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Poema 17
Pensando, enredando sombras en la profunda soledad.
Tú también estás lejos, ah más lejos que nadie.
Pensando, soltando pájaros, desvaneciendo imágenes,
enterrando lámparas.
Campanario de brumas, qué lejos, allá arriba!
Ahogando lamentos, moliendo esperanzas sombrías,
molinero taciturno,
se te viene de bruces la noche, lejos de la ciudad.
Tu presencia es ajena, extraña a mí como una cosa.
Pienso, camino largamente, mi vida antes de ti.
Mi vida antes de nadie, mi áspera vida.
El grito frente al mar, entre las piedras,
corriendo libre, loco, en el vaho del mar.
La furia triste, el grito, la soledad del mar.
Desbocado, violento, estirado hacia el cielo.
Tú, mujer, qué eras allí, qué raya, qué varilla
de ese abanico inmenso? Estabas lejos como ahora.
Incendio en el bosque! Arde en cruces azules.
Arde, arde, llamea, chispea en árboles de luz.
Se derrumba, crepita. Incendio. Incendio.
Y mi alma baila herida de virutas de fuego.
Quien llama? Qué silencio poblado de ecos?
Hora de la nostalgia, hora de la alegría, hora de la soledad,
hora mía entre todas!
Bocina en que el viento pasa cantando.
Tanta pasión de llanto anudada a mi cuerpo.
Sacudida de todas las raíces,
asalto de todas las olas!
Rodaba, alegre, triste, interminable, mi alma.
Pensando, enterrando lámparas en la profunda soledad.
Quién eres tú, quién eres?
Pablo Neruda
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Poème 17
En pensant, en prenant des ombres au filet dans la solitude
profonde.
Toi aussi tu es loin, bien plus loin que personne.
Penseur, lâcheur d'oiseaux, images dissipées
et lampes enterrées.
Clocher de brumes, comme tu es loin, tout là-haut!
Étouffant le gémir,
taciturne meunier de la farine obscure de l'espoir,
la nuit s'en vient à toi, rampant, loin de la ville.
Ta présence a changé et m'est chose étrangère.
Je pense, longuement je parcours cette vie avant toi.
Ma vie avant personne, ma vie, mon âpre vie.
Le cri face à la mer, le cri au coeur des pierres,
en courant libre et fou, dans la buée de la mer.
Cri et triste furie, solitude marine.
Emballé, violent, élancé vers le ciel.
Toi, femme, qu'étais-tu alors? Quelle lame, quelle branche
de cet immense éventail ? Aussi lointaine qu'à présent.
Incendie dans le bois ! Croix bleues de l'incendie.
Brûle, brûle et flamboie, pétille en arbres de lumière.
Il s'écroule et crépite. Incendie, incendie.
Blessée par des copeaux de feu mon âme danse.
Qui appelle? Quel silence peuplé d'échos?
Heure de nostalgie, heure de l'allégresse, heure de solitude,
heure mienne entre toutes!
Trompe qui passe en chantant dans le vent.
Tant de passion des pleurs qui se noue à mon corps.
Toutes racines secouées,
toutes les vagues à l'assaut!
Et mon âme roulait, gaie, triste, interminable.
Pensées et lampes enterrées dans la profonde solitude.
Qui es-tu toi, qui es-tu?
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