Laisse le temps effacer les mauvais souvenirs
fais place seulement à ceux que
tu aimerais caresser des yeux.
PdL (21 janvier 1999)
Le coffret des poussières de rêves
Si mon grand-papa aurait vécu, il aurait 100 ans aujourd'hui.
Chaque année, le jour de son anniversaire, j'accomplis les mêmes gestes.
Bien en vue sur mon bureau, le coffret de bois rongé par le temps me rappelle
à son souvenir.
Je sors la clé de sa cachette et soulève doucement le couvercle.
Quelques bijoux ternis
tapissent le fond et des enveloppes jaunies y sont soigneusement rangées.
L'odeur du bois de cèdre me rappelle le premier jour de sa découverte.
C'était jadis, il y a bien longtemps, par une fraîche nuit de printemps ....
Cette nuit-là je m'étais éveillée brusquement. J'entendais
le bois crépiter
dans le poêle et la bouilloire qui n'en finissait plus de chanter.
Une faible lueur vacillait sous le seuil de la porte de ma chambre. Je me levai et
vis mon grand-père qui veillait. Je m'approchai de lui à pas de loup.
Devant lui sur la table il y avait un coffret. Grand-papa me regarda de ses yeux verts
lumineux et me prit sur ses genoux.
- Tu veux voir?
Je fis signe de la tête n'osant trop parler. À cette époque, j'avais peur de lui.
Grand-papa était un homme sévère.
Sous son apparence bourrue, il cachait un coeur tendre et romantique que j'allais
découvrir en grandissant. Il était avant tout un homme de devoir et
très rigide.
Il avait participé aux deux guerres mondiales en tant que volontaire.
Il vénérait la
France, le pays de nos ancêtres et voulait faire partie de ceux qui en chasseraient
l'ennemi. La deuxième fois il est revenu sur une civière et
estropié pour le reste
de ses jours.
Il souleva le couvercle du coffret avec précaution. Je n'y voyais que des enveloppes
défraîchies. J'étais très déçue m'attendant
à voir sortir je ne sais quelle fée ou
magicien et me dis que grand-papa avait oublié la formule magique.
Au-dessus du paquet
sur la première enveloppe une petite croix noire était dessinée
sur une enveloppe et
à l'intérieur la photo d'un beau jeune homme. Il me dit d'un
ton ému:
-Ça ma petite poupée, c'est ton oncle, il était avec moi
là-bas, il n'est pas revenu.
Il prit ensuite une carte en main et me désigna l'endroit d'où venaient
ses parents.
- Regarde, ici c'est Lyon. Mon grand-papa à moi habitait là.
J'étais très confuse, ne comprenant pas qu'on pouvait habiter
ailleurs qu'ici.
Il ouvrit les enveloppes suivantes sans mot dire, quelques-unes contenaient des
fleurs séchées, des bouts de papier, des vieilles photos aux coins
écornés.
Il restait encore deux enveloppes. Sur l'une d'elles l'an 18... était inscrit.
J'attendais toujours l'apparition de la fée.
- Maintenant, ne respire plus, retiens ton souffle.
- Elle est dedans, lui demandais-je?
Délicatement, il les ouvrit. Elles contenaient des feuilles à
demi déchirées dont
les coins étaient écornés. C'était écrit
dans une drôle de langue et je ne pouvais pas
les déchiffrer. Elles devaient sûrement contenir la formule magique.
Tout au fond de la dernière enveloppe il y avait plein de poussières.
Grand-papa referma vite les enveloppes. J'ai pensé qu'il avait peur que la
fée s'envole.
- Maintenant, ma petite chérie, tu vas au lit.
- Et la fée? Et la formule?.
- Un jour, je te la donnerai.
Les années passèrent. Chaque année, le jour de son anniversaire,
mon grand-père et moi
accomplissions le même rituel. J'attendais toujours la fameuse formule mais
n'osais lui
demander. Il avait promis et je savais fort bien qu'un moment donné il
me le dirait.
Puis un jour, mon grand père nous quitta pour de bon. La veille de son
départ,
il m'appela et me remit son coffret.
- Tu y trouveras la formule. Ne pleure pas ma chérie, chaque fois que tu ouvriras
ce coffret, je serai à tes côtés.
Le lendemain j'ai sorti la clé et soulevé le couvercle. Il y avait
deux nouvelles
enveloppes avec des dates inscrites. Sur l'une d'elles, il était
écrit "rêves oubliés".
Elle contenait des feuilles de roses séchées. Dans l'autre,
sur un bout de papier,
il y avait la formule ; un seul et unique mot "Amour".
Et j'ai compris.
Le temps a passé. C'est moi qui maintenant prends ma petite-fille sur mes genoux.
Je pose les mêmes gestes et lui fais découvrir les secrets du coffret.
Chaque année, le jour de l'anniversaire de grand-papa, elle grimpe sur
mes genoux et
la même scène recommence. Elle aussi, elle parle d'une fée, de quelque chose de magique.
Puis ce matin....Le coffret devant moi, je réfléchis. Les feuilles
sont tombées
depuis longtemps déjà. Elles s'entassent, s'accumulent et nourrissent
le sol.
Elles sont maintenant couvertes d'une épaisse couche de givre. Le printemps va
bientôt réapparaître, les arbres refleuriront et les feuilles
accumulées depuis
des années formeront un tapis de mousse. Certains arbres n'auront pas su
résister
aux intempéries de l'hiver et mourront. La nature tout aussi cruelle que l'homme
ne fait place qu'aux plus forts, aux plus sains. Ceux qui ont subi des blessures
trop profondes sont graduellement éliminés, leurs racines se
dessèchent n'ayant plus
les forces pour s'alimenter.
Je sors la clé de sa cachette, soulève le couvercle. Sur une enveloppe
j'écris l'année
et lui donne un nom "rêves oubliés ". À l'intérieur
j'y insère la dernière feuille
d'automne qu'un jour j'ai ramassée, la pierre de lune qui est mon porte-bonheur et
ce poème.
Ô dieux d'Amour, de paix et d'espérance
Jusqu'ici sans ton aide,
mes démarches sont vaines
Ai-je raté votre passage?
M'auriez-vous seulement tendu la main?
M'auriez-vous une seule fois reconnue?
Me serais-je perdue?
Déversez sur mon coeur votre baume
soufflez mes désespérances
mes rêves infidèles
faites-moi encore connaître
l'ombre de son ombre
le pouvoir de conjuguer
une dernière fois le verbe aimer.
J'erre dans les ténèbres
je forge des sombres pensées
désespérant où trouver
le poète de l'Amour.
Hier encore j'ai osé espérer
aujourd'hui je pleure
je pleure un amour déchu,
je pleure une muse qui n'a pas su,
je pleure une muse qui a perdu
celui qu'elle avait élu
je pleure une muse qui a perdu
le bonheur de s'être cru aimée.
Léthé, qu'attends-tu pour effacer
sur ces fenêtres givrées
les souvenances des amours amères?
Je porte le deuil d'amours éphémères
je porte le deuil d'amours mensongères
mon coeur se cristallise.
Dieux de l'Olympe donnez-nous
la chance de pouvoir léguer
aux enfants de la terre
les plus beaux présents de l'univers
ceux-là mêmes qui devront perdurer
PAIX , AMOUR et SÉRÉNITÉ
et j'ai signé ...
Sélénè (mars 1999)
The little box of the dusty dreams
If grand-father had lived, he would have been 100 years old today.
Every year on his birthday, I do the same thing.
I look on my desk at the the small wooden box pitted with age
and filled of odds and ends. It reminds me of my grand-pa.
I take the key from its hiding place and raise the lid slowly.
There are a few tarnished jewels at the bottom,
yellowish envelops are meticulously ranked.
The scent of cedar wood reminds me of the first day I discovered it.
It was a long time ago, on a fresh night of spring.
Late at night as I lie awake I hear the wood crackling in the stove
and the kettle that continually sings.
Under my room door I saw a glimmer of light
I got up and saw my grand-father. He was not sleeping. The box was
on the table nearby.
I crept up to him and he takes me on his lap.
- You want to look? he says.
I shook my head gently daring not to speak. He was scaring me.
Grand-father was severe but under his surly air
he hid a tender and romantic heart which I would discover as I grew up.
Above all he was a man of duty and a very in-flexible.
He had volunteered in the two world wars.
He fought hard for France, the country of our forebears and wanted to drive
the enemy from his beloved country. He came back from the second war on a stretcher
and remained crippled until the end of his life.
He lifted the lid carefully. The only things I could see were some soiled envelopes.
I was very disappointed as I expected a fairy or a magician to jump out the box and
I thought to myself that grand-pa might have forgotten the magic words.
On top there was one bearing a black cross with the picture of a beautiful
young man inside. Grand-pa said with a soft voice:
- My little doll, this is your uncle. He was with me in France but never came back.
Afterwards he took a map and showed me the place where his parents came from.
- See , this is Lyon in France. My grand father was living there.
I was very confused as I didn't understand how one could live
somewhere else. He opened the other envelopes,those contained odds and ends,
dried flowers, old pics with chipped corners.
It only remained two envelopes on which it was written down the year 18. .
I was still waiting the apparition of the fairy.
- Now, don't breathe anymore, keep your breath.
- Is the fairy inside?
He finally opened them. They contained leaves half torn with corners
gnawed by the time. It was written in a funny of language that I couln'd read.
I told myself that it should be the magic words.
The last enveloppe only contained some dusty leaves. Then, grand'pa closed
the lid quickly on the envelopes.
- Now, my little doll,it is time for you to go to bed.
- And the fairy? what's about the magic words?
- I shall give it to you one day.
Time went by and every year on his birthday's, grandpa and I had accomplished
the same rituals. I was still in wait about the famous words but didn't dare
to ask him.
Then one day, my grandfather passed away. The day before he had call me
and he gave me the little wooden box.
- I put the magic words inside. Don't cry, my little doll. I will be beside
you each time you should open it.
I went back to my room and opened it. There were two new envelopes dated.
The first one contained dry leaves of roses and a piece of paper with these words
"forgotten dreams" and inside the other it was written "magic word: Love".
Then I understood.
Many years have passed since then. It is now my turn to take my grand daughter
on my lap, to make the same gestures and to have her discover the secrets of
the little wooden box.
Every year, on my grandfather's birtday, I invite her to share those moments with me.
She also asks about the fairy and some magic words.
Today, sitting in front of the little box, I feel that the time has come for me
to put my envelope inside. Autumn leaves felt for a long time already. They crammed,
accumulated and nourished the ground.
They are covered with layers of ice. Spring will reappear soon, trees will burst
forth into life fed by the dusty leaves. Among them, some will die hurt by winter's
ravages. Nature is as cruel as man and only give place to the strongest,
the healthiest ones. Those who have deep injuries will be gradually be eliminated
for their roots won't have the strength to find the ways to nourish themselves.
So do I....
This morning I took out the key from its hiding-place, raised the lid and put
down my envelope which contains a last autumn leave and made this poem for the
Gods hoping that they will read it when they come by this way.
Gods of love, peace and faith
After all those years of searches
Did I ever miss the passage of Love?
Did he never recognise me?
Though many times I found it
Though many seemed to be
I pray you, God of Love
to pour into my heart
the balm to erase my deceives,
My despondency's, my unfaithful dreams
Still some years to come
Hoping until the last moment
To know the magic words
I am forging dark reflections
Wondering where to find
My poet of Love.
I cry a muse that didn't know
I cry a muse that has lost
the one she thought was He
I cry a muse that has lost
the happiness to have
been lured by love.
God of forginess,
erase on the frosted windows
bitter loves' recollections
my heart is crystallising
I carry the mourning of ephemeral loves
I carry the mourning of untrue loves
Gods give me a last chance
before I leave this planet
to leave to all children
the most beautiful gifts of the Universe
for them to enjoy all their lives
PEACE, LOVE AND SERENITY
et I signed ....
Selenis (March 1999)
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