L'univers poétique
de
Domenico Fasciano




Avant-Propos

C'est en amoureux du passé de Trinacrie que j'entreprends cette promenade poétique à la recherche des Sicanes, des Sicules ou des Élymes, des Phéniciens et, surtout, des Grecs et des Romains, sans oublier les Arabes ou les Normands.
(D.F.)

Jour après jour,
de l'aube au soir,
les routes bordées de lauriers-roses,
de genêts et de chardons,
je cherche,
m'accordant au silence
des pierres, des bêtes et des plantes
le passé de Trinacrie.

Mille fois je demande mon chemin,
mille fois je m'égare, à dessein,
au fond des criques,
sous les midis accablés,
dans l'eau,
peuplée de nymphes et libellules.

Volontiers je m'abandonne
au mal de lune de Taormine,
aux vapeurs pourpres du soleil
sur la baie enchanteresse de Naxos,
ou celle de Cefalù.

Je caresse les mottes fécondes
d'une terre sacrée
je fête l'amour et l'art
la vie et les siècles.

Je frôle le mythe,
respire les vestiges et herbes sèches
des vallées et des montagnes,
à la recherche
de Diane et ses victimes,
de Vénus et ses sanctuaires,
de Propserpine et ses malheurs.

Les Muses,
les douces filles de Mémoire,
m'accompagnent.
Graves ou bien folâtres,
sous la nuit ou le soleil,
elles chantent,
elles dansent,
elles me racontent
la Sicile et ses mystères.

Domenico Fasciano



Les jasmins de Sant'Alessio

Un village charmant, situé entre Taormine et Messine, luit sous les rayons d’un soleil ami. Étendu entre la fin du Taurus et le torrent Agrò, il est entouré de gracieuses collines panoramiques et caressé par les vagues bleues de la mer Ionienne. Du haut du Capo, une vue splendide éclaire l’oeil et l’esprit. Des terrasses et des jardins se dégagent, associés dans une solidarité de bien-être, tous les parfums caractéristiques de Sicile. Parmi eux, le plus agréable est celui des jasmins.

Dans le silence nocturne de ma terrasse,
un lointain murmure de la mer d’Ionie
m’atteint.
Par-dessus les jardins embaumés,
une vague de parfum
caresse mon corps sans défense.

Ce sont les jasmins
de Sant’Alessio.

Nourris d’une terre riche et ferme,
baignés d’une eau avare,
caressés par un vent d’Afrique,
ils embaument
le corps et l’esprit.

La lune, rivée à son ciel,
est jalouse
de l’abandon de ma chair
à ce parfum, digne de son Endymion.

Dans mon heure ultime,
où la divine Lachésis
décide de couper le fil de ma vie,
je veux diluer mon agonie
dans l’ivresse de ces jasmins,
comme l’âme de Démocrite
s’attarde
dans l’odeur du pain frais.

Domenico Fasciano



La Fontaine

C’est un spectacle affligeant que celui des jolies fontaines, souvent de pures oeuvres d’art, taries par le temps et abandonnées au profit du progrès. Elles sont nombreuses à travers la Sicile, surtout dans les petites villes du sud. Un jour, dans le silence du midi, chaud et poussiéreux, je vois, au centre d’une place intemporelle, l’une d’entre elles.

Elle soupire,
elle pleure sans arrêt,
par gouttes ou par gorgées,
sous les yeux distraits des passants.

Fanée
par l’indifférence perfide
du progrès,
elle résiste à l’oubli
et sourit au souvenir
des assoiffés d’antan.

Jadis,
elle remplissait la cruche
qui, à l’ombre du balcon,
éteignait,
de sa fraîcheur,
l’ardeur des lèvres brûlées.

C’est d’elle que l’eau sourdait
des entrailles de la colline,
battue par le soleil de feu.

En plein été,
prodigue et souriante,
elle attendait la foule.
Elle regardait
les corps allumés et en sueur,
s’entasser autour de l’eau,
pour puiser fraîcheur et réconfort.

Maintenant,
triste et abandonnée
dans le silence de la fin,
elle agonise
avec la faible plainte
d’un filet qui tombe.

Domenico Fasciano




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