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Paul Claudel
(1868 - 1955)


86ko

Poèmes

Le Départ - Departure

Car à quoi servent... For what's the use...

***

Le Départ
triangle

_Ce n'étaient pas là vos grandes et gracieuses manières.

Vous qui n'avez de rien d'autre à vous repentir, n'avez-vous pas, mon amour,
regret de cette après-midi de juillet où vous partites avec une soudaine,
inintelligible phrase et un oeil effrayé, pour ce voyage si long sans aucun
baiser et nul adieu?
Je savais bien cependant que vous alliez partir tout à l'heure,
et nous étions assis dans les rayons du soleil déclinant,
vous me murmurant tout bas, car votre voix était faible,
ce merci qui me faisait mal.
Tout de même ç'était bon d'entendre ces choses,
et je pouvais dire ce qui
rendait vos yeux pleins d'amour une croissante ombre,
comme quand le vent
du Sud approfondit le noir feuillage.

_Et ç'était bien vos grandes et gracieuses manières

que de tourner le discours ainsi sur les choses de tous les jours,
ma chérie, élevant pour l'éclair d'un sourire ces lumineuses,
pathétiques paupières.
Tandis que je m'approchais davantage,
car vous parliez si bas que je ne pouvais à peine entendre.
Mais tout d'un coup me laisser ainsi à la fin, effaré de surprise plus que
de la perte, avec une phrase pressée, inintelligible, et un oeil effrayé, et
partir ainsi pour votre voyage d'à jamais avec pas un seul baiser et pas adieu,
et le seul regard sans amour celui dans lequel vous passâtes,

_Çe n'était pas du tout vos grandes et gracieuses manières.

Paul Claudel

Departure
triangle

_It was not there your high and gracious manners

You who had nothing else to repent of , have you not , my love, regret of
that july afternoon when you left away with a sudden, unintelligible talk
and a frightened eye, for so long a journey without a kiss and no farewell?
I did know however you was on the edge of leaving,
We were sitting by the declining sunbeams, you whispering to me, for your
voice was weak, these thanks so painful to me.
Anyway it was good to hear those things; I could tell what filled your eye
with love, a growing darkness, as when the southern wind makes the black
foliage deeper.

_These were truly your high and gracious manners

my love, this way to diverting the conversation on routines', while raising
with a sparking smile these luminous, moving eyelids...
As I came closer, for your voice was so low I hardly could hear it,
On a sudden that way of leaving me at the end I more alarmed from surprise
that from the loss, you leaving me with a hurried word, unintelligible, and
a frightened eye, then this way of starting your journey for ever without
one kiss , no farewell, and the only eye without love when you passed away,

_It was not at all your high and gracious manners.

Translated by Gilles de Seze

***

Car à quoi servent les pieds ...
triangle

Car à quoi servent les pieds sinon à se joindre à la course qui les entraîne? et le coeur
Sinon à compter le temps et attendre la seconde imminente?
Et la voix, sinon à joindre la voix qui a commencé avant elle?
Et la vie, sinon à être donnée? et la femme, sinon à être une femme entre les bras d'un homme? (*)

Et un bateau, dites, avec tous ses compartiments, avec toutes ces portes que l'on peut ouvrir et fermer,
Quel beau joujou! C'est comme une boîte de naturaliste avec sa récolte.
Toutes les espèces ensemble!
C'est drôle de voir comment ils s'approchent et se reconnaissent, ces espèces d'antennes qu'ils se promènent sur la figure,
De remarquer comment ils sont costumés, peignés chaussés, cravatés,
Le livre qu'ils tiennent à la main, leurs ongles, la forme de leurs oreilles,
Le bout de la langue qui apparaît entre les deux lèvres comme une grosse amande!
Rien qu'une main
Qui s'ouvre et qui s'agite, comme c'est affairé avec ses petits doigts! Comme on comprend ce qu'elle dit! (**)

Paul Claudel: (*) Cantique du Rhône (**) Partage de Midi, Acte I

For what’s the use of our feet...
triangle

....
For what’s the use of our feet if not joining the race which carries them away?
And heart if not to counting the time passing on and waiting for the impending second?
And voice, if not to join the voice that started first?
And life, but to be given? And woman, but to be a woman embraced in a man's arms? ( *)

-And a liner, tell me, with all her compartments, with all those doors we may
open and close,
-What a fair plaything! It's like the insect box of a naturalist with his gathering.
-All species together!
-It's funny to look at the way they come close to each other; recognize each other, that sort of feelers they wander to one another's face,
-To notice the look they show up in their costumes, their way they comb themselves, they put on their shoes, they put up their ties,
-The book they handle, their finger nails, the shape of their ears,
-The tip of their tongue appearing between their both lips like a thick almond!
-Nothing but a hand
-Opening and wriggling about, how busy its little fingers are! How clear is its message!

Translated by Gilles de Seze

***

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***

Oeuvre d'art "Sakountala" par Camille Claudel:

Exposé en plâtre au Salon de 1888 sous le nom de Sakountala, ce groupe inspiré d'un drame hindou représente les retrouvailles de Sakountala et de son mari au Nirvahna. La version en marbre, de 1905, est connue sous le titre Vertumne et Pomone.

Biographie de Camille Claudel = http://www.insecula.com/contact/A008539.html

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