ah! silencieuse!



***

White Bee (poem 8)

White bee, you buzz in my soul, drunk with honey,
and your flight winds in slow spirals of smoke.

I am the one without hope, the word without echoes,
he who lost everything and he who had everything.

Last hawser, in you creaks my last longing.
In my barren land you are the final rose.

Ah you who are silent!

Let your deep eyes close. There the night flutters.
Ah your body, a frightened statue, naked.

You have deep eyes in which the night flails.
Cool arms of flowers and a lap of rose.

Your breasts seem like white snails.
A butterfly of shadow has come to sleep on your belly.

Ah you who are silent!

Here is the solitude from which you are absent.
It is raining. The sea wind is hunting stray gulls.

The water walks barefoot in the wet streets.
From that tree the leaves complain as though they were sick.

White bee, even when you are gone you buzz in my soul
You live again in time, slender and silent.

Ah you who are silent!

***

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