Liste des poètes


Par Ordre alphabétique A à M



Voir page suivante pour - see next page for N à Z


Aède

Arpin

Bataille Julie

Belarbi, Karima

Bertrand, Huguette

Boréal

Brel, Jacques

Brézault Kesler

Brillon, Yves

Byrd Conatser, Roberta

Cabot, Thierry

Carette Pascale

Chronique

Coeur Anonyme

Dalla Pierre

DesChamps Malherbe

Dawson, Blake

Dziri, Rachid

Endymion

Escarras, Catherine

Espriu, Salvador

Félix, Christophe

Fiset, Isabelle

Gagnon, Charles

Gelay Dominique

Ghistelinck, Dorothée

Gil, Emili

Gonzàlez i Felip, Marisol

Guito i PONS, Ramon

Hawk

Hugo, Victor

Inconnue

Jaén i Urban, Gaspar

Jou i Mirabent¸ David

Jover I Rejsek, Sergi

Larose F.

Lavalette, Michèle

Leigh, Dorothy

Lussier, Hélène

Maggy

Manuel

Marianne

Mas i Usó, Pasqual

Mélissa

Monsalve, Serge

                                                 ***
Haut de Page triangle

Hugo, Victor

À l'homme

Victor Hugo (né à Besançon, le 26 février 1802). - Son oeuvre couvre à elle seule presque un siècle de poésie. Immense et diverse, elle n'est pas de celle qu'un seul mot résume, serait-ce celui de romantisme. De la complainte à l'épopée, il est réellement le grand poète qui mourut le 22 mai 1885, couvert de la gloire officielle et de l'affection populaire: ce fut le seul poète moderne à connaître une telle fin, mais il avait mérité l'une et l'autre.

(fragment)

C'est parce que je roule en moi ces choses sombres,
C'est parce que je vois l'aube dans les décombres,
Sur les trônes le mal, sur les autels la nuit,
Bravant tout ce qui règne, aimant tout ce qui souffre,
J'interroge l'abîme, étant moi-même gouffre ;
C'est parce que je suis parfois, mage inclément,
Sachant que la clarté trompe et le que bruit ment,
Tenté de reprocher aux cieux visionnaires
Leur crachement d'éclairs et leur toux de tonnerres ;
C'est parce que mon coeur, qui cherche son chemin,
N'accepte le divin qu'autant qu'il est humain ;
C'est à cause de tous ces songes formidables
Que je m'en vais, sinistre, aux lieux inabordables,
Au bord des mers, au haut des monts, au fond des bois.
Là, j'entends mieux crier l'âme humaine aux abois ;
Là, je suis pénétré plus avant par l'idée
Terrible, et cependant de rayons inondée,
Méditer, c'est le grand devoir mystérieux ;
Les rêves dans nos coeurs s'ouvrent comme des yeux ;
Je rêve et je médite, et c'est pourquoi j'habite,
Comme celui qui guette une lueur subite,
Le désert, et non pas les villes ; c'est pourquoi,
Sauvage serviteur du droit contre la loi,
Laissant derrière moi les molles cités pleines
De femmes et de fleurs qui mêlent leurs haleines,
Et les palais remplis de rires, de festins,
De danses, de plaisirs, de feux jamais éteints,
Je fuis, et je préfère à toute cette fête
La rive du torrent farouche, où le prophète
Vient boire dans le creux de sa main en été,
Pendant que le lion boit de l'autre côté.


«La légende des Siècles» (11 octobre 1876).
Victor Hugo
                                                 ***
Haut de Page triangle

Aède

Poète de la misère

Je suis un enfant
Dans un corps vieillissant
Mal adapté, refusant l’autorité,
Cherchant l’avenue, la rue,


Qui éloigne de la souffrance,
Qui mène î la danse,
Libérant les coeurs malades
D’une vie souvent fade.


Ce boulevard a disparu.
Je n’en doute plus.
Ils l’ont détruit
Avec leurs folies.


Non! je ne suis qu’un vieux fou
Qui n’a pas trouvé son trou.
Je suis un poète de la misère
Qu’on n’a pas mis en terre


Aède de Boisbriand (Québec)
Mai 1998
                                                 ***
Haut de Page triangle

Arpin

Mon rêve

Est-ce un soleil qui se lève,
Pour ensuite se voiler?
Est-ce l'amour qui s'achève,
Avant même d'avoir commencé?


Tout cela me semble maintenant si irréel.
Si insensé, insondable, intouchable.
L'amour peut-il être si cruel?
Si dur, si froid, implacable?


Et si tout cela n'était qu'une trève?
Un faux printemps, une fausse sève?
Et si tout cela n'était qu'illusion,
À qui mille fois j'ai donné ton nom?


Comme un rêve voulant s'évader,
Dès les premiers rayons du jour.
Un rêve qu'on voudrait caresser,
Comme s'il sagissait de notre amour.


Aurais-je imaginé tous ses murmures?
Confondu ses couleurs à celles de l'azur?
Aurais-je cru à l'amour,
Sans que jamais il ne voie le jour?


Les murs de ma vie tombent un à un.
Je ne sais plus qui je suis sans son parfum.
Tout est à découvert,
Mon ciel n'a plus aucun repère.


Je ne veux pas mourir,
Et je ne veux pas vivre.
Laissez-moi seulement son souvenir,
Avant qu'il ne dérive.


Et si tout cela n'était vraiment qu'un rêve,
Dans lequel je me suis noyée,
Je ne veux pas qu'on me relève,
Je rejoindrai le large, la mer qui m'a bercée.


Je partirai avec mon rêve,
Dans les creux de la mer effacés.
Là où j'abandonnerai toutes mes fièvres,
Avant de m'en éloigner.


Erika Arpin 1999-00©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Julie Bataille



Désir


J'aimerais rencontrer l'autre là où il n'est plus un autre,
à l'instant où je sais
qu'il
est un autre

Mais aussi !   Comment ne pas savoir
lorsque l'amour est là,
que le seul nom de l'autre ne peut être que vous...
car le "tu" s'éparpille
                               irrésistiblement ..

    ***
Les lames du parquet

à Yves


J'aimerais que tu sois là.


Ou plutôt non;   que nous soyons ensemble,  n'importe où,  quelque part.


Il y aurait d'autres personnes.   Une femme dans ce lit à côté de toi dort.   Il y a un moment qu'elle s'est endormie, cela se voit.   C'était la nuit d'une fête dans cette grande demeure qui n'est à personne.   Je te retrouve là,  allongée moi aussi près de toi.   C'est dans la nuit du monde —  cette syncope offerte à chaque jour — où émergent ça et là d'étranges harmonies qui frôlent la frayeur,  la nuit que chacun laisserait en apposant une signature — signaux,  augures et présages entremêlés,  ciselés en invites aux abords du jardin.   Elle dort,  tournée;   son dos nu,  sa nuque,  paisibles dorment.   Il se peut que je te rejoigne.   Les langages sont brûlants en ce creuset de forge:   un bien être de forme curieuse, révélatrice ?


Puis il n'est plus temps pour moi de rester.  Une aube,  sa force, son goût de sel m'appellent m'éloignent dans cet ailleurs vers mes autres horizons...   Mais non.   Je reviens au rêve...  J'aimerais que tu sois là...   Il y aurait beaucoup de gens, une fête.   Nous serions ensemble, ou plutôt ensemble " pas ensemble ",  quelque part, là.   Peut-être serais-je la seule à le savoir ?   Oui,  une étrange veille, immobile presque...  Une mailleuse aux aiguilles de rosée, ou la mailleuse de rouges aux danses folles, devenant mailleuse d'éclats, traversant les possibles.
Quelque chose de beaucoup plus fou me serrait le dos soudain, s'évanouissait à l'intérieur de moi me faisant basculer vers toi, comme une main enrobant ma peau, de mes chevilles à mes bras à ma bouche,  à tout ce que je suis, que par toi je ne suis déjà plus, nue du regard que je te porte,  dans un rire d'absurdités.


Les lames du parquet, la course des veines.   J'écoute dans le bois sourdre, filer, une croissance sonore.


Julie Bataille©

    ***
Autre,  tu es

Il me coule des jambes à la gorge
des envies de bien-être qui ressemblent à des larmes d'imbécile
Mais lorsque tu t'approches
je me noie
    me noie dans le désir de toi, lorsque s'approche une telle étrangeté
Pourtant,
       tu le sais,
               tu n'es
                   qu'un autre
                               moi


Il est des jours où les visages sont à mes yeux
d'une indécence à peine supportable


et parfois, aussi,
parfois, douloureusement impuissante,
tel le vertige de l'aigle à sa proie, tombant
je sens
mes yeux arrachés aigus d'une impertinence
blanche,
je sens mes yeux glisser
sous ta peau


Julie Bataille©

    ***
Respect

Je n'ai pas beaucoup de respect pour tous ces Moi que sont les hommes
Ces Moi qui ne fleurissent en somme
que ce qu'ils sont


Et cet amour en moi
chant pitoyable et désarticulé,
grevé d'ignorances engorgées du fond des âges de la désolation,
cet amour
m'étreint
comme le seul cri donné à l'issue de ma soif
et...
me porte vers toi
Toi qui sans le savoir ?
recèles
sur une vague
ce gué accidentel d'une langue inaccessible


... ET JE ME CRACHE CES MOTS AU VISAGE
                    JE CRACHE CES MOTS AU FEU D'UN MIROIR
quand je voudrais simplement
poser mes lèvres au creux de ton bras


Julie Bataille©

    ***
Sur la rive

Sur la rive du ballon coule une eau d'or et de bleu,
et à mes yeux,
comme graines d'oiseau quand la nuit tombe,
la source frémit d'éclats noirs, hésitants.


Dans l'écorce aux plages vin rosé, l'estafilade longue de l'arbre
montre sa chair à vif, nue.
Sa blancheur violente vibre dans l'air de l'arbre
et se heurte à ta voix qui cogne le silence


      ... ta voix étrangère, qui inlassablement résonne et trace
le rail ininterrompu
de sa soif solitaire
Ta voix se parle,
      ... rupture en diamant.  Mes yeux sont malheureux.
S'ils pouvaient, s'ils le pouvaient, mes yeux s'échapperaient,
car alors de mes yeux en moi coule le vertige
d'une souffrance interminable
et close que je peux
seulement
toucher


Julie Bataille©

    ***
EONIS

J'ai désappris de t'aimer
C'était à coups de couteau


L'horreur de la solitude...
Solitude, qui es-tu, dont je n'ose même parler ?
Cet air fou d'un orgue sans mesure
cette déchirure sagittale,
saillement d'un cri aveugle,
ensanglanté
Cet écartèlement
             de soleil calme


Mes yeux aspirent à la beauté de la flamme arrachée
flamme immobile arrachée au temps
sais-tu le passage du fil tendu
des bras ouverts
            du visage offert
            au contact de l'eau ?
la caresse de l'eau lorsqu'elle entre
se cloue, résonne
résonne un centre dispersé où meurt l'étrangeté
aussi nue qu'en automne le sillon d'un champ ouverte sous le ciel


Julie Bataille©

Les textes "Autre tu es", "Respect", "Sur la rive", "EONIS", "Désir" sont extraits du recueil Grumes et poisson fou publié sous le pseudonyme Julie Ahne Kotchoubey en Novembre 1997 à Paris aux Éditions de la Librairie Galerie Racine, 23, rue Racine 75006 Paris qui nous a autorisé à reproduire ici ces poèmes.
                                                 ***
Haut de Page triangle

Belarbi, karima

Ton seul amour

Quand je ferme les yeux, le monde est doux,
Le vent soulève les mèches rebelles et vole mes peurs.
Je sens son souffle chaud emplir mes courbes.
Et je vois mon corps allongé sur un lit de plénitude.


Il est temps de te dire Adieu mon coeur!


Au bord de la falaise je contemple les vestiges de mon passé
je m'en vais, faire le deuil de mes douloureux souvenirs!
Il ne reste des images tendres de nos baisers au goût sucré et policé
Mais, alors explique-moi pourquoi mon coeur est sur le point de périr?


Aujourd'hui, je veux te dire combien je souffre de tourner les pages
je veux te dire que je prends plaisir à me dévêtir de mon deuil
garder les souvenirs, les chérir, les ranger dans les âges.
Je vais regarder l'avenir à nouveau devant un chaleureux accueil.


Si l'amour doit nous attirer les larmes
Et nous rendre aussi vulnérable qu'un nouveau-né
Alors, qu'il se tienne éloigné de mon esprit désespéré.


S'il doit anéantir le peu de raison qui nous habite
Et nous ôter l'espoir de connaître les plaisirs de la vie
Alors, hors de moi, de vouloir le côtoyer.


Pourquoi? amour, pourquoi? ...explique-moi tes tourments,
la cause de ton existence à la fois heureuse et tragique.
Explique-moi pourquoi je verse des larmes de désespoir
quand je souhaiterais vivre d'amour et de joie.


Ô désespoir de ma vie! tu as fait de moi un être sans vie,
Une âme sans espoir déambulant au gré de ta fantaisie...
Deux pôles se disputent un coeur prêt à se déchirer avec force.
Mourir sans avoir touché du doigt innocent tes doux rayons chaleureux!.


Karima Belarbi

    ***
à tes pieds

Je dépose à tes pieds ma force et ma faiblesse!
A l'insu de mes compagnons d'armes je revendique ma féminité
Et tant pis pour mes galons si l'amour me rend maîtresse
de l'homme aimé et chéri, par mes gestes emprunts de simplicité.


Dès lors de la réciprocité de nos sentiments que faire des regards?
Au diable les tourments de la société qui suscitent jalousie et envie
Devant l'ampleur que prend le chemin de notre amour hagard!
Mais quelle déplorable pensée de la part des simples jetés sur nos vies...


Karima Belarbi

    ***
rage refoulée

Je veux crier ma haine et mon ressentiment!
Je veux vous dire toute mon amertume exacerbée,
ma rage refoulée depuis toujours rejaillit avec empressement
et mon silence cache au fond de moi une grande colère délibérée.


Je veux fuir ce chaos de sentiment destructeur,
ne plus revenir sur les pas sombres et ennuyeux de mes souvenirs.


Mais que faire pour apaiser mon esprit angoissé et désemparé,
retrouver cette paix qui fut jadis si enivrante en ces temps de rire?


Mon Dieu! écoutez ce cri d'angoisse et aidez-moi à sauver mon âme,
séchez mes larmes de désespoir par la force de votre miséricorde,
que votre Grandeur dirige mes pas sur le chemin de la paix
Je ne suis qu'une fidèle façonnée de votre création.


Karima Belarbi

    ***
ondes du désir

Sentir les fibres de mon corps traversées par les ondes du désir
me rappellent péniblement que ma féminité crie à son assouvissement.
Effleurer ma peau d'une main douce et câline pour y déposer la flamme d'un soupir
violent et terrible, m'amène inexorablement sur les rivages d'un plaisir imminent
telle une féline au geste sensuel ivre et me laisse pantelante et avide.


Karima Belarbi
                                                 ***
Haut de Page triangle

Huguette Bertrand

Velouté d'instants

Embrasser la vie
quand elle passe tout près
lui tendre les bras
à travers paysages
et gestes veloutés
en ses moments voluptueux
envoyer paître peurs et retenues
et jouir dans l'instant


Y a du merveilleux
dans cet instant qui passe
demeure toujours merveilleux
au coeur de l'instant
ça ne console peut-être pas
ça ne rend peut-être pas joyeux
mais toujours demeure
un joyau merveilleux

So.... let it be

Huguette Bertrand© (Le 1er novembre 1999)

    ***
Brief velveties

Embracing life
when it passes near by
which arms tightened
through velvety landscapes
with evenly gestures
in its voluptuous moments
chasing away fear
and reticent manners
enjoying this very moment


graceful instant
instant of grace
crossing the heart

perhaps does'nt comfort
perhaps does'nt rejoice
should always be kept
as a fabulous jewel


So... let it Be

Huguette Bertrand©

    ***
Dans le fondu des mots

Zone de tendresse
libertés permises
si tant loin du corps
une douceur fluide
de l'aimante obscure
ses paroles translucides
répandues sur les noeuds
troublants d'une blessure
sur velours parfumé
en ses songes repose
inaltérée
désir secoué
par tant de baisers
allés se rejoindre
dans le tourbillon
des mots rouges


Huguette Bertrand©

    ***
Un simple sourire

Dans le profond de la nuit
une lune incertaine maraude
s'immisce au creux de l'âme
d'un regard
embrasse les étoiles
embrasse le doute
mais ondoie plus avant
à la recherche de quoi?
Un simple sourire
un sourire amical sur la Terre
pas très loin, tu sais,
sur ton épaule
l'esprit d'un oiseau
un baiser pour chant d'amour


Leïla Zhour© et Huguette Bertrand©(21 janvier 2000)

    ***
Moon Glance

In the dept of the night
a floating moon
wondering around
deep in our soul
like a glance
waving
at all stars
waving like a doubt
but waving forward
looking for what?
just a smile
a friendly smile over the Earth
not so far you know
just on your shoulder
small spirit bird
a loving and singing kiss


Leïla Zhour© et Huguette Bertrand© (21-01-2000)
                                                 ***
Haut de Page triangle

Boréal



La Légende sur la création de l'homme et de la femme


Aux Indes, on raconte la légende suivante:


Après avoir achevé la création de l'homme, le Créateur découvrit qu'il avait utilisé tous les éléments concrets et qu'il ne restait plus rien de solide, plus rien de compact pour créer la femme.


Après avoir longtemps réfléchi, le Créateur prit la rondeur de la lune, la souplesse de la vigne vierge, le frémissement du gazon, la finesse du roseau, la beauté d'une fleur épanouie, la légèreté de la feuille, la sérénité du rayon de soleil, les pleurs des nuages, l'instabilité du vent, la timidité du lièvre, la fierté du paon, le doux plumage de l'oiseau, la dureté du diamant, la douceur du miel, la cruauté du tigre, la chaleur ardente du feu, le froid de la neige, le bavardage de la pie, le doux chant du rossignol, la fausseté d'une grue et la fidélité d'une lionne. En faisant la synthèse de tous ces éléments, le Créateur créa la femme et la donna à l'homme.


Au bout d'une semaine, l'homme revint et Lui dit: "Seigneur, la créature que tu m'as donnée, me rend la vie pénible. Elle parle sans arrêt, me tourmente d'une façon intolérable et ne me laisse aucun repos. Elle insiste pour jouir de ma compagnie toute la journée et me fait perdre tout mon temps. Elle se met à pleurer pour chaque peccadille et mène une vie de parasite. Je viens te la rendre, car je ne peux plus vivre avec elle".


"Très bien", répondit le Créateur. Et, il reprit la femme.


Une semaine plus tard, le voilà qui revient: "Seigneur, ma vie est si vide depuis que je t'ai rendu cette créature! Je ne fais que penser à elle... Je la revois danser, chanter, me regarder du coin de l'oeil, bavarder avec moi et venir se serrer contre moi. Elle était si belle à voir, si douce au toucher. J'aimais entendre son rire joyeux. Oh! je t'en prie, rends-la moi, Seigneur".


"Très bien", dit le Créateur.


Trois jours plus tard, l'homme revient une fois de plus: "Seigneur, je ne peux plus comprendre. Je ne sais t'expliquer; mais le fait est qu'après toute mon expérience avec cette créature, j'en suis venu à la conclusion qu'elle me cause plus d'ennui que de plaisir. Je t'en prie, reprends-la. Je ne peux vraiment pas vivre avec elle".


Le Créateur lui répondit: "Mais, tu ne peux pas vivre sans elle, non plus", tournant le dos à l'homme, Il continua son travail.


L'homme de s'écrier, en proie au désespoir:"Que dois-je faire? Je ne peux pas vivre avec elle, et pourtant je ne peux pas vivre sans elle".


Morale de cette histoire:


L'Amour est un sentiment qui soit s'apprendre. Il s'agit d'une tension et d'un accomplissement. Il est aspiration profonde et hostilité. Il implique à la fois de la joie et de la douleur. L'un ne va pas sans l'autre. Le bonheur n'est qu'une partie de l'amour. C'est ce qui doit s'apprendre. La souffrance appartient aussi à l'Amour. C'est là que réside tout le mystère de l'amour, sa beauté et son fardeau.


L'amour est un sentiment qui doit s'apprendre!


Boréal (2 avril 1998).
                                                 ***
Haut de Page triangle

Jacques Brel

LA QUÊTE

Rêver un impossible rêve
Porter le chagrin des départs
Brûler d'une possible fièvre
Partir où personne ne part
Aimer jusqu'à la déchirure
Aimer, même trop, même mal,
Tenter, sans force et sans armure,
D'atteindre l'inacessible étoile.
Telle est ma quête,
Suivre l'étoile
Peu m'importent mes chances
Peu m'importe le temps
Ou ma désespérance
Et puis lutter toujours
Sans questions ni repos
Se damner
Pour l'or d'un mot d'amour
Je ne sais si je serai ce héros
Mais mon coeur serait tranquille
Et les villes s'éclabousseraient de bleu
Parce qu'un malheureux
Brûle encore, bien qu'ayant tout brûlé
Brûle encore, même trop, même mal
Pour atteindre à s'en écarteler
Pour atteindre l'inacessible étoile.


Jacques Brel
                                                 ***
Haut de Page triangle

Brézault Kesler


à Pier de Lune
Un poème pour ma protégée



J'écrirai un poème pour Toi
Je l'enverrai comme un pollen
D'une fleur sur ton épaule se poser
Je créerai un poème pour Toi
Je le nommerai comme une fleur
Une belle comme ton prénom (de lune)
Je crierai un poème pour Toi
Et polluerai Montréal jusqu'àTroie
De ses sabots de fleurs qui ne trotteront que pour Toi


J'écrirai un poème pour Toi
Et l'enverrai comme un pollen
D'une fleur sur ton épaule se poser.


Kesler Brézault
                                                 ***
Haut de Page triangle

Brillon, Yves

Tyrannique Calliope

oh muse
j'aime le vin, tu le dédaignes
je ne peux supporter ton calme
laisse-moi être ton amant
bouffe-moi, écrase-moi
je resterai quand même
et pour toujours à tes pieds


je t'en fais le serment


à moins que tu dédaignes mes élans
que tu m'interdises de poser
sur tes seins langoureux
ma tête engourdie par la gnôle
que tu me tournes le dos
alors que je suis de braise
que tu te refuses, boudeuse
au moment où je te veux amoureuse


tu le sais, je serai toujours ton amant


mais sois pour moi Calliope
muse de la poésie
l'ange damné qui me conduit au paradis
la démone qui me caresse
de sa lourde poitrine
qui frôle ma bouche de ses lèvres
et qui s'en amuse
approche-toi que l'on s'enlace
de peur que de toi, si tu me boudes,
je ne me lasse


je veux souder nos chairs
que nos corps nus soient confondus
je veux te faire baver de jouissance
t'entendre crier de plaisir
enjôleuse à la bouche humide, viens-là
dépose sur mon flanc ta tête ensoleillée
oui, tu le sais, Calliope
je serai toujours ton amant


je t'en fais le serment


torture-moi, fais grise mine
parce que je suis ivre
traite-moi de salaud, de soûlard
c'est toi, perfide, qui me grise
je te veux corps et âme
et je déploierai tout mon art
pour que ta peau en émoi succombe
et après t'avoir à nouveau possédée
tu t'écraseras sur mon torse
amour incandescent
et pour toujours je serai
oh poésie
ton seul, ton unique amant


je t'en fais le serment


Yves Brillon© (1997)

    ***
Attente fiévreuse

oh mon amour
ma mie
ma moitié
quand reviendras-tu
je me languis de toi
ta place à mes côtés dans le lit
reste froide
mon corps à faim de ta présence
je sens ton odeur
sur ton oreiller
et les draps de toi restent parfumés
mais en attendant ton retour
ton arôme me rend fou
encore deux jours
mais c'est une éternité
je me réserve pour toi
mais avec combien de difficultés
ma peau frissonne à ton seul souvenir
à celui de ta bouche
parcourant mon corps
tu me hantes comme une idée fixe
je me meurtris dans cette attente
tout prêt à te recevoir
à voir tes lèvres se poser ici
et butiner plus bas
je meurs de me retrouver entre tes bras
brûlants de tendresse
de sentir tes mains
généreuses de caresses
j'espère ce jour où de nouveau
je plongerai goulûment ma bouche
entre tes seins
pour redécouvrir leur langueur
leur indolence et leur mollesse
ce jour ou cette nuit
où je pourrai suivre des doigts
la courbe de tes hanches
celle de tes fesses
et alors on se collera
corps à corps
peau contre peau
pour que nos chairs exultent
reviens-moi vite
je m'impatiente
et ne pense qu'à toi
je t'embrasse
ton amour fiévreux


Yves Brillon©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Byrd Conatser, Robert

Memories and Mountains

Memories and Mountains in the Moonlight
I stride the raw road.
To peruse the moody face of the moon.
Dazzled, I watch a star explode,
A faint scent of the night dew clings to the air.
I inspect dusty relics of forgotten excitement,
Whippoorwills croon from their lofty lair.
A festoon of stars brightens the dark.
I gasp with sharp joy
At a silhouette of mountain peaks.
A meadow lark sails alone.
A train howls across the night,
Mitigating the fears I thought outgrown,
My whole soul feels lonely, in the spotlight.
I resurrect exhausted ghosts
As every autumn
Comes the same,
The phantoms
With nine lives.
Who write their names,
With our birthstones in the sky.


Roberta Byrd Conatser©, February 27th, 2000

    ***
Patchwork Guilt

The grandiose whole of it
Seams to hold it together
         Little stitches on the seamy side
         Bitches,
Biases between the lines.
    The pieces fit
The knitted skillful half slips
         The secrets of the silent lips
         Sewn into the family spread.


A mystery tossed across the bed
Thin as sin, and bare as thread,


Riddles tacked in hems of gold,
Each memory new as it is old.
    Fingers flicker, hook the skin,
    Needles eye a vacant grin
A pin to hold each entry in.

v Strips of daddy's shabby coat,
Of Granny's silver lining tote,
Bits of Mama's angry scraps,
Relics from ancestral laps.


A comforter to close the gaps,
With fringe to frame the fears
     Pieces torn from this or that,
    The margins trim our tears


A legacy of many parts
A tattered heirloom for the heart.


Robbie©, January 11, 1999

    ***
Trinity

Time was young, and young was I,
And I was the river and the river was time.
Once
Time
Stretched long, into the unknown,
Beyond the bends.
Once
The wild flowers were so
Bright they almost sizzled in the summer heat.
And the pungent scent of the sage-brush, was part of my body.
Once
The dawns advanced as angels breath,
And flourished into diamond mornings.
Once
The High noon splayed the entire globe with brilliance.
When time was long, and I was time, and the river was young.
Once
The unconscious moon glimpsed her own light,
And a modest smile sent ripples throughout the water.
Soon she splashed with courage and looked long into the deep.
Once.
Three fishes flitted in and out of the spectral orb,
and danced on the face of the moon.
When I was young and the river was time and time was long.
Beyond the bend a light still glows,
the river still ripples and there is time.


Robbie©, September 28th, 1998

    ***
Illusions

llusions of love, eternal dreams,
Hope in the sunset, and unnatural schemes
Young lovers on fire in furious fashion
Surge toward the stars with perilous passion
Youth rushes on to transparent treasures
Waving the wands of their magical measures
Hardly yielding to oath or given to purity
Nor touching the depths of tumultuous temerity
The senses remain in ethereal spheres
Refusing to look in on a mirror of fears
Unwilling to survey a life after prime
Invincible knaves plunge into fresh time
On an isle of light and dark secrets sweet
Souls soaring over the idea of defeat
Glimpsing the future of life in surreal
It is only a volume of dramatic appeal
Unveiled is the future determined by chance
And time prances on toward nature's last dance


Robbie©, September 28th,
                                                 ***
Haut de Page triangle

Cabot, Thierry

L'âge d'or

Poète, auteur du livre La Blessure des Mots paru dans la collection "Presses de Valmy" à la fin de l'année 2004

Qui se souvient un peu dans le soleil enfui,
Des grands cieux tournoyant comme une âme légère
Et des chaudes amours à la couleur si chère,
Où l'éternité même, un instant, avait lui?


Cet âge-là mêlait passion et bien-être;
Le jour voluptueux chantait en séraphin;
C'était parmi la joie un vertige sans fin
Peuplé de longs désirs jamais las de renaître.


Au comble de l'extase au beau rire de miel,
Chaque enfant tout pareil à quelque fol artiste,
Survolait, radieux, des marches d'améthyste
Sous le chevalet nu d'un grandiose arc-en-ciel.


Les vents clairs s'étoilaient de lunes magnifiques;
L'aurore en se voilant s'enivrait de douceur;
L'azur qui s'avançait avec des mains de soeur,
Se délectait pour nous d'incroyables musiques.


Puis, figure céleste aux charmes frémissants,
Le rêve sur nos jeux infinis et frivoles,
Ouvrait des chemins purs choyés par mille idoles,
Et réchauffait la vie en ses doigts caressants.

    ***
La nuit maudite

De longs pleurs, cette nuit, m'étouffent d'impuissance,
Une si longue nuit maléfique et hurlant
Qui remplit de stupeur mon esprit chancelant
Et le fait délirer dans le vide et l'absence.


Chaque jour mutilé tombe en déliquescence,
Le jour dont reste à peine un voeu sanguinolent,
Telle une plaie amère au fétide relent,
Où l'échec me foudroie avec magnificence.


L'oeil hideux, en sueur, brisé comme un fétu,
Je contemple, ébahi, mon destin abattu
Et vois tous les faux biens rouler à la renverse;


Jusqu'à l'heure où, levant ses deux poings furieux,
Une nouvelle nuit plus ignoble et perverse
Se jettera sur moi pour me fermer les yeux.

    ***
Une ville

Bouffée impétueuse éclose en vin d'honneur
Qui coule, triomphal, sur des lèvres ailées!
Eclairs d'enthousiasme embrassant les allées
Si larges que la foule y nage de bonheur!


Une ville éternelle à la splendide gloire
Eveille les regards, libres dans l'air soyeux;
Célérité bénie au fond de mille yeux
Sublimés par la neuve insolence de croire!


Que se lèvent pour nous les cantates du vent
Et de grands feux parmi les aubes ingénues!
Des battements de fièvre au coeur des avenues,
En longs frissons d'amour, s'appellent en rêvant.


Une ville féconde et jamais oublieuse
Où nos pieds attendris foulent des champs d'azur,
Et semblable toujours à l'enfant le plus pur
Dont jaillirait la foi toute délicieuse...


Immensité du temps aboli d'un seul jet!
Cent matins lumineux aux secrètes audaces
Couvrent de joie énorme et les toits et les places
Et font magiquement resplendir tout projet.

    ***
Les glaces éternelles

Ce fut l'écroulement du dernier bel été.
Les arbres gémissants ployaient leur chevelure,
Et vous portiez sans fin une étrange fêlure
Où frissonnait le glas d'un aveu redouté.


Vos jolis bras transis dans le soir hébété,
Semblaient deux oiseaux blancs couturés de blessures,
Deux colombes criant sous la faux des morsures
Et fouillant, le coeur trouble, un ciel décapité.


O chair longtemps promise aux plus douces veillées!
Chair vivante et rieuse aux fleurs ensoleillées!
L'incoercible hiver te prend par chaque bout.


Mais souriez, mon ange, et déployez vos ailes
Car je saurai demain, comme un prince debout,
Recouvrir mon amour de glaces éternelles.

Thierry Cabot©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Carette Pascale

Paris de novembre

Paris la belle, Paris merveille
Que de trésors dans tes ruelles
Au coeur des quartiers d'autrefois
je suis parfois restée sans voix


Du haut de la Tour Notre Dame
ou de celle de Monsieur Effel
tu m'offres une vue sans pareille
sur les toits camouflant ton âme


Pour t'apprendre et pour t'apprécier
comme une femme qu'on veut aimer
que l'on désire apprivoiser
c'est dans ton coeur qu'il faut aller


Au coin de ce passage étroit
abrité du vent et du froid
un musicien mélancolique
me berce d'un air romantique


au pied de ton beau Sacré Coeur
il y a tes peintres voyageurs
qui te caressent de leur fusain
nous ensorcellent de leurs dessins


Tu ne t'arrêtes pas de vivre
même la nuit tu restes vive
dès que le jour enfin s'achève
tu deviens ville de lumière


Tes petites rues s'animent
de milles feux, de joies fébriles
avec tes spectacles et ton strass
et tes amants qui s'embrassent


Paris la belle, Paris merveille
protège ton antre immortel
tes petits villages et tes squares
afin que je puisse te revoir

Pascale Carrette©, SABAM, 14 novembre 1999
                                                 ***
Haut de Page triangle

Chronique

Avertissement

Avant d'ouvrir cette porte
Il vous faut savoir
Que ce qui se trouve derrière
N'est soumis à aucune loi en ce monde


Le dessus et le dessous se mélangent
Le haut et le bas se chevauchent
La droite et la gauche se confondent
Le devant et le derrière se rencontrent


Avoir d'ouvrir cette porte
Il vous faut savoir
Que ce qui se trouve derrière
N'est pas connu de ce monde


Des catacombes sombres
Des puits sans fond
Des tunnels interminables
Des grottes profondes

Où vivent par milliers
Des bêtes aux griffes acérées
Des monstres aux dents effilées
Des êtres aux yeux ensorceleurs
Des créatures aux noms de terreur


Avant d'ouvrir cette porte
Il vous faut avoir
Des qualités
Qui ne se trouvent plus en ce monde


Un coeur solide
Des pieds agiles
En plus d'un oeil vif
Et d'un esprit éveillé
Un courage sans crainte
Une âme sans ombre ni honte


Maintenant que vous savez
Vous pouvez entrer
Si telle est votre triste destinée


Chronique, 8 octobre 1998

    ***
Requiem

À vous tous, chers amis qui nous avez quittés
Voyez les larmes sur nos visages affligés
Vous que la mort emporta dans son sillage
Sachez que votre histoire traversera les âges.
Tous vos hauts faits de gloire seront ici inscrits
Afin que jamais votre mémoire ne tombe dans l'oubli
Que Ahresss, le grand Seigneur des morts
Vous accueille dans son royaume pour qu'alors
La paix soit enfin accordée à votre âme.


Mes dernières Salutations vous accompagnent.
Chronique

                                                 ***
Haut de Page triangle

Coeur Anonyme

Vase tournoyant

Goutte
Saison de la pénombre
Automne
Saison mélancolique
Ces jours moins lumineux
Ces jours moins volumineux
Amène la souffrance
qui frise la décadence


Goutte d'oeil salée
Lorsque tu tombes
Sur ces joues cabossées
Une sécheresse incombe


La goutte fuit l'automne
Elle préfère geler
Et devenir flocons
Au lieu de s'évaporer


En transigeant de goutte en flaque
Sillon d'onde créer
Propageant l'anxiété
bien pire qu'une claque


Lorsque tu es de trop
Le vase déborde
Ce débordement n'est rien
Si l'on considère le remplissage

Vase Automnale à lueur de printemps

Coeur Anonyme août 1998
                                                 ***
Haut de Page triangle

Dalla Pierre

Freedom

pour Marie Myrlène

Unless we are free
In our hearts, in our minds
We can neve have peace and harmony
Unless we remove
The dirt in our eyes
Admit that we are blind
We will never see the light
Unless we confess
And ask for forgiveness
There will always be blood
All over the land
Unless we are willing
To forget and forgive
Pain cause by society
WE WILL NEVER BE FREE

Dalla Pierre

    ***
Le poète

La nuit quand tout dort
Le poète médite
Quand les autres s'amusent
Il écrit
Par ses beaux refrains
Il nous berce la nuit
Et rend le sommeil léger
Sous la dictée de sa plume
Il fait entendre sa voix
D'une extrémité à l'autre
Le poète est unique en son genre
Il chante le soir aux amoureux
Et tient compagnie à d'autres
Par ses écrits il donne conseils
Aux grands et aux petits
Ô poète que ton oeuvre est grande
Sans toi que ferait le monde?

Dalla Pierre
                                                 ***
Haut de Page triangle

DesChamps Malherbe

Pour mon Trésor d’août

Je l'aime et quand elle n'est pas là, je m’ennuie d'elle et mon coeur a froid. Je pense toujours à elle, même que parfois je lui parle tout comme si elle y était. C'est la magie de l'esprit, très souvent on l'appelle rêverie...
Une autre bûche si tu le veux et puis, étendons-nous un peu sur le tapis pour regarder encore le feu. Les flammes sont si belles, elles se reflètent dans tes yeux.
Laisse-moi te serrer dans mes bras. Es-tu bien, est-ce que ça te plait? Je veux tenir ta main et te regarder encore un peu. J'ai besoin de parler, de me confier, car j'ai des choses à confesser.
Ecoute-moi et surtout ne me juge pas.  Je suis tellement bien avec toi, toujours, où que l'on soit. Je t'aime plus que tu ne le crois. Je t'aime comme un fou, je l'avoue. Parfois tu sais, j'ai des pensées que je n'ose pas te révéler de peur que tu te troubles ou que tu t'enfuis.
Certains jours, quand je te dis que tu es belle et séduisante, dans ma tête et dans mes veines, si tu savais... J'oublie qui je suis et pourquoi je suis là. Je voudrais te gaver de plaisir et t'entendre me dire ta joie. Te voir frémir, même s’il fait chaud, sentir trembler tes lèvres et se cambrer ton dos, alors que ma bouche avide savoure le goût de ta peau toute moite au sortir de l'eau.
Oh! Tu as froid... Qu'est-ce qu'on fait alors?
Je t'aime et je t'enveloppe d'amour.
Bonne nuit mon Trésor d’août

Malherbe DesChamps©

    ***
Les roseaux de Cléo

Je vous perçois comme le roseau
Qui ploie sous la poussée du vent  
Tremblant à la moindre brise.
Il se sent agité, secoué, attiré et repoussé à la fois
Il n'a pas de choix que de se plier aux caprices
Et aux humeurs des éléments

Son corps fléchit, son âme se meurtrit
Et sa tête se balance allégrement,
pendant qu'intérieurement
Il se demande le pourquoi de cette danse
Dans sa tête qui balance en tous les sens
Les idées n'arrêtent pas de s'entrechoquer
Et toujours il craint de se voir brisé


Il a peur,il a mal et se questionne sans arrêt
À propos de tout et de rien, des soirs et des matins
Il s'agite et il tremble parfois de froid
Tout comme lui,vous êtes agitée
Vous vous sentez seule et abandonnée, si seule
Que vous voudriez certains jours, certains soirs


Pouvoir maudire vos racines et les voir abandonner
La terre qui pourtant, les maintient bien solidement
Et comme lui aussi vous vous questionnez intérieurement.
À son image vous vous sentez certains jours
Attirée, voulue et désirée et puis tourne le vent
Et se transforment alors vos sentiments


En votre âme surgit le spectre du rejet brutal
La hantise de l'abandon,la morsure du traître
Le baiser du judas...
Et pourtant mon coeur à moi
Souffre tout autant que le vôtre, se meurt comme le vôtre
Porte le deuil avec le vôtre, au nom de ces heures
Et de ces minutes qui furent les nôtres
Alors qu'elles étaient pleines de "Je t'aime"
Et que votre main aurait voulu dormir dans la mienne.
Quand mon corps brûlait d'envie pour vos caresses
Et que votre bouche cherchait avidement la mienne.
Je meurs d'envie du goût de votre peau


Toute fraîche sortie de la douche,
Offerte au plaisir de ma bouche
Mon plus beau souvenir de vous est encore
Cette image qui m'est restée gravée de votre sourire
Alors que votre corps nu était penché sur le mien
J'enterre mes rêves mais je ne veux pas partir
Avant d'avoir pu vous dire dans un dernier soupir


Que tout au long je vous ai aimée plus que moi-même
Et aussi que dès le début j'étais convaincu que vous et moi
Ça allait fonctionner et que jamais, on allait se quitter
J'avais pour un moment oublié le temps et le vent
Et pendant ces instants vécus avec vous
J'avais perdu de vue aussi que nous n'étions que des
Roseaux agités par le vent!

Malherbe DesChamps©

    ***
Illusions

J'ai mis à bouillir le café et j'ai aussi rentré du bois pour le feu de foyer devant lequel j'ai prévu finir la soirée en ton agréable compagnie, histoire de tuer le temps et de veiller un peu, tout en s'offrant pour l'occasion une bouteille de vin conservée au cellier depuis plusieurs années. Qu'aurions nous pu faire de mieux ou de plus intéressant? Pas grand chose vraiment!


Le jour bat doucement en retraite et les bruits habituels semblent s'être mis au lit ou avoir coiffé des sourdines, alors que les grenouilles de l'étang troublent le calme presque lourd, de leurs chants stridents qui font semblant de se perdre du côté ou souffle allègrement le vent de septembre. Dans l'attisée j'ai remis une bonne grosse bûche de merisier, en attendant...


Je m'inquiète un peu, je deviens légèrement plus anxieux, mais je n'ose pas regarder l'horloge qui égrène impitoyablement les heures, pour s'en tresser des jours. Des jours que l'on ne verra plus jamais, des jours que l'on aura vécus sans même qu'on les ait vus. Mon regard triste et déçu se perd dans les flammes et je discute avec les crépitements du feu, en attendant...


Traîtreusement, les flammes lèchent le bois du sacrifice. Elles dévorent goulûment les bûches pendant que le temps fuit et que la nuit encore, tente de m'envelopper de ses bras froids et dénués de toute trace de vie. Avec beaucoup d'appréhension je consulte ma montre, que je voudrais bien ne pas voir, craignant qu'elle ne vienne mettre un terme à ce qui subsiste de mon espoir de te revoir. Mais la triste réalité est là à mes côtés, dans ce même fauteuil où je te voudrais assise. Pour moi le monde chavire, la nuit me refait son petit numéro banal et usé, triste à en faire pleurer les bouleaux. J'essaie de concentrer mon attention ou plutôt je tente de me distraire en observant le reflet des flammes qui prend un plaisir fou, à peindre sur le plafond du salon, des images et des ombres aussi floues qu'imprécises.


J'ai mal de toi et cette solitude qui est venue s'installer depuis ton départ, me rend misérable. j'ai froid plus profond que mes os, j'ai peur, terriblement peur. Je crains la nuit, tout autant que le silence qui m'accable et qui crie sa présence. J'ai peur de toi, de ce que tu diras ou penseras de moi. J'ai peur de moi, de la mort et de la vie. Comment en suis-je arrivé là et qu'est-ce que je fais ici en attendant? Mon esprit s'engourdit et je sens ma tête qui s'alourdit. J'ai de plus en plus froid. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi, la fatigue, l'âge, la santé, l'inquiétude ou bien l'ennui peut-être... Je m'aperçois que le feu a baissé. Gourmand va... Je te sers une autre bûche et je remplis mon verre encore. Ça va sûrement me remonter un peu et me changer les idées. Je m'allonge sur le tapis, juste en face du foyer et je déguste mon vin en attendant...


Et passe le temps et dansent les flammes pendant que coule le vin. Je n'entends bientôt plus le tic-tac assourdissant de l'horloge qui incessamment, avec la précision qu'on lui connaît martèle les murs de la nuit avec des " elle viendra - elle ne viendra pas, elle m'aime - elle ne m'aime pas". Elle aura sûrement dû s'endormir elle aussi ou bien le pendule s'en est décroché...


Quel est donc ce bruit à peine audible qui me parvient et résonne dans ma tête? Oh! C'est toi... Tu t'es finalement décidée à revenir. Quelle excellente idée tu as eu. Es-tu encore fâchée, est-ce que ça va mieux? Comme un voile, tu glisses lentement sur le tapis, tu t'allonges à mes côtés et tu prends ma main que tu places sur un sein. Tu es si douce, si vaporeuse et tellement gentille. Comment ai-je pu m'emporter et te parler ainsi?


Tu es fraîche et appétissante, toute menue et délicate. Ce que tu es mignonne! Pas de regrets, pas de questions, pas de longues explications ou de remises en question. C'est tout simplement trop beau pour y croire, mais je me laisse prendre au jeu, en attendant....


Caresses et baisers, puis voilà que ta robe a disparu, que ton soutien-gorge s'est envolé et que ta petite culotte n'a pas su résister bien longtemps à ma curiosité et à mon entêtement. Tu es couchée sur le dos et tes jambes écartées se font accueillantes et m'invitent à t'apprendre par coeur devant les flammes qui dansent timidement sur les murs.


Du bout de mes doigts inquisiteurs, je t'étudie attentivement . Mes yeux ravis te découvrent et mes lèvres apprennent à te connaître. Mes mains caressent tendrement tes seins et je couvre ton corps de profonds et chauds baisers. Ma bouche est partout à la fois et je me délecte de la saveur de ton corps. Je le goûte entièrement, je te voulais depuis si longtemps.


Ma langue effleure la pointe de tes seins qui se dressent effrontément comme pour protester ou pour défier le ciel. Comme ils sont jolis tes seins et si délicieusement agréables à butiner. Ils se laissent docilement plaire à mes mains. Tu poses ta tête sur ma poitrine et de tes lèvres, aussi douces que prenantes tu effleures ma peau... Comme c'est bon! Comment dire non à la vie qui s'offre à prendre et qui prend ce que j'ai à lui offrir? Nos baisers se font de plus en plus tendres, les caresses se multiplient et les doigts deviennent plus insistants.


Deux corps qui se font cadeaux et qui sont ballottés par une même vague de passion. Leurs rythmes s'accordent, leurs salives se mêlent et leurs idées se fondent. Les respirations deviennent plus courtes et plus rapides aussi. Les mains se cherchent avidement et sans compter, on est pris, on prend, on donne, on reçoit. Deux corps qui s'aiment l'un et l'autre. Le temps d'un soupir, d'un spasme, on se regarde et on s'aime, on se désire. On s'aime, on se fait plaisir, on se laisse partir pour revenir...


Tout à coup, mon sang se glace et je grelotte, j'ai encore froid. Comme tantôt avant que tu n'arrives, comme à tous les autres jours depuis que tu es partie. Qu'est-ce qui a bien pu se passer, qu'est-ce qui nous est arrivé? C'est le moment ou je m'éveille en sursaut et me rends compte que le feu a baissé dans la cheminée. Il est quatre heures du matin... Je crois qu'elle ne viendra pas , encore cette fois et je décide alors d'aller me coucher, seul dans mon grand lit glacé en attendant...


Le bruit de ses pas.


Malherbe Des Champs

    ***
Le goût de l'amour

à Pdl de Malherbe (décembre 98)

Une bourrasque, une brise, un ouragan
Imprévisible comme le temps
qui dort au fond de mes poches
Je m'emballe, je me retire, je récidive
dépendant de mes heures et de mon élan


J'arrache le toit des demeures
et je transporte même ce qu'il y a dedans
ou je sème la joie dans les coeurs
Je suis Malherbe DesChamps
Dans ma tête, des chants d'oiseaux,
des airs de guitare, des cours d'eau


Je suis vraiment comme le vent
Je surgis de l'horizon, j'avive les passions
Je confonds les muses qui parfois s'en amusent
J'entoure les montagnes et glissent doucement sur leur flanc
Je chante et me cargue autour des grands arbres
et m'enroule autour de leurs branches
sans jamais pour autant m'y accrocher les pieds


Devant moi je pousse les nuages
qui souvent, sèment l'orage
Et j'apporte aussi parfois
du froid, de la pluie, des éclaircies
Et dans mes moments les plus heureux
pour le plaisir des yeux
je veux peindre le ciel en bleu
pour agrémenter tes jours creux


Je veux être ton ami
Chasser devant toi la poussière des chemins
Sécher les larmes de ton chagrin
Je veux répandre du baume en ton coeur
Caresser ta peau lorsque le soleil est trop chaud
Murmurer à ton oreille les mots les plus doux
Pour te redonner encore une fois le goût
de vivre l'amour et le chanter partout.


Malherbe DesChamps©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Dawson, Blake

Morning after

(for Géraldine)

Spiral sighs rest light on air,
after nights of revel roar.
Caught in blankets' tangled snare,
enmeshed in dreaming, spirits soar
deep in the glow of passion's bliss
- Such joy! the seed... a simple kiss.


Simple, say, though the Muse know better
how well the moon plays out Her role,
how desire breathes the perfect letter
- drawn reflection of your soul. O!
womanly wiles, gently strum, with your tears,
my heartstrings to singing among the spheres.


But morning casts another light,
filtered gold through curtains drawn.
The painted woman of the night's
transformed, soft child of the dawn.
Rest on my chest your finger tips.
How sweet... your lightly parted lips.


Blake Dawson

    ***
Le lendemain matin

(pour Géraldine)

Les soupirs en spirales, si fins dans l'air se traînent,
après les rugissements qui célèbrent la nuit.
Pris dans le chaos des dessus de lit,
et du piège de la rêverie, les esprits émanent
des profondeurs d'un feu que la passion bénit
- Quelle joie! la semence qu'un baiser simple égrène.


Simple, me direz-vous, bien que la Muse affirme
que la lune joue bien son rôle,
et le désir respire une lettre parfaite
- un reflet esquissé de son âme. Ô!
les ruses, larmes d'une femme, jouaient cet air
chantant mon coeur parmi les sphères!


Mais le matin jette une autre lumière,
d'or tamisé à travers un rideau tiré.
La femme fardée de la nuit se transforme
en tendre enfant d'aurore...
Repose sur mon coeur la pointe de tes doigts.
Si douces sont tes lèvres... ouvertes... légèrement


Traduit par Elodia©

    ***
The storm is over

An invisible blanket of brilliant blue, brisk & biting, rips
wisps of errant cloud that race like chased thoughts 'cross hyaline skies;
brittle shards, whipped & wind-blown, rise to rake my face awake.
The storm is over...


The beach wears calm like a held breath.
Waves bear laced collars of foam-gray spray. A jogger
runs - from? or to? - footfalls marking time, molding sand.
The storm is over...


Scream of silver: seagull-smears cut air to land among seaweed heaps - green
slime snakes leaping with sand flees - crab-bit bones & dead-eyed fish masks,
to gorge themselves by shred & beak-full, reveling on the ocean's offal.
The storm is over...


Tomorrow will bring the raucous crowds, towels & scented oils, but today
I jealously guard the anguish of my drifting reflections, knees hugged for life,
huddled in my shell, shivering & alone to face the sea's endless rush & flow.
The storm is over...


A ghost of crumpled poem falls from my hand to pirouette
cartwheels across the barren strand. Your image, too, ambulates
a timeless dance across the ravaged shores of my mind...
now, the storm is over.


Blake Dawson©

    ***
Après la tempête

Un invisible voile, bleu brillant, vif mordant,
chasse au loin des lambeaux de nuages dérivant
- pensées poursuivies à travers le cristal du ciel.
Les bourrasques de tessons, cinglants,
fouettent ma face, me ranimant.
La tempête est terminée.


Souffle retenu, la plage s'est revêtue
de calme. Les vagues portent des cols
de dentelle des gris embruns d'écume.
Un jogger court - d'où vient-il? où va-t-il? -
ses pieds modelant le sable, marquent le pas.
La tempête est terminée...


Cri d'argent: une envolée de goélands fend l'air puis
se pose parmi les amas d'algues - serpents visqueux et verts,
abritant des puces de mer bondissantes, restes de carapaces
de crabes, masques de poissons aux yeux éteints - se gorgeant
de miettes à plein bec, se délectant des offrandes de l'océan.
La tempête est terminée...


Demain ramènera la bruyante cacophonie des foules,
les serviettes et les huiles parfumées; mais, aujourd'hui,
je garde jalousement l'angoisse de mes pensées, à la dérive,
blotti dans ma coquille, les genoux serrés dans mes bras,
frissonnant, seul face à l'éternel va-et-vient des vagues.
La tempête est terminée...


Un spectre de poème chiffonné tombe
de ma main - elliptique pirouette
au bord de la grève nue. Ton image
aussi, déambule une valse intemporelle,
traversant le rivage dévasté de mes pensées...
maintenant, la tempête est terminée.


Traduit par Elodia©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Dziri, Rachid

Exil

J'inventerai le feu
et prendrai le chemin de l'ivresse
voyage
tu me ramènes à la mer
chercher le grand rêve du soleil suicidaire
tortionnaire l'hiver
assassine l'ardeur des retrouvailles
et me prive de la mémoire douce de l'exil
j'hésite entre le souvenir et le sommeil
car la mort n'a pas d'allié
car l'oubli menace le retour des dieux
et fait de ma prière verte
non je dirai blanche
comme le lange qui emmaillote les cris humides
une escale fréquemment réitérée
j'adopte le rite de l'ordinaire
comme l'exode dans le silence
comme pour renier les subversions des saisons secrètes
exhumer les mots de l'inconscient de la terre
elle seule témoigne de la splendeur des choses invisibles
du grand soleil divin des pays d'Orient


Rachid Dziri©

    ***
Hasard

Il n'est point d'oraison qui me ramène à toi
indompté hasard tordu comme une mémoire
il plaît tant à l'océan
d'égaler le silence au fond de tes prémices


Quel espace saisir
quelles transhumances croire
pour apprivoiser le désert rugissant
pour dépecer la douceur de la mort
en transes orientées vers l'exil sans remord


Dans mes veines une liqueur détenue
telle une femme effarée
d'amours hypocrites
de violences mégères


Il s'agit d'appréhender les vestiges révolus
l'histoire qui se replie
dans des pages froissées par l'amertume du mensonge


Il s'agit d'entendre le pouls du sable écumé
pour comprendre le rituel des jours indifférents


Que de rêves sellés dans une danse équestre
au fond de chaque peur une aurore en otage


Il n'est point d'oraison pour croire en toi
le soleil ne se lève pas à l'Ouest
la mer réclame sa couleur d'yeux d'enfants
qui d'un ciel épris
sentent la tiédeur du sang


Rachid Dziri©

    ***
Cette nuit sans doute

Sans cesse cette nuit
Je prendrai un poème dans les mains
le dessinerai sur ton corps femme
et y grefferai un baiser éternel


Sans ennui cette nuit peut-être
je dévoilerai ton visage à la lueur de la lune
et te scanderai quand tout s'en va et me quitte
Je me restituerai au rythme de mon coeur
pour que cessent les cris fauves
et disparaissent les ombres et meurent


Sans façon cette nuit sans doute
grandira mon poème sur tes paumes
et trembleront nos corps au milieu de la mer
quand tout le monde saura que cette nuit encore
je te voudrai ainsi et toujours


Sur ton corps cette nuit d'ailleurs
où le soir n'est que pour passer
je voguerai en douceur
je plongerai au plus profond de tes yeux
pour en faire ma demeure de tous les jours


Rachid Dziri©

    ***
Réminiscences

Que ne me desserve plus
l'ultime odeur du désert
au milieu de la douceur de la peur
et ne me hante le grain nomade du sable en éveil
je dirai en folie
aux lisières infranchissables
que ne m'importe plus l'aurore impériale du Grand Sud
comme une lueur rebelle au détour des échos
saccagée par le souvenir
comme une promesse que ne me fait guère le soir



la mer est en sursis de voyage
le ciel est un portrait
pour les amants des ruelles discrètes
cristalline l'écume se fait stèle
le sourire convoite la colère vétuste
et chasse de nos coeurs apathiques
la débauche des délires d'alcôve


dru l'effroi du regard hagard au péristyle de la mémoire
au petit matin des synesthésies des couleurs
des sons profonds du silence en partance
pour des veillées sans remords
que ne me desserve plus jamais le simulacre de l'oubli


Rachid Dziri©

    ***
Songe

Je m'étale émietté
me rebutent les cris profonds cette saison
l'encens des nuits archaïques rompt le silence nocturne
enivre en moi les voluptés interdites
ma foi est de boire sur les commissures ton sourire
suivre l'odeur qui pousse àtes pas en sourdine
et parvenir àsaisir la nuit ensoleillée sur ta chevelure
innocente ta pudeur emmaillote dans l'espace diaphane
ta peau ruisselante
j'appréhende à tâtonner le secret dans ta mouvance
oh! m'entoure l'énigme comme ta présence
le souffle fabuleux du songe me hante
m'offre des délices licites en toi
dans une coupe de beauté fluide
déferlent mes souvenirs
coulent et se plient
pénètrent en moi des mots rêveurs
pour fuir le dédale infantile
je viens délibérément
avec l'horizon en écho
altier chaud comme divinement tu portes mon rêve
le serment pour m'inspirer ta couleur
l'essence autour de toi
chuchote la magnificence comme l'exil
L'oubli l'aurore qui s'achève
Le ciel qui transcende le blanc de mon deuil
Ô réminiscences
l'écume de la mer apprivoise le sable
et guette de loin ma quête en moi


Rachid Dziri©

    ***
La terre se souvient

Après tant d'absences la terre se souvient
qu'au bout de tes frissons
se déploie un rêve pareil à ton corps
quand tout n'est que souhait
que prière
adaptée aux parfums de la nuit
et refuse l'exorde d'un voyage obstiné
ton espace de porcelaine
abrite le chemin hésitant du souvenir

J'accepte l'indifférence comme une angoisse quotidienne
longtemps j'ai voyagé d'enfance en enfance
à chaque hasard s'invente un espace nécessaire
à chaque espace mûrit un printemps dans tes yeux
c'est toujours la terre
au milieu mille grains
et le chemin prometteur d'un corps qui change
ainsi se retiendra ta voix fauve
auréolée de consentement à l'avènement du soir
interminable
lorsque tu as pris la forme du désir

Je suis quelqu'un qui porte la nostalgie du sourire
comme une plaie sur la lueur de l'aube
il y a bien tant de vents
lorsque le soleil a protégé la lune
lorsque la terre a noué avec l'océan
une amitié semblable aux jeux infantiles
je ne finis pas d'aimer l'errance
de voir me traverser l'averse voluptueuse
qui irrigue autour de moi les saisons chaudes

Rachid Dziri©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Endymion

Tes Yeux

Dans la pénombre
Ton regard m'obsède
Tes cheveux que j'écarte
Me laissent entrevoir
Ton front sans rides
Ton visage parfait
Tes yeux profonds
Comme le ciel.


Tu laisses au fond de moi
L'empreinte de tes yeux.
Jamais je n'oublierai
Ce saut dans l'infini.
Dans le gris, dans le vert
Dans le bleu, dans le ciel
Dans la mer
Dans ton coeur.
J'ai plongé dans tes yeux
Et je m'y suis noyé.


Endymion (27 octobre 1999)

    ***
Your Eyes

In the shadowy light
obsessed by your eyesight
your hair put aside
forseeing your face
unwrinkled and perfect
with your eyes
as so deep
as the sky
leaving inside me
unforgettable prints
this infinite jump
through the grayish and green
and blue of the sky
deep in the sea
in your heart
plunging and drowning
deep in your eyes


Endymion©,

Poem translated by Pier de Lune

    ***
Parce que tu es moi...

Nous aurions très bien pu
Ne jamais nous connaître...
Songe à la foule de hasards
Qui d’un divin jardin
Et d’un antre infernal
Nous conduisit tous deux
Toi qui ne me connaissais pas
Moi qui ne te connaissais pas
Sur la place ombragée
Au bord de la rivière
Où tu vins pour m’attendre
Où je vins te trouver...
Et maintenant que nos regards
Se sont croisés
Je ne voudrais pour rien au monde
Retourner en arrière
En cette nuit obscure
Où nous fûmes avant
Toi sans moi
Moi sans toi
Parce que je suis toi
Parce que tu es moi..

Endymion©, (novembre 1999)

    ***
Tristis usque ad mortem

Où sont donc mes jours et mes nuits
Quand ton regard me réchauffait
M'illuminait et m'embrasait?


Que suis-je devenu depuis
Qu'un oiseau de malheur
M'emporta loin de toi?


Tu es là-bas
Et je suis là
Dans une nuit
Triste et tranquille.

Endymion©

    ***
Absence

Le ciel est vide
Et vide l'univers
Vide est le lac
Et vide la forêt
La vie est vide
Et mes yeux sont éteints
Un seul être me manque
Et mon coeur est glacé...

Endymion©

                                                 ***
Haut de Page triangle

Escarras, Catherine

Des traces sur le sable

Des traces sur le sable
Me mènent jusqu'à toi,
La mer est incapable
De se jouer de moi!


La mer est nourricière
Console mon chagrin,
La mer est trop entière
Pour les êtres incertains!


Pieds nus, j'avance, fébrile
Que vais-je trouver sur l'île?
Je marche sur des pas
Qui s'ouvrent devant moi!


Un poisson doré nage
Un oiseau bleu ravage
Mon coeur, plein d'une rage
De vivre ces instants!


J'avance sur le sable,
Je me couche et j'attends
Les traces sur ce sable
M'ont montré le néant!


Melmiriel
Catherine Escarras©, 24 octobre 1998 (T.D.R.-SGDL)®

    ***
La bouteille à la mer

Quelqu'un l'a jetée
Et je l'ai ramassée
Elle avait le goulot cassé
Et je me suis coupée!


Il y avait un message
D'amour et d'amitié
Mais il avait dans l'eau
Trop longtemps séjourné!


Le message avait du
Par plusieurs être lu
Le message était vieux
je l'avais pris pour moi!


Mais qui suis-je après tout
Pour croire encore aux fées,
Moi qui en suis soi-disant une
Et qui perd mes pouvoirs
Chaque fois que l'amour
Vient se poser sur moi!


La bouteille repart
Et j'imagine encor
Toux ceux qui trouveront
le message dedans!


Soyez très vigilants,
Il y a dans le monde
des bouteilles à la mer,
Jetées comme appâts!


Soyez très vigilants
Les mots sont des vipères
Qui entraînent les âmes
Dans des labyrinthes tordus
Dont on ne ressort plus!


Je retourne au rivage,
Je reviens sur la grève,
J'essaie de savourer
les vagues et l'océan,
J'essaie de redevenir fée,


Mais pour cela je ne dois
Plus jamais aimer
Qui que ce soit!


Melmiriel
Catherine Escarras©,13 mars 1998 (T.D.R.-SGDL)®

    ***
La pierre de lune

Pour Pier de Lune

Sur une plage, un continent,
Une pierre unique brillait gaiement
Elle se riait des éléments
Faisait sourire les passants,
Par ses couleurs, ses chatoiements.


On l’appelait "la Pierre de Lune"


Elle était tombée avec le vent,
Un soir de bourrasque tempêtant
Ses couleurs mordorées et argent
Amenaient tous les petits enfants,
Ils regardaient avidement
Puis demandaient à leurs parents


-"Je voudrais bien une Pierre de Lune!"


Et les parents de répondre gentiment


-"Il faut la mériter mon enfant!
Les Pierres de Lunes se font rares
De nos jours, les hommes ne croient plus au Vent
La lune se cache, a peur des hommes
Ils ont tant fait de leurs reproches
Ils ont démoli coeurs et chants,
Ils ont ramené des requins qui de leurs dents
Ont déchiqueté les restants de lune.
Elles se terrent, elles vivent en l’air,
Les Pierres de Lunes, dorénavant!"


Alors les enfants, yeux éblouis par le vent
Parcouraient les dunes de sable
À la recherche des Pierres de Lune
Mais en ces temps de solitude
Ils ne trouvèrent que la première
Celle tombée par accident,
La lune étant en grand chavirement
Car le soleil était au Levant!


Melmiriel
Catherine Escarras© 4 mars 1999 (T.DR.-SGDL)®

    ***
The Moonstone

For Pier de Lune

It stood there on the sand
Beaming with the rainbow’s hues
Pale gold to silver melted,
Bestowed on the precious shore
To celebrate the world.


The waves got bluer as they neared it
Or according to the sun
Got greener or yellowed,
It’s radiance overwhelmed
The sun’s radiance hence!


Through the cristal waters
Fine chiselled fish, orange spot covered
Swam, happy and slim,
As if Magic had been!


Children encircled it
Staring and dazzled
‘Twas the first time
They saw a moonstone fall
And hereby were stunned!


Catherine Escarras© March 6th 1999 (T.D.R.-SGDL)®

    ***
Pietra di luna

para Pier de Lune

Su una piaggia di un continente
Una pietra unica brillava gioiosa
Schersandosi delle forze della natura
Facendo sorridere i passanti
Con i suoi colori e legerezza
La chiamavano " Pietra di Luna "
Era caduta col vento
Una sera di violente tempesta
I suoi colori d'oro e d'argento
Attiravano tutti i fanciulli
La guardavano stupiti
Poi domandavano ai loro genitori
- " Io vorrei volontieri una Pietra di Luna! "
E loro rispondevano gentilmente
- " Tu devi meritarla, fanciullo!
Le Pietre di Lune sono diventate una cosa rarissima
In nostro tempi, non si crede più al Vento
La Luna si nasconde, ha paura degli uomini
Hanno fatto tanto male rimprovendo tutto
Hanno distrutto i cuori e i canti
Hanno attiratto dei squali, che, coi loro denti acuti
Hanno spezzato i resti della luna
Adesso, si nascondono, vivono nell'aria
le Pietre di Luna! "
Communque, i fanciulli, gli occhi storditi dal vento
Correvano sulla sabbia d'argento
Alla ricerca di Pietre di Luna
Ma in questa solitudine moderna
Potevano trovarne soltanto la prima
Quelle caduta per errore
La luna era molto agitata
Perchè il sole era al Levante!


Catherine Escarras©March 6th 1999 (T.D.R.-SGDL)®
Traduction italienne: Catherine Escarras
                                                 ***
Haut de Page triangle

Espriu, Salvador

A la vora del mar



Salvador Espriu (Catalogne) (1913-1985),fut un écrivain qui s'initia en tant que narrateur dans les années 30, et qui se révéla après la guerre espagnole comme étant un grand poète et un auteur théâtral. Son oeuvre se convertit en une méditation sur la lutte entre frères et sur la mort, et en une réflexion sur le destin de son pays, la Catalogne.

A la vora del mar. Tenia
una casa, el meu somni,
a la vora del mar.


Alta proa. Per lliures
camins d'aigua, l'esvelta
barca que jo manava.


Els ulls sabien


tot el repòs i l'ordre
d'una petita pàtria.


Com necessito
contar-te la basarda
que fa la pluja als vidres!
Avui cau nit de fosca
damunt la meva casa.


Les roques negres
m'atrauen a naufragi.
Captiu del càntic,
el meu esforç inútil,
qui pot guiar-me a l'alba?


Ran de la mar tenia
una casa, un lent somni.


Espriu, Salvador (de Cementiri de Sinera, 1946)

    ***
Au bord de la mer

Au bord de la mer. J'avais
une maison, mon rêve,
au bord de la mer.


Haute proue. Par de libres
chemins d'eau, la svelte
barque que je commandais.


Mes yeux savaient
tout le repos et l'ordre
d'une petite patrie.


Comme j'ai besoin
de te raconter la crainte
que la pluie inspire aux vitres!
Aujourd'hui c'est une nuit sombre
qui tombe sur ma maison.


Les rochers noirs
attirent mon naufrage.
Prisonnier du cantique,
de l'effort inutile,
qui me guidera vers l'aube?


Tout près de la mer j'avais
une maison, un rêve lent.


Espriu, Salvador (d'après Cementiri de Sinera, 1946)
Traduit du catalan par Emili

                                                 ***
Haut de Page triangle

Félix, Christophe

Le temps attise les silences

Le jour est triste, la nuit est morne.
Je suis seul avec mes incertitudes.
Les pensées ont embrumé mes rêves.
Mon âme s'est fondue dans le plus triste amant de la solitude.
Le temps se consume et attise les silences.


Le souffle sans sourire a expiré mes pensées.
Le sablier de ma vie ne pouvait plus couler en cet abîme.
La voix de l'amour ne pouvait plus fracasser mes espoirs.
Je devais être cloué par la dévotion.
La passion devait me ramasser et m'enlacer.
Je devais être aimé comme j'avais toujours espéré être aimé.


A l'aube du crépuscule de ma nuit.
A l'heure où résonnait le cri de l'absence.
A l'heure où mes larmes conversaient de mon âme.
Elle est apparue aux confins de mes espérances.
Au déclin des méandres de ma vie.


L'amour a fait renaître mes joies.
L'amour a dilué mes peines.
Elle est la mère de l'amour qui redonne la vie.
Elle est celle qui fait chanter mes yeux d'allégresse.
Elle est celle qui fait rire mes larmes.
Elle est la preuve que l'amour existe encore
Mon coeur sera son fourreau
Ses désirs seront mes rêves.


Le jour où le silence de son absence résonnera en mon coeur.
Je pleurerai son sang, ses larmes couleront dans mes veines.
La mort me prendra par la main en ses chemins sinueux.
Et m'emmènera dans mon antre fait de flammes rouges.
Qui me rappellera la douceur de tes lèvres.


Christophe Félix©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Fiset, Isabelle

Douce porcelaine

Ma douce poupée de verre, ma soeur à la crinière de feu
Si fragile et si forte, ton absence opprime mon existence.
N'entends-tu pas la complainte langoureuse des violons de l'ennui?
La mélodie est un gouffre. Si tu l'écoutes, elle t'engloutit!


Par delà les blizzards effrénés, j'ai bravé la tempête.
Par delà les mers déchaînées, j'ai bravé la tornade.
Par delà les éminentes montagnes, j'ai bravé la tourmente,
Mais l'Everest de l'ennui demeure insurmontable...


Si triste, je n'ai que ma plume révélatrice et mon encre créatrice
Pour te transmettre, par la querelle de mes mots, les maux qui me hantent.
(*) Un seul être me manque et tout est dépeuplé!
Un seul être me manque et tout est dénudé!


Les noires avenues de Mexico me paraissent désertes!
Les perpétuelles vaguelettes de l'océan ne me charment plus!
Même les champs de pâquerettes ne dégagent plus leur irrésistible parfum,
Ton absence a dépouillé les délices de ma vie!


Douce porcelaine, l'ombre qui nous sépare est si obscure,
J'entrouvre les yeux, aucune lumière n'y pénètre.
La solitude m'aveugle et le néant m'accapare:
Aurais-je pu savoir que le Paradis sans toi deviendrait l'Enfer?


Pourtant, je te connais, toi, l'ennui! Je t'ai vu attaquer des familles entières.
J'ai vu ton arme meurtrière pénétrer dans la poitrine des hommes.
N'incarnes-tu pas la douce douleur de l'amour?
N'incarnes-tu pas l'amère souffrance de l'absence?


Saurais-je un jour contrôler la symphonie destructrice de la solitude?
Saurais-je détourner le chagrin et la douleur de ton absence?
L'ennui me ronge, mais je détiens une paisible consolation:
Nos coeurs se rencontrent dans mes plus douces prières...


Isabelle Fiset©

***


Vallée anonyme

Demain, dès l'aube, à l'heure où le froid est saisissant,
Je partirai. Ma soeur, sainte pour l'éternité, ouvre-moi tes bras.
Je ne veux pas brusquer l'aurore qui porte ton silence.
Je ne veux qu'effleurer de mes doigts la lumière de ton coeur.


Marcher vers toi n'est pas souffrance, malgré la montagne abrupte.
Marcher est une délicieuse douleur quand mes pas vont vers toi.
Mes larmes sont rafraîchissantes quand je vois à travers elle.
La beauté de tes yeux bleutés , ceux de notre chère mère.


Malgré les mots qui souffrent violemment les jours de tempête,
Je sais que le soleil saura briller sur nous et dissiper la frontière d'ombre.
Poupée de porcelaine à la crinière de feu , tu sembles être faite d'acier,
Moi je sais , je te dirai enfin , je t'aime ma soeur , ma grande soeur, va!


Isabelle Fiset©

    ***
Nudité

Mon corps est tissé de soie
Épris d'une passion indésirable
Il porte un abat-jour de glace
Une robe de pluie


Fresque humide de larmes
Quand l'amour se heurte
À la lumière jaillissante
De la Sirène Vierge


La poupée de porcelaine
Dans la vitrine
Porte les sanglots dissimulés
De cette première nuit


Où les fragiles pièces de mon casse-tête
Se sont désordonnées
En de frêles fleurs de cristal
Bouquet de Nudité


Le puits semble profond
Quand la noirceur transperce
Le fragile coeur d'un vitrail
Qui ne veut qu'être beau


(**) L'essentiel est invisible pour les yeux
Il cache la peur de la transparence
D'être regardé sans être vu


Beauté de minuit
Sous une robe de pluie


Isabelle Fiset©

    ***
Quand les mots n'existent plus...

La beauté est invisible pour les yeux.
Ne cherche pas dans la noirceur les couleurs de la lumière.
Lorsque tu observes les ailes d'un papillon,
N'oublie jamais qu'elles sont nouvelles.


Ne savais-tu pas que dormaient en toi des offrandes de diamant?
Que le cristal de ton coeur jaillirait dans un éclair blanc?
Je sais, tu ne voyais pas la couleur du feu!
Je sais, tu ne sentais pas la chaleur du feu!


Ne te soucie plus des flambeaux de ton corps.
Vierge sirène dans les cieux,
Tu brilles plus que la nuée des astres.
Auprès de Sainte Vénus, rayonne de plus belle!


En poussière de lune tu es devenue,
Belle comme le reflet miroitant des étoiles dans la mer.
Quand les mots n'existent plus,
Ne reste que l'espoir...


Maintenant devenue déesse du ciel,
Tu possèdes la brillance de l'eau que tu convoitais tant.
Ainsi, je suis soulagée de voir ce sourire s'épanouir
Dans cette pénombre qui me semble à présent si claire.


Valse dans les cieux, mon amour.
Tu es si gracieuse et si belle.
Tu es ma force, mon guide.
Tu es le berger qui veille.


Quand les mots n'existent plus
Ne reste que l'espoir...


Isabelle Fiset©

(*) Citation: (Alphone de Lamartine) L'isolement, Premières Méditations poétiques
"Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé!"

(**) Citation: (Saint-Exupéry) Le Petit Prince

                                                 ***
Haut de Page triangle

Gagnon, Charles

Charles Gagnon (1943- )Originaire du Lac St-Jean, Québec

Poèmes innomés

À la racine des neiges
le soleil boit ce long hiver
le bel été déjà s'accroche à nous
et la mer bleue monte à l'assaut du ciel
pour s'y confondre ce matin
à la rupture de ses glaces
Je sens dans le vent d'est
la subtilité des prochains jours
la tardive éclosion des mots
m'emporte au-dessus des villes
et la nuit plus furtivement chassera le jour
en déployant très lentement ses ailes
sans complicité ni regret
en un dépliement très lent de quatre vents
de quatre voiles et de nuages

    ***

N'être là
que pour voir ses yeux
Depuis longtemps
le sol s'est mu sous nos pas
depuis longtemps
nous savons efficacement vivre
maintenant
privé de ces proches
qui n'entendent pas
et nous courons à la source
où l'oeil originel
n'est troublé de rien
sinon de larmes
Et je repousse loin de toi
d'un coup de crayon
le dessein - le diable derrière
se fait angélique -
de nous priver de paraboles
L'ignorance
depuis longtemps
s'est prise le cou
au piège de la nouvelle
au chas de l'aiguille
agile à tes doigts

    ***

Salive de femmes
sur l'enfance de mes bras
les images rayonnaient sur la peau sombre
de septembre
toutes mes femmes m'entouraient
souvenir inouï des odeurs
cernes salins de leurs yeux
sur la plage multipliée de mes bras
Et je rentrais chez ces amantes de plein jour
selon l'innocent balancement des blés à couper
de septembre
Tous mes amis chez elles m'accompagnaient
entraient cueillir
les tatouages bleus
du livre incandescent de l'initié
et les images rayonnaient sur la peau sombre
de nos bras le soir
retour au foyer
au lit déjà fait
au rêve secret
des premiers baisers

    ***

Reviens travailler
sur l'enclume
de ta langue le poème
lame et houe
pour les champs de blé
pour les champs de guerre
de ta langue calleuse
malgré tes doigts minces
de bouddha
reviens couler
l'or et l'argent des mots
au creuset de ta sagesse
la forge te désire et le soufflet
ne respire que pour le feu
de ton âme
reviens
que la liberté s'éveille
de l'amour

    ***

Le soleil
passe sur mon visage pour l'éblouir
mais rien ne me délasse plus
en ce pays crevassé de douleurs
le soleil à la trace des hommes
jette d'inutiles chaleurs
car jamais plus ne s'élève vers lui
l'incantation soudaine des cris
Une eau démesurée déroule sous le ciel
les plages de l'oubli
sans pouvoir me séduire
à vouloir m'y étendre
Pour enserrer l'espoir
cette courbe de nos bras brûlants
et notre bouche se désole
à la recherche de sa fuite
Nous serons patients
jusqu'à l'épuisement de la lumière poursuivie
nous attendrons poings fermés sur les yeux
qu'une humaine chanson
réveille notre coeur

    ***

Si je recommence
c'est que je ne suis pas né
que le présent ne s'accorde pas
à mon passé
C'est que la terre autrefois glacée
n'a pas recouvré la chaleur
du temps où elle fuyait tes mains
pour le cycle des saisons
À l'abri de toi
à ton souffle dans ses jardins
au bruit de tes pas de père
promenade du soir
elle vivait
Mais depuis cette fugue
son présent non plus ne s'accorde pas
au futur que tu lui prépares
Et la parole depuis ce jour
désarçonnée ne reconnaît plus
la bouche qui l'a prononcée
et s'ennuie
errante et culbutée
dans les ronces et la vanité
Si je reviens au lieu
jamais abandonné
puisque retour vers toi
c'est que l'oubli n'existe pas
de ma genèse et de la nuit
douce et terrible de notre passion
ô ma mère ô Dieu naissant
douce et terrible de l'apparition
du corps et du sang
à la lueur de la lampe
dans le silence et le bris de l'attente
Et quelqu'un s'empare de lui
et le fait crier et le fait vivre
sans savoir pourquoi
pour toi qui t'imagines
sans l'embrasser qu'il ne t'aime pas
Si tu savais seulement sa soif déjà
tu te ferais source et toute mamelle
pour seulement sa bouche
Et l'homme ne veillerait pas aujourd'hui
tout nerf et tout pleur
à la fenêtre close de la morte maison

Charles Gagnon©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Gelay Dominique

C’est...(la vie, l’amour, la mort)

C’est le babil de l’aurore sur les larmes de la nuit,
La rosée s’arc-en-cielle,
L’espoir nouveau s’élabore sur un Paradis enfui;
C’est un vol d’hirondelles*
Joueuses,
Ivres de parfums, de terres, de plantes*,
Charmeuses,
Elfes du festin de l’aube naîssante;
C’est une vague où s’enlumine le printemps;
La musique est un appel, un guide, un onguent
Et roule la mer...


C’est l’hymne de la cigale pour son amant aux doigts d’or*,
Ciel et terre s’embrasent,
Le vent déploie ses rafales pour voiler leurs corps à corps;
Des colombes* qui jasent
Vigiles
D’un sanctuaire paré de fleurs mauves*,
Tranquilles,
Une source éclatante pour alcôve;
C’est la vague où l’été se voluptuose;
La musique est un feu, une île, une rose*
Et roule la mer...


C’est le murmure du cyprès en un doux mirologue,
Le jour s’enchrysalide,
Tout abjure en de noirs apprêts pour un morne épilogue;
Le rossignol candide,
Obstiné,
En ses trilles module sa souffrance,
Forcené,
Il ranime la torche* d’espérance;
C’est une vague où l’hiver vif s’apaisante*;
La musique est un seuil, de la myrrhe*, l’acanthe*
Et roule la mer...

Dominique Gelay, Saint Nizier, Lyon. (Juillet 1990, Mai 1993)

* :l’hirondelle est la messagère du printemps.
* :les plantes, attributs de Perséphone, premiers degrès de la vie, symbolisent la naissance perpétuelle, le flux incessant de l’énergie vitale.
* :le soleil, attribut d’Apollon, est considéré comme fécondateur mais il peut aussi brûler et tuer.
* :la colombe est l’attribut d’Aphrodite, déesse de l’amour.
* :le violet est la couleur de la tempérance, de la lucidité de l’action réfléchie.
* :l’île esr symboliquement un lieu d’élection, de science et de paix.
*: la rose symbolise la coupe de vie, l’âme, le coeur, l’amour...
* :la torche est symbole de purification par le feu et l’illumination. Elle est la lumière qui éclaire la traversée des Enfers et les chemins de l’initiation. La mère de Perséphone recherche sa fille en ayant en mains des torches ardentes. Perséphone symbolise le candidat à l’initiation qui passe par la mort pour renaître, par les Enfers pour accéder au Ciel.
* :apaisanter : apaiser, calmer (mot d’ancien français).
* :la myrrhe a une dimension prophètique; les mages ont apporté de la myrrhe à l’Enfant Jésus.
* :l’acanthe est utilisée dans l’architecture funéraire pour indiquer que les épreuves de la vie et de la mort symbolisées par les piquants de la plante sont victorieusement surmontées.

    ***
Dune blonde

Dune blonde amante des souffles de hasard


J’avance, flots d’or d’éternité revétus
Pourtant je n’amasse et je n’offre que fétus


Dune blonde amante des souffles de hasard


Mais tant d’aubes claires s’irisent tout là-bas
Et les vents m’emportent vers des lointains de nacre,
M’entraînent où flamboient des horizons lilas...


En moi fourmillent toujours mes espoirs tétus
Pourtant je n’amasse et je n’offre que fétus


Le tourment de ma soif la plus vive s’estompe:
Dans la coupe d’ocre d’un désert sans orages
Une fadeur sourde se répand et détrompe
Mon coeur exalté par de somptueux mirages


Les jours s’obstinent malgré mes paupières closes
Et les vents m’emportent vers des lointains de nacre
Où je voile de poussière l’éclat des choses


Dans la coupe d’ocre d’un désert sans orages
Je ne veux plus verser de nectars éphémères
Mon coeur exalté par de somptueux mirages
Tu vois la mort du jour confondre tes chimères


Dune blonde amante des souffles de hasard
Craintive quand l’ombre s’empare de l’entour
Lorsque le froid t’étreint, que naissent des murmures,
Qu’ils s’enflent, s’aiguisent, se hèlent tour à tour
Sous le dais nuital où se perdent leurs augures


Que des formes paraissent qui semblent guetter
Porteuses fidèles d’un très ancien message
Mais la peur t’instille son fiel pour apprêter
Ces remous clairs-obscurs qui te feraient plus sage


Dune blonde amante des souffles de hasard
Lorsque le froid t’étreint, que naissent des murmures,
Découvre dans ces voix les Mentors qui conseillent
Sous le dais nuital où se perdent leurs augures
Apprends les parfums musqués des fleurs qui s’éveillent


Porteuses fidèles d’un très ancien message
Versant des larmes de rosée pour qu’à l’aurore
Ces remous clairs-obscurs qui te feraient plus sage
Miroitent, tranquilles et t’apellent encore


Dune blonde amante des souffles de hasard...


(Juillet 1996, Septembre 1997. Lyon, Saint Nizier)

Ce texte a été inspiré par la gravure intitulée « Nemo pervenit qui non legitime certaverit » : « Nul n’y parvient qui n’a combattu selon les règles (la 1ère Porte) inserrée dans le roman Club Dumas d’Arturo PEREZ-REVERTE.

    ***
Gouttes de rosée

A Sappho.

Belle hirondelle, l’Aurore emparadise
L’herbe tendre purifiée de rosée
Et l’écume de son sommeil s’amenuise;
Mon bel ange s’éveille


Joyeux moineau, mille plantes échevellent
Dans un souffle frais leurs gerbes déposées
Et toutes les eaux ardentes cascatellent;
Mon trésor s’émerveille


Fidèle oiseau, le chêne en sa plénitude
Abrite les stridences de ses cigales
Et son île rayonne de quiétude;
Mon amour s’ensoleille


Vive alouette, le vieil arbre aux fleurs mauves
A Vesper abandonne ses doux pétales
Et s’apprête et se parfume son alcôve;
Mon enfant s’ensommeille.


(Juin, Juillet 1990. Avril 1991, Avril 1994. Saint Nizier, Lyon)

    ***
Cauchemar

Je suis seule dans l’immeuble abandonné
J’avance dans un étroit couloir,
De silence vénéneux environnée.
Là, l’obscurité semble vouloir
Assaillir la lumière jaunâtre
D’un néon tout empoussièré.
Nés des ténébres des yeux blanchâtres
Me suivent, vides, acérés.


Mais je suis seule dans l’immeuble abandonné
Tout près, un chuchoti silencieux,
Un froissement, une course désordonnée;
Quelque rat dans le plancher vicieux...
Un effluve fétide sourd de l’ombre,
Infect. Des cuirasses mordorées
S’approchent, inexorables, sans nombre,
Défiant la clarté abhorrée.


Pourtant je suis seule dans le couloir
J’accroche un voile diaphane:
Une araignée morte de ne pouvoir
Supporter les rais profanes,
Fragiles de la lampe roule sur mon bras.
Dans la pénombre des guerriers de cuir
Que seul un étrange cauchemar dénombra
M’encerclent doucement: je ne peux fuir...


Cependant, je suis seule dans le couloir
Et le sol crisse bizarrement
Sous mes pieds nus. L’esprit ne peut prévaloir
Sur la peur à l’acide ferment;
Partout des corps roux affluent, se pressent:
DES CAFARDS PAR MILLIERS couvrent
Murs, sols. Mes chevilles disparaîssent
Et mes jambes s’en recouvrent...


Cauchemar, Cauchemar...


(1988, Mars 1989.Saint Nizier)

    ***
Ils sont arrivés

Ils sont arrivés ce soir, les gens du voyage,
Ils transportent tant de rêves dans leurs roulottes
Par les villes et les bourgs, humbles Dons Quichottes...
Ah, demain, il y aura la fête au village!


Demain...et pourtant, déjà, les badauds affluent
Car quelle rareté, un cirque et ses promesses!
On se bouscule autour du chapiteau qu’ils dressent,
La vie, la routine sont soudain suspendues


Et pendant le spectacle, tous sont emportés
Par la sournoise fauverie et ses dresseurs,
Par les chevaux altiers et genoufléchisseurs,
Par les dindonesques clowns enredingotés


Mais voici que s’avance un petit funambule;
Nimbé du halo d’un projecteur, il oscille,
Vétu d’un maillot blanc, silhouette gracile,
Fin hiéroglyphe en clair-obscur, il ondule


Ceux qui narguent l’abîme dessus leurs trapèzes,
Tout là-haut, persiflent ce petit poltronard,
Ce fadasse godichon et les sensiblards
Qui à ses doux baguenaudages se complaisent


Sa frêlerie, il la leur laisse blasphémer;
Seul, si seul, il cisèle comme des cantiques
Ses mille et une poésies acrobatiques;
C’est peut-être son seul moyen pour être aimé...


Alors, trop rongés de jalousie vipérine,
Ils coupent son fil, ces salopards, ces arsouilles,
Et le délicat funambule s’écrabouille
Personne ne l’a pleuré. Qui sait, Colombine?


(1980, Paris. Décembre 1989, Novembre 1992, Mars 1994. Lyon)

    ***
Hymne

Je voudrais être une île plantée là comme une dent
Et succomber sous les caresses de langues d’écume,
Vagues impudentes aux flots argentés et ardents,
Me dissoudre dans leur mêlée sans fin qui me consume...


Je voudrais être un ciel très secret à l’humeur fantasque
Et pouvoir recouvrir et la mer et le continent
Me repaître d’amours femelles et mâles, sans masque
Admiré des ogres, méprisé par les abstinents.


Je voudrais être la terre, brûlée, léthiférée
Et ternir de poussière la sérénité des cieux
Dans un appel, dans un cri viscéral et, altérée,
Boire goulûment la pluie, la semence des Dieux.


Je voudrais être le zéphyr, ce satyre invisible,
Et trousser la mer, fondre ciel et terre inassouvie,
Libérer dans l’espace cette force si terrible,
Cette brute cruelle que je porte en moi, la VIE...


(Avril 1989, Mars 1994.Saint Nizier, Lyon)

    ***

Elle était devenue putain par résignation
Et très sage philosophe en cette triste dérive
Pour les bien honnêtes gens une abomination
Mais la vérole l’expédia sur d’autres rives


Là, Charon lui lance, infernal croque-mort:
«Avant d’embarquer, il te faut remplir ma bourse;
Pour traverser ce marais, rejoindre les morts
Donne-moi déjà mon obole pour la course!»


«Hé, je n’ai plus la mondre pièce: les loueurs d’entrailles,
Les guérisseurs, les charlatans m’ont dépouillée de tout...»
«Alors tant pis pour toi, tel est ton destin: que tu ailles
Te lamenter sur ces côtes brumeuses, voilà tout!»


«Non, reste! écoute et tu seras satisfait;
Vrai, je ne suis qu’une pute et ma main est vide
Mais le sale bidochard* qui me tarifait
Jamais ne m’arracha une pierre limpide


Un diamant si étincelant d’une eau sept* fois pure
Dont les facettes luisent d’une clarté...souveraine
Car elles ont cristallisé dedans la pire ordure
Ces quelques riens de pureté qui nous rassérènent


Larme minérale aux pouvoirs ensorceleurs
Sa dureté affranchit de tous les tourments...
Cet indomptable* ignoré des bas receleurs
C’est mon âme, plus mûre que tous diamants


Ah, je vivais dans la perversion, moi la maudite;
Tous me bafouaient, tous m’humiliaient mais sous l’écorce,
Là, se forgeait une maturité pour eux proscrite
Et qui rayonne à tout jamais d’une invincible force


Seul l’exclu d’entre deux Mondes, le Transgresseur
Peut la saisir et peut la garder, rutilante...»
Depuis les Ombres s’écartent du Passeur:
Ainsi révélée, sa barque* les épouvante...


(Février 1989, Janvier 1990. Mars 1994. Lyon, Saint Nizier)

* Bidochard: trafiquant de femmes dans la traite des blanches, mot d’argot très énergiquement péjoratif.
* Le chiffre 7 symbolise une perfection dynamique, l’achèvement du monde et la plénitude des temps, entre autres...
* Jeu sur l’étymologie: diamant vient du grec «adamas», indomptable, un diamant ne pouvant être rayé -dompté- que par un autre diamant.
* La barque de Charon symbolise les malheurs des hommes.

Dominique Gelay©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Ghistelinck, Dorothée

Eupen au siècle prochain ou le Testament d'Alee Schumacher.

Mon balcon était tellement haut que je croyais pouvoir toucher les étoiles. Mais ce matin-là, le ciel ne m'intéressait pas. Les lumières de la ville me semblaient plus importantes. C'était sûrement la faute de grand-mère.


J'avais la chance d'habiter au dernier étage du plus haut immeuble d'Eupen. De toute la ville, c'était moi qui avais la plus belle vue. Je baissai les yeux. Les artères sillonnant la ville de part en part étaient constellées de feux mouvants. C'était si beau, les voitures dans l'obscurité. Cette profusion de lumières féériques qui dansaient en un lent et interminable ballet me serrèrent le coeur. Je pus enfin oublier ce smog qui entourait notre métropole comme une ceinture de malédiction. Que je le détestais, cet épais brouillard ténébreux qui semblait nous avoir piégés dans notre misérable société.


Malgré la nuit noire, je pouvais deviner les contours de tous ces immeubles qui m'entouraient, tellement gris, tellement froids, érigés tels des doigts pointés vers les cieux. Des doigts accusateurs envers cette personne que cinquante ans auparavant on adorait encore. Cette personne que l'on avait oubliée parce qu'elle n'avait pas tenu sa promesse de protéger les hommes. Grand-mère m'en avait parlé quelquefois, mais mes parents n'avaient pas apprécié. Je les entendais encore l'admonester violemment :


« Tes histoires de vieille femme ne l'intéressent pas. Ne comprends-tu pas ? Veux-tu qu'elle soit désintégrée pour rébellion, parce qu'elle n'a pas su se plier aux règles disciplinaires ? »


Grand-mère avait éclaté en sanglots. Elle s'était alors tue à jamais sur le sujet. Mais je savais qu'elle voulait me parler. Je voyais souvent ses yeux briller de tristesse et sa bouche trembler.


Mes doigts se crispèrent sur la photographie que j'avais trouvée dans les affaires de grand-mère. Elle était vétuste, jaunie par le temps. On pouvait difficilement distinguer la jeune fille en tenue d'écolière qui se tenait debout devant une statue équestre. C'était ma grand-mère. Sa bouche esquissait une moue étrange. Elle avait appelé cela un sourire. Elle m' avait un jour dit que c'était l'une des choses les plus merveilleuses au monde. Mais elle m'avait aussitôt strictement défendu d'essayer. Elle semblait paniquée. C'était interdit.


Autour de grand-mère, sur la photographie, on apercevait de petits bâtiments. Minuscules. Simples. Merveilleux. Pas un seul immeuble. Grand-mère, l'avais-tu enfin retrouvé, cet Eupen que tu aimais tant ? Je lâchai la photographie qui n'était plus qu'une boule de papier froissé.

Un murmure détourna mon attention. Une rumeur, une faible mélopée colportée par le vent. Je savais d'où elle provenait. Je me penchai un peu et portai mon regard le plus loin possible, tentant de percer les ténèbres. Je vis enfin les lumières. La Cité des Morts. Ils chantaient, comme toutes les nuits, sans savoir si le lendemain ils seraient toujours en vie. Ils étaient les sans-espoir, détenus derrière des grillages là-bas, loin de la ville, loin des hommes, loin de la vie. On les empêchait de sortir de la Cité, située à l'ancien emplacement du village de Kettenis, pour éviter tout risque de contamination. Le virus HIV s'était modifié. Il était devenu plus contagieux que la peste. Je sentis une larme couler le long de ma joue. Laura, mon aînée, se trouvait là-bas. Peut-être d'ailleurs dormait-elle déjà dans le ventre de la terre boueuse, devenue la proie inerte de tous ces méprisables vers rampants. Nous ne saurions jamais la vérité.


Le ciel se para soudain d'une légère teinte rosée. Le soleil allait enfin se lever. La faible lueur de l'aube éclairait les Rues de Passages. Je vis les fonctionnaires matinaux qui se tenaient debout, raides, sur les longs tapis roulants qui les acheminaient vers leurs bureaux. Ils possédaient tous le même attaché-case, portaient tous le même complet noir, arboraient le même visage vide de toute expression. Des statues n'auraient pas paru plus immobiles. Cette vision me fit frissonner. Je venais de comprendre...


Cela fait aujourd'hui trente ans que j'attends ma mort entre les quatre murs de l'ancienne école Pater-Damian. Maintenant, c'est une prison. Dès l' instant où j'avais réussi - non sans peine - à sourire, je savais que la milice viendrait me chercher. Sur leur système de surveillance vidéo de chaque habitant, je ne devais pas passer inaperçue. Peu importe. Je ne regretterais pour rien au monde la sensation que j'ai connue ce fameux matin-là. Pour la première fois, j'étais moi-même. J'étais heureuse. Dans une heure, ils me tueront. Ils m'abattront avec autant de considération que pour un porc dans une boucherie.

Sur ma tombe, ils écriront :
"Ci-gît Alee Schumacher
Née à Eupen en 2050
Décédée à Eupen en 2096,
sous la très grande autorité de notre très honorable justice."

J'espère qu'ils compléteront l'épitaphe :
.....parce qu'elle a osé vivre !

Dorothée Ghistelinck (ado de 14 ans)
                                                 ***
Haut de Page triangle

Gil, Emili

Dormida la pluja

Dormida la pluja
camino sol


per carrers empedrats,


molls.


Sota la llum d'un fanal
endevino espais d'ombra
que ja mai no ploraré.


Emili Gil© (juillet 1998)

    ***
Música-dona

Meravellosa melodia
que has robat mon cor;
perdut jo estaria
sense el teu amor.


És goig major el meu
escoltar-te sonar
ta nota més greu,
ton dolç despertar.


Quina bella harmonia
en els teus ulls, cabells,
mans i cos hi havia!


Quina dolça música!
Quin bell so que es sentia:
lleu, ombrívol i dolç,
que a poc a poc s’esvania.
Meravellosa melodia!


Meravellosa harmonia!
Meravellosa sonada!
Bonica estimada!
I la música, ets tu!


Emili Gil© (octobre 1998)

    ***
Mil olis de foscor

Els ulls al cim de les arcades enfilo,
temptat de les pedres garfir,
per fendir l'aire antiga
i cercar en el polsim resclosit
un llum venust que em vulgui deixondir.


Emili Gil© (octobre 1998)
                                                 ***
Haut de Page triangle

Gonzàlez i Felip, Marisol


nascuda a Nules, València, el 1962. És professora i poeta amb molts premis, més de trenta. Ha treballat en els camps de la investigació i la didàctica. Els últims llibres publicats són: Papallones de dilluns (Ed. Moll, Palma de Mallorca, 1996); Paral·lelament a la fosca (Set i Mig, 1999) et Pasqual (Set i Mig, 2001). El seu llibre Afegiràs abril (1993) és un poemari ple de tendresa on la nostàlgia es barreja a imatges sorprenents que volen captar el moment de les intensitats amoroses.

de Afegiràs Abril

(Ratlles fetes al sud de la pluja)
Editorial Derzet i Dagó, València, 1993

M'he despertat amb cireres del teu rostre, amb dolces carícies del teu nom. Un desig de fondre'ns ens serrava les dents i ens passejava l'esquena. Intensament ens preníem, amb declaracions íntimes en la llengua. Amb plaer m'he begut tots els teus mots. Rodolàvem per una platja matinera, els braços encerclant dos anys d'onades intermitents. Tu em miraves i em deies blaus. Jo batia clarors, a punt de menjar-me el món. M'he alçat avui diumenge quasi a les onze amb la intenció de comprar el diari que, ben segur, no dirà res sobre aquest cataclisme d'amor.

Aquest vent o aquest cant
de llibertat esgrimint l'últim
llampec de setembre,
l'onada paral·lela a la pell
i aquest sabor intens de tu
paladejant les hores curtes.
Aquest bressol de plaer
que mussita la tardor
de les boques.
Aquest passeig del desig
sobre les engrunes del teu nom.
I aquest fred previ
a les paraules amb què t'estime.


Ara que repetesc el teu nom
al voltant de les cortines fredes
i m'enfonsa un reclam impossible
d'orenetes obscures i un desert
d'amor entre les celles
declare que t'estime amb la música
blava del desig penetrant-me la boca.


Aquest sotrac de les cançons,
aquest terratrèmol del desig,
aquesta bogeria dels sentits
i les muntanyes de la ira
com un equalitzador dels sentiments.
Aquest encontre de sang
dinamitada d'absència
i els gests asfixiants
de gratar-me el cap
i fregar-me els ulls.
L'amor excedint els límits
de velocitat no establerts
per les parets de la teua presència,
i la pal·lidesa d'un ritu
pobre i frunzit des de fa tres anys.
Aquesta set lenta i assassina
que em resseca la nit
de les meues despulles.
Aquest somni de dolces comissures
estigmatitzant-me la pell.
Aquest neguit que espera el dilluns
i l'ascensor d'aigua ferida,
el parteratge de fam de les aixetes
i l'hora fixa de l'adéu.
Aquesta passió que em cou
i el pit acompassat de la basarda.


Plouen ferides sense pell
de dalt a baix de la meua espera
un dilluns de qualsevol segle
encantat de lluna.
Navegue inicis de llum marina
i el llac assedegat
de les paraules fosques.
Tenen xiprers els correlats
del sentiment com un camí
de lentes despulles.
La rialla de les teues dents
s'assembla a l'herba de les trompetes
i m'apropa el tacte amorosit
de les violetes en gener.

    ***

Marisol Gonzàlez i Felip est Née à Nules, València, en 1962. Elle est professeur et poète avec de nombreux prix, plus de trente. Elle a travaillé dans les domaines de la recherche et de la didactique. Ses derniers livres publiés ont pour titre: Papillons de lundi; Parallèlement à l'obscurité; Pasqual. Son livre Tu ajouteras avril (1993) est un recueil plein de tendresse où la nostalgie se mêle aux images surprenantes qui veulent capter le moment des intensités amoureuses.

    ***
Tu ajouteras avril

(Notes écrites au sud de la pluie)-
Editorial Derzet i Dagó, València, 1993

Je me suis réveillée avec des cerises de ton visage, avec de douces caresses de ton nom. Un désir de nous fondre nous serrait les dents et se promenait sur notre dos. Intensément, nous nous prenions, avec d'intimes déclarations sur la langue. Avec plaisir, j'ai bu tous tes mots. Nous roulions sur une plage matinale, les bras entourant deux ans de vagues intermittentes. Tu me regardais et tu me disais des bleus. Moi, je battais des lueurs sur le point de dévorer le monde. Je me suis levée aujourd'hui dimanche presque à onze heures avec l'intention d'acheter le journal qui, sans doute, ne dira rien de ce cataclysme d'amour.

Ce vent ou ce chant
de liberté empoignant le dernier
éclair de septembre,
la vague parallèle à la peau
et cette intense saveur à toi
qui goûte les courtes heures.
Ce berceau de plaisir
qui chuchote l'automne
des bouches.
Cette promenade du désir
sur les miettes de ton nom.
Et ce froid d'avant
les mots avec lesquels je t'aime.


Maintenant que je répète ton nom
autour des rideaux froids
et que m'abat un appel impossible
d'obscures hirondelles et un désert
d'amour entre les cils
je déclare que je t'aime avec la musique
bleue du désir qui pénètre ma bouche.


Cette secousse des chansons,
ce séisme du désir,
cette folie des sens
et les montagnes de la colère
comme un stabilisateur des sentiments.
Cette rencontre de sang
dynamitée d'absence
et les gestes asphyxiants
de me gratter la tête
et de frotter les yeux.
L'amour qui excède les limites
de vitesse non établis
sur les murs de ta présence,
et la pâleur d'un rite
pauvre et froissé depuis trois ans.
Cette soif lente et assassine
qui me dessèche la nuit
de mes dépouilles.
Ce rêve de douces commissures
qui me stigmatise la peau.
Cette inquiétude qui attend le lundi
et l'ascenseur d'eau blessée,
l'accouchement de faim des robinets
et l'heure fixe de l'adieu.
Cette passion qui me brûle
et la poitrine régulière de la peur.


Il pleut des blessures sans peau
de haut en bas de mon attente
un lundi de n'importe quel siècle
enchanté de lune.
Je navigue vers des départs de lumière marine
et sur le lac assoiffé
des paroles obscures.
Les corrélats du sentiment
ont des cyprès comme un chemin
de lentes dépouilles.
Le rire de tes dents
ressemble à l'herbe des trompettes
et me rapproche du tact doux
des violettes en janvier.


Traduction française de Ricard Ripoll i Villanueva
                                                 ***
Haut de Page triangle

Guito i PONS, Ramon


Ramon Guitó i Pons, va néixer a Maçaners (L'alt Berguedà), l'any 1949, i féu estudis d'Humanitats a Solsona. Literàriament parlant, es considera un autodidacte recalcitrant. Ben aviat, a disset anys, descobrí la necessitat d'escriure, i s'entrebancà amb la vena poètica. Més tard la narrativa el temptà fort. Té editada la novel·la Hores de lluna , de temàtica contrabandista. També ha fet una excursió al món del teatre. És editada l'obra Duet en mi menor . És membre de l'Associació d'Escriptors en Llengua Catalana i del col·lectiu "La Tecla". Darrerament, i amb d'altres autors portes està furgant perquè respiri amb tota dignitat el grup poètic, Poetes de ronda , La premsa diu d'ell que és un trobador modern i que és l'ànima de Poetes de ronda . La seva professió és el món editorial. Fa 38 anys que embruta paper, (segons paraules seves). En el camp de la poesia ha publicat, bé que en edicions de vegades privades i reduïdes, onze títols. Els tres darrers són Testament a galerna (intimista), 32 anys fent camí (antologia) i Viatge al desig (calaix de sastre).

La meva barca de vida,
afeixugant-se, va fent aigües.
Sento escopits de gèlid oreig
a les adormides galtes.


Demà de ben segur seré nàufrag.
Em restarà, però, molt de camí
per davallar del tot
al no res de la paraula.


I en el decurs del viatge
festejaré un foll pirata
perquè m'ensenyi amb destresa
tirar i recollir la xarxa.

    ***

Mires per la finestra
i vols llucar el caient
de la vida,
que et sembla somriure
dellà fora.


No te la creguis
tan de pressa.
Avui és encara
una sibil·la delusió.
Demà, si bades,
potser esdevingui
el redós
de la més lúgubre
de les mentides.

    ***

Caigut gegant que guaites
els teus besnéts ufans,
ensenya'ls cada dia
que el premi a l'existència
és que et recordin de vell.

    ***

Molts anys has estat
jóc d'ocells
i testimoni de tempestes.
Avui encara serveixes
per a donar aixopluc
a l'encís dels sensibles.


Sovint arriba el moment
que el color de la tarda
ja esdevé malaltís.


Després, girant la cantonada,
gèlida, forània i sola,
veuré que el dia,
definitivament,
ja no respira.
La il·lusió és cosa
de cada demà.

    ***

He de viure de pressa
perquè el temps
no se'm mengi l'edat.


Cantaré aquest vespre
els darrers quadres d'amor
a un testament a galerna.


Demà, si puc veure el sol,
l'escridassaré com un foll,
i li diré traïdor,
per haver-se'm menjat
aquella esperança
que fins ahir m'era vital.


He de viure de pressa
perquè el temps
no se'm mengi l'edat.

    ***

Qui ha begut el color
de notes alades
d'un "blues" a la nit
somniant infinits?


Qui ha vist melodia
en els blaus i vermells
d'un quadre cubista
mirant fit a fit?


Ets capaç
d'abraçar la il·lusió
i casar-te
amb blanques paraules,
amb notes
flairant el futur?


Qui coneix l'olor
de paraules dallades
esteses al sol
esperant ser poema?


Qualsevol tarda,
a onades de "blues",
cuinaré aquell beuratge
golut de mots escaients.
Després de l'èbria
i maleïda lluïssor
profanaré amb despit el fil
d'opaques mirades
i, de la sublim capseta
de la nostra Pandora,
buidaré il·lusions
al teu cos d'atzavara,
ruixant de sal
la teva paraula.
I demà l'agre almívar
de la meva indiferència
serà teranyina
de nus pensaments
al cingle precís
d'avuis impossibles.

    ***
El darrer blues

Blues d'Herrera
a Llafranc,
passejant sinuoses
corbes amarades
de mandra,
i de fum de la
darrera pipa
a la platja
plena de lluna.
Al fons de la cala,
el darrer xiscle
de l'harmònica trista
ens diu que, avui,
l'Herrera
ha acabat el seu blues.


La lluna, esporuguida,
avui ens ha dit adéu
massa de pressa.


Uns núvols foscos,
més negres que la por,
al so d'exèrcits llampants
de vent i de nimfes d'aigua,
han fustigat, de mala manera,
la tranquil·la rondalla,
vital i diària,
del poeta a la vall.


A mitja nit, l'ambient
cerca en debades repòs.


Els xiscles dels llamps,
bramant orgullosos,
trenquen amb desaire cruel
l'òrfena quietud sideral.


I Orió, el poeta solitari,
ermità del monestir
de pròpies rauxes i volades,
enfila cel amunt
la infantil il·lusió
de petjar sorra a muntanya
i neu fina a la platja.


Entre el cruixir dels llamps,
que sovint estripen núvols,
hom albira el desconsol
i el plor de les s


L'aigua que cau a la vall
són llàgrimes tristes d'elles...
Les llanternades del llamp
són l'avís a navegants
d'aquell far sol a la costa...
I els retrucs de la tronada,
cargolant el cor de la vall,
són l'embat suïcida a les roques
d'aquell meu penya-segat.

    ***
Què hi fa un al.lot a muntanya?

Tens per gorga
l'alè de la paraula,
al·lot de la mar en calma.


Què vols coure a muntanya,
al·lot de la Mediterrània?


Tu seràs el gresol
que mescli en paraules
la salabror de la mar
i la trementina de l'aire.

    ***
Etiòpia

Tarda de mal aire als Monegros,
i de mals records, i de mals somnis...
Vaig llepar, per un moment, l'altiplà de Shewa,
a l'Etiòpia afamada de menjar,
però farta de guerra, farta de gana,
botida de senyors de la guerra,
tipa de senyors de la gana.
Tipa de tot. Tipa de viure.
Ara menjaré terra cansada;
almenys se'm rentaran les dents,
i podré morir ben tip.

    ***
Marroc

Dies i hores de lluna,
plenes i plenes de sorra...
Forques immenses d'encens
cremant suaument a la haima...
Tasses de te, dàtils a taula, paraules d'amic...
Repòs a Marràqueix,
venint de l'Al-Andalus, al Magrib...
Pau immensa, cultura egoista, estreta...
On és la dona, companya, amor i profeta?
Allà dins,
amagada,
quieta,
callada,
coberta...

    ***
Coincidència

Avui han coincidit,
a distància,
al pensament les mirades
i al vent les paraules.


Qui sap si demà
farem tots dos l'amor
abrigats
en el silenci!


Ramon Guito i PONS
                                                 ***
Haut de Page triangle

Hawk

Love Winds

Two hearts had met in the secret place of dreams
he kissed her face, feathery tips her hair it traced
his wings they wrapped around her tight
she looked into his eyes and smiled
the smile that only love can know

They merged and became one, drifting through the misty haze
an infinite journey on the winds of love and hope
through starry skies shining bright and clear
acknowledging them with gleaming light
Through space and beyond to a blackness
glowing now with the fires from within their hearts


A journey for all time that only spirits know
safe in the belief
That if it lives in your heart
"It is never lost"


Hawk

    ***
Dreams

On gentle wings that hold you tight
I'll fly you to the stars each night
the Moon we'll circle then see Mars
and in some corner out in space
far from the human race
bathed in the glow of Orid
we'll love the night away
and when the dawn begins to break
to earth return to dream again
of all
"That might have been"


Hawk (July 1998)

    ***
Les Ailes de l'Amour

Dans les intimes profondeurs de leurs rêves
Deux coeurs se sont croisés
Il couvre son visage de baisers
Du bout de son tendre plumage
Il lui caresse les cheveux
Et lui enveloppe ses hanches de ses ailes.
Plongeant son regard dans le sien,
Elle lui sourit, de ce sourire
Que seul l'amour connaît.


Dans une brume nébuleuse
Portés par les vents de l'amour et du désir
Ils voguent à la dérive
Dans des cieux parsemés d'étoiles.
Accompagnés par ce champ lumineux
Ils sillonnent l'univers au delà des ténèbres
Embrasés par le feu jaillissant de leurs coeurs.
En un profond et infini voyage.


Un voyage éternel dans le temps
Que seuls, connaissent les esprits
Dont cette croyance habite.
Si elle vit impérissable
À jamais elle y demeure.


traduit par Pier de Lune

    ***
Rêves

Sur mes ailes je te tiendrai
Fermement enlacée
Jusqu'aux étoiles je te piloterai
Nous ferons le tour de la lune
Mars, nous irons contempler.


Puis, dans un coin de l'univers
Loin de la race humaine
Baignés par la lueur d'Orid
Toute la nuit nous nous aimerons.


Lorsque l'aube à nouveau se pointera
Nous retournerons rêver sur terre
De tout
"Ce qui aurait pu être"


Traduit par Pier de Lune
                                                 ***
Haut de Page triangle

Inconnue

L'amour perdu

Où es-tu mon amour?
Je te cherche depuis toujours.
Quand dans tes bras tu me serrais
C'était comme si le monde disparaisait.
Lorsque tes lèvres sur les miennes se posaient
C'était comme un beau rêve
Qui soudain m'emportait.
Le jour est arrivé
Où j'ai dû te quitter
Si tu savais ce que j'ai pleuré.
Mais hélas! j'étais trop fière
Pour revenir en arrière.

Malgré que la vie nous a séparés
Dans mon coeur tu restes gravé
Je revois encore ton doux visage
Mais ce n'est plus qu'un mirage.
Je vis seulement pour le jour
Où je te reverrais mon amour.
Je n'oublierai jamais tes étreintes
Je ressens encore ses empreintes.
Lorsque parfois la nuit je rêve de toi
Je m'éveille et mon coeur a soudain très froid.
Tu seras pour moi à tout jamais
Le Vrai visage de l'amour.


Une inconnue qui a laissé passer un grand amour.
Août 1998
                                                 ***
Haut de Page triangle

Jaén i Urban, Gaspar


Gaspar JAÉN i URBAN (Elx, País Valencià, 1952),docteur architecte et écrivain. Son activité comprend l'exercice professionnel de l'architecture, l'urbanisme et l'enseignement, ainsi que la poésie, la prose et l'essai. En poésie, il a publié Cadells de la fosca trencada (València, 1976), Poema per a ben morir (València, 1981), Cambra de mapes (Barcelona, 1982), La Festa (Palma, 1983), Mil·lenari, tardor (Barcelona, 1989), Fragments (València, 1991), Del temps present (Alzira, 1998), L'antic jardí d'Itaca (Altea, 1998), Pòntiques (Alzira, 2000)

V. Souvenir de Bretagne

De Cambra de mapes / du livre Chambre de plans (Edicions del Mall, Barcelona)

La nuit transporte des coeurs de suicidés
Lorsqu'elle s'ouvre de l'autre côté des vitres.
Je marche esseulé dans un temps qui fane
Les rosiers, et je ne peux rien trouver
A garder, ou je n'en suis pas capable.
D'ailleurs, comment est-il possible
Qu'une coupe de cognac brisée à quatre heures
De l'après-midi puisse faire autant de mal?
Toute la littérature que j'ai inventée; tous les jeux
Que j'ai attachés aux murs, et moi-même —  ma propre invention — 
Sont des pièges qui mènent aux souterrains des jardins
Quand, avec l'hiver, l'heure est venue
De relire les anciens messages de lumière
Qui me renvoient au souvenir de ce jour,
Du côté de Sant Tegoneg.
                                       Les mains
Pleines de grenades, aux cheveux de drapeaux,
Nous avions chanté, contre la pluie,
Des vieilles chansons de notre pays,
Devant des anges qui nous avaient aimés
Et qui ne comprenaient pas notre langue.

    ***
Elégie de Bologne, 3

Aujourd'hui dimanche, le soir est calme,
Etrange, très tranquille. J'ai une tristesse
Pleine d'aiguilles aux bords des yeux. J'ai reçu
Une lettre de toi et je suis heureux de t'aimer,
Et je me souviens de nouveau de toi,
Tu es comme toujours. J'essaye d'imaginer
Les rues de Bologne. J'essaye encore de préserver
Ton souvenir, dans la plainte et dans la joie,
Tel du miel au bout des doigts. Dans la tristesse
Que le soir m'apporte, ton image immobile,
Brisée dans la mémoire, m'évoque avec douceur
Des pays que j'imagine très lointains et très beaux.
Partout la nuit tombe ; il commence à faire froid.
L'automne s'insinue entre les feuilles du calendrier.
Je pense encore à toi, comment t'oublier?
Chaque nuit je consacre un instant à ton corps.
Là, il fait un peu froid. La nuit tombe de plus en plus.
Le souvenir, l'espoir de l'hiver près de toi
Sont les seules cessions permises par la distance.

    ***
XV

De Fragments / du livre Fragments (Poesia 3i4, València)

Tu n'a plus rien dit, lentement, dans ce silence,
Silence toi-même, une étoile qui s'éteint.
Ton temps et tes yeux cessèrent de me regarder
Et je n'ai plus jamais su te montrer ma tendresse.
Au moment de dormir, quand étaient refusés les sourires,
Le baiser et la parole, le silence m'entourait,
Tel un drap de tristesse, un temps qui s'achevait.
Quelles étaient tes peurs? Pourquoi cette distance?
En amour il n'y a pas lieu de tant de pages blanches.
Ce soir-là, j'ai bu avec toi le dernier verre
De fiel et de fatigue. Sans parler comme avant.


L'abri que tu fus, comme le feu du papier
S'était éteint et me blessait. J'étais seul à nouveau
Dans des rues incertaines, des gares salies
Par les couteaux glacés, la fumée, les trains et la peur,
Avec des corps entrevus, fugitifs et divers.
Il fallait se détruire et en finir avec les dépôts
D'un amour qui se décomposait juste après être arrivé,
S'enfermer dans sa tanière comme l'animal blessé
Qui hurle, lèche son mal et affligé attend
La clarté d'un nouveau jour. Il fallut avoir du courage.
Ce soir-là les dieux m'abandonnèrent.

    ***
XXVIII

Voilà la dernière demande que je tiens à te faire:
Souviens-toi de moi, de temps en temps,
Comme je me souviens de toi, maintenant,
Quand arrivera l'automne, que les années seront mûres
Et commenceront à peser et le ciel deviendra plus clair,
Quand les Pléiades sortiront; et rentreront chez eux
Les vieux marins grecs, quand la mélancolie
Te mordra et tu te balanceras, pour soigner ton mal,
Sur les rosiers blancs d'Hama, la plus mélodieuse
Des villes d'orient, pour retrouver ainsi
Les amours perdus. Souviens-toi alors du mien.
Je t'offre ces vers comme sincère témoignage
De la douleur et du grand plaisir que tu m'as fait revivre.
C'est tout ce que je peux t'envoyer d'ici,
De ce temps d'exil où je dois demeurer,
De cette terre stérile, mon monde sans toi.

    ***
A l'actuel amour

De Del temps present /Du livre Du temps présent (Edicions Bromera, Alzira)

à J.V.P.

Je voudrais tant que tu sois tous ceux
Pour qui j'ai écrit une fois un poème,
Avoir vu avec toi des villes du Nord de l'Italie,
Des hivers, des automnes de l'Europe centrale,
Et lors des nuits rougies au feu, d'aube et de jasmin,
Avoir traversé avec toi d'anciennes routes
De palmes près de la mer,
D'oranges et de cyprès sur les lèvres.


Je voudrais tant que ce présent que tu es,
Plaisant et aimable aujourd'hui,
Vienne de très loin,
De ces années sans toi qui nous laissaient sur la peau
Des nuits d'écume et des étoiles,
Un perpétuel désir qui ne cessait jamais,
Une première jeunesse qui n'était pas consciente
D'être elle-même.


Mais je sais combien est inutile le désir qui m'habite
Dans cette nuit de pluie et de printemps
Qui fuira comme les autres.
           D'autres amours étaient là, avant toi,
Et ont occupé la place que nous occupons maintenant,
Ainsi que nos pensées, nos bras,
Et notre bref présent.
Nous le savons sans le dire.
Nous n'avons besoin ni de faits ni de témoins.

    ***
V

De Pòntiques / Du livre Pòntiques (Edicions Bromera, Alzira)

Des illuminés t'entourent, des prédestinés, des possédés
Qui croient être des dieux car ils voudraient tout
A leur image. Quel mal leur a donc causé la vie
Pour qu'ils la désirent aussi peu, pour tant de mépris?
Ils l'ont aimée bien peu ni en eux ni en les autres,
Ces monstres abominables qui vont mourir seuls
Dans une solitude plus grande que leurs grands yeux.
Pourtant, ils n'en mordront ni la peau ni les os.


Ils tueront le poète, ce corps sacré de la voix
Torturée et sanglante comme un martyr de Rome,
Et ils tueront avec lui les jasmins du jardin
Qui sentent intensément à la tombée du soir,
La fleur de l'oranger, parfumée et si fraîche.
Mais les langues de serpent dans les bouches d'infamie
Distillent la rancoeur et préparent l'outrage,
Coup d'oeil de Gorgone, et finiront par les dévorer,
En faisant du poison de leurs veines, en leur pourrissant l'oeil du coeur.

    ***
XX

Sur un plateau dénudé, un désert, nous t'abandonnons.
Des laquais de dictateurs et des menteurs y habitent.
Rome est avec nous, celle des plaines fertiles,
Celle de l'eau qui chante en descendant des montagnes.
Nous avons dans le coeur les strophes et les chants,
Les mots anciens, les étés, les récoltes,
Les arcs et les peintures, les marbres, les statues,
La fontaine du vieux marché, l'art de l'architecture.


Que les misérables restent avec leur misère
De désolation, de ravage, de tristesse.
Ils auront toujours les armes et l'armée,
Le cheval et l'épée, les traîtres et les judas,
Les deniers d'argent, le pouvoir de la mort.
Mais nous, tristes, nostalgiques, profondément pauvres,
Bien que faibles, nous avons le feu en hiver
Dans notre cabane au milieu du champ sous la neige,
Nous avons le vers et la larme. Nous garderons la parole.


Adieu césar, adieu Rome, à jamais
Adieu. Mort, inhumé, oubliez notre nom.


Traduction française par Ricard Ripoll

    ***
Breu biografia

Gaspar JAÉN i URBAN (Elx, País Valencià, 1952),doctor arquitecte i escriptor. La seva activitat comprèn l'exercici professional de l'arquitectura, l'urbanística i l'ensenyament, així com la poesia, la narrativa i l'assaig. En poesia ha publicat Cadells de la fosca trencada (València, 1976), Poema per a ben morir (València, 1981), Cambra de mapes (Barcelona, 1982), La Festa (Palma, 1983), Mil·lenari, tardor (Barcelona, 1989), Fragments (València, 1991), Del temps present (Alzira, 1998), L'antic jardí d'Itaca (Altea, 1998), Pòntiques (Alzira, 2000)

    ***
V. Record de Bretanya

De Cambra de mapes / du livre Chambre de plans (Edicions del Mall, Barcelona)

Porta cors de suïcides la nit
que s'obri a l'altra banda dels cristalls.
Caminant perdut pel temps que ha marcit
els rosers, poques coses he trobat
per guardar-hi, o no he sabut fer-ho.
D'altra forma, com havia de fer
tant de mal una copa de conyac
rompuda a les quatre de la vesprada?
Tota la literatura que he inventat; tots els jocs
que he punxat per les parets, i jo mateix —  invent meu — 
són paranys que em porten als soterranis dels jardins
quan, amb l'hivern, és arribada l'hora
de tornar a llegir antics missatges de llum
que em porten el record d'aquell migdia,
camí de Sant Tegoneg.
                                 Ens omplírem
les mans de magrana, cabells de banderes;
i desafiant la pluja, cantàrem
antigues cançons del nostre país
al davant d'uns àngels que ens estimaren
i no comprenien la nostra llengua.

    ***
Elegia de Bolonya, 3

Avui és diumenge. Fa una vesprada quieta,
estranya, molt tranquil·la. Tinc tristesa parada
als ulls, tota d'agulles. He tingut carta teua
i m'alegra estimar-te i et recorde de nou,
et recorde com sempre. Intente imaginar
els carrers de Bolonya. Intente guardar viu
encara el teu record, amb plany i amb goig com mel
en la punta dels dits. Enmig de la tristor
que la vesprada em porta, la teua imatge immòbil,
desfeta en la memòria, m'evoca dolçament
països que imagine molt llunyans i formosos.
Ja es fa de nit enjorn; ja comença a fer fred.
La tardor s'insinua pels fulls del calendari.
Seguesc pensant en tu, com podria oblidar-te?
Cada nit li dedique un instant al teu cos.
Ara fa un poc de fred. Va fent-se més de nit.
El record, l'esperança de l'hivern junt amb tu
són les poques cessions que permet la distància.

    ***
XV

De Fragments / du livre Fragments (Poesia 3i4, València)

Lentament emmudires, et vas fer del silenci,
silenci tu mateix, un estel que s’apaga.
El teu temps i els teus ulls van deixar de mirar-me
i ja no vaig saber com demostrar-te afecte.
En anar a dormir, rebutjats els somriures,
el bes i la paraula, m’envoltava el silenci,
un llençol de tristesa, un temps que s’acabava.
Quins temors feies teus? Per què aquella distància?
En l’estima no cap tant de full sense escriure.
Aquella nit vaig beure amb tu l’última copa
de fel i de recança. Mai, com abans, parlàrem.


El recer que tu fores, com el foc del paper,
s’apagà i em nafrava. De nou estava sol
per uns carrers incerts, per estacions brutes,
de navalles glaçades, de fum, de trens i por,
amb cossos entrevistos, fugissers i diversos.
Calia destruir-se i apurar el solatge
d’un amor que es desfeia poc després d’arribar,
tancar-se dins del cau com l’animal ferit
que udola, es llepa el mal i amb aflicció espera
la claror d’un nou dia. Calgué prendre coratge.
Aquella nit em van abandonar els déus.

    ***
XXVIII

Aquesta és la darrera demanda que vull fer-te:
recorda’m de vegades com jo et recorde ara,
quan la tardor arribe i els anys siguen madurs
i a pesar-te comencen i es faça el cel més clar
i les Plèiades isquen i tornen a sa casa
els vells mariners grecs, quan la malenconia
et mossegue i t’engrunses, per curar-te del mal,
sobre els blancs rosers d’Hama, la més melodiosa
de les ciutats d’orient, i recobres, així,
els amors que perderes. Recorda el meu llavors.
T’oferesc aquests versos en sincer testimoni
del dolor i l’alt gaudi que per tu vaig reviure.
Això és tot el que et puc enviar des d’aquí,
des d’aquest temps d’exili on em toca fer casa,
des d’una terra eixorca, el meu món sense tu.

    ***
A l’amor d’ara

De Del temps present /Du livre Du temps présent (Edicions Bromera, Alzira)

à J.V.P.

Com voldria que fosses tots aquells
pels qui alguna vegada he escrit algun poema,
haver mirat amb tu ciutats del nord d’Itàlia,
hiverns, tardors a l’Europa central,
i, en nits de foc roent, d’albada i gessamí,
haver creuat amb tu antigues carreteres
amb palmes vora mar,
taronges i xiprers a frec de llavis.


Com voldria que el present que tu ets,
plaent i amable ara,
vingués de molt lluny,
d’uns altres anys sens tu que a la pell ens deixaven
nits d’escuma i estels,
un perpetu desig que no finia mai,
una joventut primera que no era conscient
de ser ella mateixa.


Mes sé com és d’inútil el desig que m’habita
en una nit de pluja i primavera
que haurà de passar com totes.
           Altres amors t’han precedit
i han ocupat el lloc que ocupem ara nosaltres,
els nostres pensaments, els nostres braços,
el nostre breu present.
Ho sabem sense dir-ho.
No cal tenir dades ni testimonis.


Tots els amors han d’arribar tard o d’hora?
Sempre els hem de viure com si recomençàssem,
assassinant qui abans ha ocupat el seu lloc,
sens deixar en la ment el record, la presència
de tots aquells que hi foren?

    ***
V

De Pòntiques / Du livre Pòntiques (Edicions Bromera, Alzira)

Il?luminats t'envolten, predestinats, possessos
que es creuen déus només perquè tot ho voldrien
a ressemblança seua. ¿Quin mal els féu la vida
per a tan poc voler-la, per a així menystenir-la?
Poc la van estimar ni en els altres ni en ells,
abominables monstres que moriran tots sols,
amb una soledat més gran que els seus grans ulls.
Mes no li fincaran mos a la pell ni als ossos.


Mataran el poeta, cos sagrat de la veu
torturada i sagnant com un màrtir de Roma,
i mataran amb ell els gesmils del jardí
que intensament flairegen a boqueta de nit,
l'herba de tarongina, perfumada i fresquíssima.
Mes les llengües de serp que en boques infamants
destil?len la rancúnia i preparen l'ultratge,
ullada de Gorgona, acabaran menjant-se'ls,
fent de verí ses venes, podrint-los l'ull del cor.

    ***
XX

En un erm territori, un desert, et deixem.
Lacais de dictadors i mentiders hi habiten.
Amb nosaltres ve Roma, la de les planes fèrtils,
la de l'aigua que canta quan de la serra baixa.
Ens emportem al cor les estrofes i els cants,
les antigues paraules, els estius, les collites,
els arcs i les pintures, els marbres, les estàtues,
la font del mercat vell, l'art de l'arquitectura.


Queden-se els miserables amb la seua misèria
de desolació, arrasament, tristesa.
Sempre seran d'ells les armes i l'exèrcit,
el cavall i l'espasa, els traïdors i els judes,
els denaris de plata, el poder de la mort.
Tristos, enyoradissos, fondament pobres som.
Mes, encara que dèbils, hem el foc a l'hivern
dins la nostra cabana enmig del camp nevat,
hem el vers i la llàgrima. Guardarem la paraula.


Adéu cèsar, adéu Roma, per sempre més
adéu. Mort, sepultat, oblideu el nom nostre.
                                                 ***
Haut de Page triangle

Jou i Mirabent¸ David

Breu biografia

va néixer a Sitges el 1953. És poeta i fisic. En la seva poesia ha explorat especialment les temàtiques científica, religiosa i mediterrània, i noves formes poètiques amb un fort component visual, inspirades en formes de la natura. Els darrers llibres que ha publicat són Els ulls del falcó maltès. Poemes sobre cinema (2000), Joc d'ombres (1999), Transfiguracions (1998). És autor d'assaigs com Matèria i materialisme (1998), Algunes qüestions sobre ciència i fe (1992) i d'una extensa obra de recerca en termodinàmica de processos irreversibles en revistes i llibres de difusió internacional.

    ***
Claror de tempesta

De Jocs d’ombres, 1999

1.
Aquestes grans muntanyes i el tro que les inunda
de sons de tempestat,
i els llamps de claredat
feréstega i rotunda,
i la remor profunda
dels boscos i dels vents i dels torrents i de l’aiguat.
són com una mena d’escenari
en plena expectativa de misteri, primigeni i solitari.


En ple romanticisme —heus ací la diferència—
n’hauríeu tingut prou amb aquest sol pressentiment;
avui, com al cinema, buscareu però, urgentment,
el rastre o la presència
d’algun protagonista.
Però no, us equivoqueu, avui no hi ha protagonista:
són el vent i la tempesta i el misteri,
i no l’home, diminut, els qui es disputen un eteri
racó de firmament i de paisatge.


2.
Amunt i avall, amb moviment de decorats
—la pluja ja ha acabat—, els núvols abandonen
de mica en mica el cel, es van desfent, es fonen,
es fan
silueta en el record i, finalment, se’n van.
No vull ací metàfores: els núvols no són pas,
ja ho sé,
estrictes decorats de seda o de paper,
ni em sento prou audaç
per creure’ls o fingir-los ramat o pura roca:
no cal, pel poc que vull, embolicar la troca.
Avui només aspiro
a recordar, en abstracte, el moviment que miro
—olor de terra xopa—, arravatat i plàstic.
i a aproximar amb paraules
aquest relleu aeri en aquest cel fantàstic.

    ***
Napoleó

Homenatge a Abel Gance

Un ull.
En l’ull, un camp.
En el camp, dos exèrcits.
La imatge dels exèrcits
es fon en la d’uns llavis.
Foc!
I se senten canonades, himnes,
galops, corredisses
—no pas els gemecs ni els crits de dolor,
això no:
ací tot és glòria.
Ací tot és pressa:
s’ha de lluitar a tot Europa
—quin enderroc de tirans que es desinflen!
Ara la imatge és una àliga:
uns ulls, un bec, un vol
—de rerefons, un himne,
sempre el mateix.
Ara la imatge torna a la terra:
columnes de tropes
—els ulls són humans altre cop.
el bec és uns llavis que criden:
foc, més foc!
Les banderes són ventalls
que atien més incendis.
El nou tirà és més llest,
més ben organitzat:
crida llibertat, actualitza codis,
basteix grans monuments,
sap xuclar, com un vampir,
la vida d’una immensa multitud.
Uns ulls.
Acer.
La glòria.

    ***
Rellotge de sorra

1
Tot el pes del cel, com una sitja plena: cada estrat una collita
més llunyana: com un embut que buida en mi la claredat
d’un cel molt alt i la concentra en una roentor d’hores
simultànies, en una opressió esclafadora: el pes i
la cremor de tanta llum, de tantes hores que no
seran mai més però que són encara llum,
que són ara dolor, turment,
que són malgrat no
ser del tot, que
són i que
em fan
ser.

2
Qui diu ara no diu pas un punt de temps, sinó el gruix d’una
durada —deixem Eisntein i Bergson discutir sobre aquest
punt i visquem nosaltres el present que ens és ofert,
la metal·lúrgia de les hores, el cop
de mall que rebla
aquest instant,
ací,
sobre l’enclusa
del futur que arriba—;
qui diu ara diu el temps que tarda
a encendre’s el cervell en una lucidesa
prou gran com per dir ara, prou gran com per saber
que estem vivint l’irrepetible, l’únic, l’autèntic, allò sol que ens
salva, allò sol que pot merèixer ser dit ara i ser viscut àvidament.

3
Cim
—i després,
cada vegada més,
caiguda. O potser ascensió,
si partim de prou avall i ens és prou
fàcil l’esperança. Però si ja s’ha estat
incandescent, si s’ha estat ja llamp, si s’ha viscut
la glòria d’un moment de plenitud, ¿quin futur queda
al desig sinó tornar a aquell instant o d’habitar-hi ja per
sempre? La resta ha de passar forçosament per la caiguda,
o ser per sempre més caiguda, o ser temor de la caiguda si no
es pot sortir del temps. Després del cim tot és passat, memòria
pura: un moment de plenitud anul·la el temps o en fa una roda
de nostàlgies. I cal, llavors, sortir del temps: cremar sense cremar,
eternament, o cremar del tot en un sol cop, i morir per sempre.


David Jou i Mirabent

    ***
Poemes sobre cinema, 2000

De Els ulls del falcó maltès, Poemes sobre cinema, 2000

Els ocells
Alfred Hitchcock

Aquest imperi carnal serà apunyalat per mil becs.
Però ningú no ho sap, encara.
Les gavines, com sempre, envesteixen la mar.
L’ordre del món sembla sòlid, immutable.
El poblet de pescadors, instal·lat en la rutina,
té color de roca grisa i olor d’alga.


Ara, ara és el moment;
ningú no ho imagina, però l’ordre
és a punt de trontollar i desballestar-se.
Les gavines comencen a atacar,
es llencen —primer dispersament— contra els humans
—ignorats o desdenyats fins aleshores—
i van creixent en fúria, en gosadia, en eficàcia.


Primer el cop i després el pinçament, l’esgarrinxada
—la sang comença a fer aparició —,
l’esquinçament, la ferida,
el tros de carn al bec en la fugida,
l’atac en massa contra portes i finestres,
la trencadissa de vitralls;
ara ja són dintre, han entrat a la casa,
ataquen els ulls i els perforen.


I el món es torna fosc,
esdevé una sorollada d’aire en moviment,
de xiscles hostils i agudíssims, de frenètic batre d’ales,
de fru-fru de plomes i de cops a les parets,
d’urpades rabioses i picades incansables.


Què queda de nosaltres quan la vista, l’oïda i el tacte
ens neguen així? —amb l’horror, el desordre,
el dolor, la buidor, la protesta.
La nostra derrota potser forma part
de l’ordre del món —de fet, ja ho sabem:
la mort és segura i la vida, improbable.


L’esglai és una forma de tastar la lucidesa.

    ***

Al final de l’escapada
Jean-Luc Godard

Les llambordes, certament, no són bon llit,
ni el mig del carrer és el millor lloc on caure,
ni un tret a l’esquena és una carícia,
però valen per morir,
per deixar aquest món,
per deixar enrere tants cotxes robats,
tant de tabac fred,
tants llits d’ocasió i tantes efímeres noietes.


Per què fugir una mica si podem fugir del tot,
si podem deixar l’angoixa definitivament,
en lloc de limitar-nos a enganyar-la algun moment.
el temps just de canviar de companyia o de ciutat?


Estimar, morir: les úniques maneres de ser nou.
Si veiem, però, que estimar costa tant,
si l’amor nos ens ha volgut o no l’hem sabut voler,
queda encara l’esperança de morir.


Per això,
córrer pel carrer amb una bala dintre el cos,
tentinejant, ensopegant,
arrepenjant-se als cotxes per reprendre un xic d’alè
i guanyar el temps d’uns passos més,
és com córrer per trobar-nos amb el sol amor que ens queda:
la caiguda en el no-res,
la mort de veritat,
l’autèntic final de l’escapada.

    ***

Stròmboli
Ingrid Bergman

En certs moments de la vida,
un home pot ser una sortida,
si no queda cap altre remei.


Et cases amb ell. Se t’emporta.
Al cap de poc temps ja estàs morta
d’avorriment i de fàstic.


Com m’ha passat a mi, ací, en aquesta illa
—horitzons, monotonies, cendres fredes, laves dures,
fam de barques sense pesca en quatre cales malsegures —
entre el foc que senyoreja la muntanya i que trepida
sota terra, aterrador, i el mar que bull en la tempesta,
i que urpeja amb les onades les parets i que enderroca
algun cop alguna casa, i aquest vent eixordador.
No.


No ho podré resistir pas —i la natura no és tan dura
com ho és aquesta gent: afamada, inquisidora,
estúpida, cruel, perseverant com una aranya,
ordidora de paranys i de calúmnies.
Esmoladora de paraules com fiblons,
Urticant com la medusa, verinosa com l’escórpora,
Lasciva en la mirada, bavejant en el petó,
I l’escopinada als llavis com a sola expressió.
No.


No ho podré resistir pas. I fujo amunt, muntanya amunt,
cap al foc, cap a la sola mort sense cadàver
—que seria grapejat pels homes i les bruixes, prou que ho sé,
abans de reposar en la podridura.
Pujo cap al miracle d’una Veu o cap a l’única mort pura.


David Jou i Mirabent

    ***
brève biographie

Né à Sitges (Catalogne) en 1953, il est poète et physicien. Dans sa poésie il a exploré tout spécialement les thèmes scientifiques, religieux et méditerranéens, et de nouvelles formes poétiques où dominent l’aspect visuel qui s’inspirent des formes de la natures. Ses derniers livres sont: Els ulls del falcó maltès. Poemes sobre cinema — Les yeux du faucaon maltais. Poèmes sur le cinéma (2000), Joc d'ombres — Jeux d’ombres (1999), Transfiguracions — Tranfigurations (1998)

    ***
Lueur de tempête

Du livre Jeux d’ombres, 1999

1.
Ces grandes montagnes et le tonnerre qui les inonde
De sons d’orage
Et les éclairs de lumière sauvage
Et catégorique, et la rumeur profonde
Des forêts et des vents et des torrents et de la pluie violente,
Sont pareils à un décor en pleine attente
De mystère, primitif et solitaire.


En plein romantisme — voilà la différence —
Il vous aurait suffit ce seul pressentiment;
Aujourd’hui comme au cinéma, pourtant,
Vous chercherez avec urgence,
La trace ou la présence
De n’importe quel protagoniste.
Eh bien, vous vous trompez, aujourd’hui il n’y a pas de protagoniste:
Ce sont le vent et la tempête et le mystère,
Et non l’homme, tout petit, qui entrent en guerre
Pour un coin éphémère de firmament et de paysage.


2.
Ici et là, dans un mouvement de décors
— La pluie a cessé —, les nuages abandonnent
Peu à peu le ciel, ils se défont, ils se fusionnent,
Ils se font
Silhouette dans le souvenir et, finalement, s’en vont.
Je ne veux pas ici de métaphores: les nuages ne sont pas,
Je le sais bien,
De simples décors en papier ou en soie,
Et je n’ai d’audace ni pour feindre
Ni pour les croire troupeau ou pure pierre:
Il est inutile, pour ce qui me concerne, de compliquer cette affaire.
Aujourd’hui je ne veux qu’aspirer
Au souvenir, abstrait, du mouvement à regarder
— Odeur de terre mouillée —, emporté et plastique,
Et à rapprocher avec des mots
Ce relief aérien dans ce ciel fantastique.


    ***
Napoléon

Hommage à Abel Gance

Un oeil.
Dans l’oeil, un champ.
Dans le champ, deux armées.
L’image des armées
Se fond dans celle de lèvres.
Feu!
Et l’on entend des coups de canon, des hymnes,
Des galops, des bousculades
— mais non les gémissements ni les cris de douleur,
Pas cela:
Ici tout est gloire.
Ici tout est empressement.
Il faut lutter dans toute l’Europe
— quelle démolition de tyrans qui se dégonflent!
Maintenant, l’image est celle d’un aigle:
Des yeux, un bel, un vol
— Comme fond, un hymne,
Toujours le même.
Maintenant, l’image revient sur la terre:
Des colonnes de troupes
—les yeux de nouveau sont humains,
Le bec est devenu des lèvres qui crient:
Feu, et feu encore!
Les drapeaux sont des soufflets
Qui attisent d’autres incendies.
Le nouveau tyran est plus intelligent,
Mieux organisé:
Il crie liberté, il actualise des codes,
Il construit de grands monuments,
Il sait sucer, comme un vampire,
La vie d’une immense multitude.
Des yeux.
De l’acier.
La gloire.

    ***
Le sablier

1
Tout le poids du ciel, comme un silo plein: chaque couche une cueillette
davantage éloignée: comme un entonnoir qui viderait en moi la clarté
d’un ciel très haut et la concentrerait en une incandescence d’heures
simultanées, en une oppression qui broie: c’est le poids, et aussi
la brûlure causée par tant de lumière, par tant d’heures qui ne
seront plus jamais mais qui sont encore lumière, qui
sont maintenant une douleur, un tourment,
qui sont malgré ne pas être
entièrement, qui sont et
qui me font
être.


2
Qui dit maintenant ne dit pas un point de temps, mais l’épaisseur
d’une durée — laissons Einstein et Bergson discuter sur ce point
et vivons nous-mêmes le présent qui nous est offert,
la métallurgie des heures,
le coup de masse qui
rive l’instant,
ici,
sur l’enclume
du futur qui arrive —;
qui dit maintenant dit le
temps que met à s’allumer le cerveau dans une acuité
assez grande pour dire maintenant, et assez grande pour savoir
que l’on vit ce qui ne peut être répété, l’unique, l’authentique, qui
nous sauve, qui mérite être dit maintenant et être vécu avidement.


3
Sommet
— et ensuite,
chaque fois plus,
la chute. Ou bien l’ascension,
si l’on part d’assez bas et l’on n’exige
pas trop à l’espoir. Mais si l’on a connu
l’incandescence, si l’on a déjà été éclair, si l’on
a vécu la gloire d’un moment de plénitude, quel futur
reste-t-il au désir si ce n’est celui de revenir à cet instant
ou de l’habiter toujours? Le reste suppose forcément la chute,
ou être à tout jamais la chute, ou bien la peur de la chute s’il n’est
pas possible de sortir du temps. Après le sommet tout est passé, mémoire
pure: un moment de plénitude peut annuler le temps ou en faire une roue
de nostalgies. Et il faut, à ce moment, sortir du temps: brûler sans brûler,
éternellement, ou brûler entièrement d’un seul coup, et mourir à jamais.


Traduction française de Ricard Ripoll i Villanueva

    ***
Poèmes sur le cinéma, 2000

Du livre Les yeux du faucon maltais,
Poèmes sur le cinéma, 2000

Les oiseaux
Alfred Hitchcock


Cet empire charnel sera poignardé par mil becs.
Mais personne ne le sait, encore.
Les mouettes, comme d’habitude, chargent contre la mer.
L’ordre du monde semble solide, immuable.
Le petit village de pêcheurs, soumis à la routine,
A une couleur de pierre grise et une odeur d’algue.


Là, maintenant, c’est le moment;
Personne ne peut l’imaginer, mais l’ordre
Est sur le point de basculer et de se briser.
Les mouettes commencent à attaquer,
Elles se lancent — d’abord éparpillées — contre les humains
— Ignorés ou dédaignés jusqu’alors —
Et multiplient leur fureur, leur audace, leur efficacité.


D’abord le coup et, après, le pincement, l’égratignure
— Le sang bientôt fait son apparition —,
La déchirure, la blessure,
Le bout de chair au bec dans la dispersion,
L’attaque en masse contre portes et fenêtres,


La brisure de vitraux;
Maintenant ils sont bien à l’intérieur, ils sont entrés dans la maison,
Ils attaquent les yeux et les perforent.


Et le monde s’obscurcit,
Il devient un fracas d’air en mouvement,
De cris hostiles et très aigus, de battements d’ailes frénétiques,
De froufrous de plumes et de coups aux murs,
De griffades enragées et de piqûres infatigables.


Que reste-t-il de nous quand la vue, l’ouïe et le toucher
Nous nient de la sorte? — avec l’horreur, le désordre,
La douleur, le vide, la protestation.
Notre défaite fait peut-être partie
De l’ordre du monde — en fait, nous le savons:
La mort est certaine et la vie, improbable.


La frayeur est une façon de goûter à la lucidité.

    ***

A bout de souffle
Jean-Luc Godard

Les pavés, sans doute, ne sont pas un bon lit,
Ni la pleine rue le meilleur endroit où tomber,
Ni une balle dans le dos une caresse,
Mais cela suffit pour mourir,
Pour abandonner cette vie,
Pour laisser derrière soi tant de voitures volées,
Tant de tabac froid,
Tant de lits d’occasion et tant de fillettes éphémères.


Pour quoi fuir un peu et pas fuir complètement,
Lorsque l’on peut laisser définitivement l’angoisse,
Au lieu de nous limiter à la tromper pendant un temps,
Le temps suffisant pour changer de compagnie ou de ville?


Aimer, mourir: les seules façons d’être neuf.
Si pourtant l’on voit qu’aimer coûte tant,
Si l’amour n’a pas voulu de nous ou si nous n’avons pas su le vouloir,
Il nous reste encore l’espoir de mourir.


C’est pourquoi,
Courir dans la rue avec une balle dans le corps,
En titubant, en trébuchant,
En s’appuyant contre les voitures pour reprendre un peu haleine
Et gagner le temps de quelques pas supplémentaires,
C’est comme courir pour nous retrouver face au seul amour qu’il nous reste:
La chute dans le néant,
La mort véritable,
L’authentique échappée à bout de souffle.

    ***

Stromboli
Ingrid Bergman

A certains moments de la vie,
Un homme peut être une échappatoire
S’il ne reste aucune autre issue.


Tu te maries avec lui. Il t’emporte.
Et peu de temps après tu es morte
D’ennui et de dégoût.


Comme il m’est arrivé, à moi, sur cette île
— Horizons, monotonies, cendres froides, laves dures,
Faim de barques sans pêche dans quatre criques incertaines —
Entre le feu qui domine la montagne, trépidant
Sous la terre, terrifiant, et la mer qui bout au sein de l’orage,
Et qui griffe les murs avec les vagues et qui détruit
Une maison de temps en temps, et ce vent assourdissant.
Non.


Je ne pourrai pas le supporter — et la nature n’est pas aussi dure
Que ces gens: affamés, inquisitoriaux,
Stupides, cruels, persévérants comme l’araignée,
Qui trament des pièges et des calomnies.
Qui affilent des mots comme des aiguillons,
Qui sont urticants comme la méduse, venimeux comme la scorpène,
Lascifs dans le regard, baveux dans le baiser,
Et le crachat aux lèvres comme unique expression.
Non.


Je ne pourrai pas le supporter. Et je fuis jusqu’au sommet de la montagne, bien haut,
Vers le feu, vers la seule mort sans cadavre
— Qui serait tripoté par les hommes et les sorcières, je ne le sais que trop,
Avant de reposer dans la pourriture.
Je monte vers le miracle d’une Voix ou vers l’unique mort pure.


Traduction française de Ricard Ripoll i Villanueva


                                                 ***
Haut de Page triangle

Jover I Rejsek, Sergi

brève biographie

Sergi JOVER I REJSEK (Barcelona, 1950), poète Catalan, a passé son adolescence en Suisse. Il a pu connaître l'oeuvre de Sartre, de Céline, de Verlaine, de Verhaeren, ainsi que les chansons de Brel et de Brassens. A la fin des années soixante-dix, il connut des grands poètes catalans comme Salvador Espriu, Pere Quart, Tomàs Garcés et Joan Vinyoli. Il commence à écrire de la poésie. En plus de l'écriture, il se consacre au théâtre, au cinéma et au dessin. Il a co-traduit une histoire de la III Internationale, de Milos Hajek, La Plaisanterie, de Milan Kundera. Ses derniers livres de poésie sont : Vida meva (Viena, 1999, Prix Joan Llacuna), Ressenya(Amós Belinchón, 2000, Prix Manuel Rodríguez Martínez et Neu fosa (Viena, 2000, Prix "25 avril" Vila de Benissa).

Extraits du recueil Fonte des neiges

                              Madame Kodama à l’aéroport

La mémoire nous ressemblait miséricorde
vers la route verglacée du vieil automne
et Genève était le havre du voyage
(un vol d’or qui fut le terme de ma lignée).


Sous l’ombrage d’argent vif d’une grande colonne
reposait une suave figure mémorable
qui fuyait vers le demain qui fut passé
les yeux vagues et un pâle sourire a la frimousse.


Les deux mains aux doigts petits dormaient ensemble
sur des ongles mal mordues et colorées
d’un bleu gris du même ton que sa toilette.


Sur le sentier des grands sapins de ma jeunesse
je cognais contre l’évidence du tangible
érigée d’aluminium et de séquelles.


(Et j’ai su lier mes songes à l’évidence).

                              Coupable du jadis

Le vent marin peaufine
l’haleine du couchant.
Et toi, si loin encore,
tu tentes de revivre
à l’extérieur de l’être.

                              Chemins inévitables

Par cette nuit d’avril
l’aurore éclate en vain
des rues pétrifiées.
Personne ne te connaît.
Tu longes, l’oeil hagard
(avant d’être reptile)
cachettes sous la peau
vers des enfers bien tendres.

                              Cette nuit je te dirige par mers et plages

Oublie, ma voyageuse ton va-et-vient
de couches imaginaires, cela n’importe.
Le rêve te porte à elle. Suis les sirènes
de boucles interminables jusqu’à l’aurore.

                              Je masque ce que je veux

Mes intentions m’inquiètent.
J’occulte notre énigme:
bien âpre est la réponse
du monde si rigoureux.

                              Peureux j’évoque les neiges d’antan

Perché des yeux aveugles de la mémoire
lueurs du souvenir sans retenue.
Ton corps éblouissant, prudent, arrive.

                              Miracles poétiques

Sur un fil d’araignée
t’enfanteras le jour,
l’appel rêche des corbeaux,
et le bris de la vague.

                              Tu veux encore m’écrire le script

Dès le midi de mes journées
toi, transfuge de la vie,
tu luis tel un mirage évanescent.

Je sens déjà comme tu conformes
ma destinée inexplicable.

                              Final fleur bleue

Oeillets de chair sur ta poitrine
(blanc contre blanc).
Près de l’écume et du cyprès,
tu marchais lourde de silences
les yeux mouillés près de la plage
sur la route longue du cimetière.

    ***

Extraits du recueil Soleil

                              Quand Borges

Parfois je rêve d’un ange trébuchant
qui porte des lettres ouvertes d’outre-mer.
Il laisse sur ma table virginale
les pages de lourds festins déjà entamés
noircis par l’encre lente du copiste,
mouillés des pleurs oiseux nés dans les crânes.


Soudain je reconnais le mandataire
et vif je noie ma main dans l’eau des roses
joyeux de prendre part à l’héritage
de l’homme qui fût heureux parmi les ombres
vivant, sage exclusif, du chant de l’air.


Je prends sur mes épaules l’éphémère,
j’attarde un grain de sable le couchant
et ensemble nous tirons nos cartes pipées.

Présentation et traduction du catalan de l'auteur lui-même

Sergi JOVER I REJSEK
                                                 ***
Haut de Page triangle

Larose, F,

Pendant que...

J'ai soif de merveilleux, d'une présence bleue
le goût de faire l'amour à deux
te serrer dans mes bras et murmurer tout bas
des mots que tu n'oublieras pas
pendant que des étoiles s'allument dans tes yeux
que sur la grande voile j'y souffle mes aveux
pendant que tout à l'heure on se retrouvera
sur la même longueur, l'onde voyagera...
jusqu'à toi...


j'ai soif de ce qui pleut, de tes rires, de tes noeuds
de me blottir en ton milieu
courir tous les endroits où tu as fait un pas
t'ouvrir la mer peu à la fois
pendant que les aurores boréalent les cieux
et du grand livre d'or débarquent les aïeux
pendant qu'à la même heure j'aurai envie de toi
que toutes les splendeurs te couvriront de joie...
et de moi...


quand les étoiles filantes seront à mille lieux
tu sauras que l'absence est le chagrin des Dieux...


F. Larose "DCA!"(septembre 1998)
                                                 ***
Haut de Page triangle

Lavalette, Michèle

Voyage au fond de tes yeux

Quand je voyage dans tes yeux
Comme au coeur d'un lagon de rêve
Où le ciel câline la grève
D'une mousse d'or radieux,


Je découvre des fleurs nouvelles
Aux reflets moirés de saphir,
Frissonnant au moindre soupir
De mon amour, soleil fidèle!

    ***
Si

Si je ne t'avais pas aimé,
Je serais cette terre en friche
Qui n'abrite que des ronciers,
Ignorée des blés d'or,
Des moissons parfumées.


Si je ne t'avais pas aimé,
Je serais ce ciel sans étoile
Toujours gris et borné,
Pleurant nuit après nuit
Ses troupeaux de nuages.


Si je ne t'avais pas aimé,
Je serais herbe sèche
N'ayant jamais fleuri ;
Je serais note de musique
Sans mélodie
Et je serais pantin,
oeil vide et regard mort.


Si je ne t'avais pas aimé...


Mais tu m'as prise par la main
Et dans le nid de ton épaule,
J'ai découvert tous les soleils
Et je suis devenue,
Epanouie,
Vibrante,
Heureuse.


Et je suis devenue
Femme!

    ***
Lorsque tu baiseras le sel de mes paupières

Je vais mourir ce soir
Dans mon lit, dans le noir,
Les yeux fermés, le coeur brûlant et plein de fièvre.
J'aurai le souffle court et des frémissements,
Des plaintes étouffées et des gémissements
Quand, pour ne pas crier, je me mordrai les lèvres.
La sueur coulera le long de mes cheveux
Et, dans l'épuisement des ultimes minutes,
A l'heure de l'envol, à l'instant de ma chute,
Je te murmurerai mon tout dernier aveu :
En cet instant suprême,
Je te dirai: "je t'aime!"


Je veux mourir ce soir
Dans tes bras, dans le noir,
Pour mieux renaître à la lumière
Lorsque tu baiseras le sel de mes paupières.

    ***
Chanson d'amour

C'est d'abord le frisson de toile qu'on étreint
Et le souffle léger d'un frôlement de bouche,
Puis le baiser profond sur la lèvre qui geint,
Le crissement d'un bas sur la main qui le touche.


Et les doigts maladroits qui froissent le tissu,
Les soupirs de désir, soupirs d'impatience
Et le chemin trouvé, le chemin parcouru
Sur la peau nue offerte à la folle appétence.


Puis les baisers glissant sur les courbes des reins,
Puis les gémissements de bien-être et d'attente
Puis deux corps imbriqués en un rythme sans frein,
Les cris éparpillés au feu de la tourmente.


La tempête se meurt lorsque s'en vient le jour,
Les baisers sont légers et les mots sont caresse;
Mais au coeur vibre encor la chanson de l'amour
Et jamais ne mourra cet hymne de tendresse.

    ***
La guitare s'est tue

Depuis trois jours, il n'est plus là, mon petit homme,
Celui qui me donnait hier encor la main
Sur le sentier pentu qui conduit à demain,
Alors qu'il n'était pas bien plus haut de trois pommes.


Et je me sens soudainement vide, tout comme
Un village gelé par l'hiver inhumain,
Un désert oublié sans source ni chemin,
Un horizon lointain qu'un brouillard mouillé gomme.


Un tout dernier sourire à la vitre du train
Et je l'ai vu partir, s'estomper au lointain
Me laissant là, désemparée, inassouvie.


La guitare s'est tue et la maison a froid.
Mais si j'ai dans le coeur un profond désarroi,
Surtout, n'y pense pas ! Va, mon fils, vis ta vie!

    ***
Trente novembre en Dombes

La buse s'est figée au sommet d'un poteau
Comme un rêve de glace, une froide vestale,
Sculpturale, immobile, attentive et royale.
Le givre a teint de blanc les cheveux des roseaux.


Des froufrous de brouillards s'effilochent sur l'eau:
Dans ce léger ballet de fraîcheur hivernale,
L'étang devient mystère et parure d'opale
Et les arbres soudain sont fleuris de cristaux.


A l'horizon lointain, la colline s'enflamme
Des derniers soleils las, saignant à rendre l'âme
Et le monde devient un somptueux décor.


Du bois voisin frissonne un envol de palombes
Qui s'élève et se noie en un océan d'or.
Admire mon ami, regarde: c'est ma Dombes!

    ***
Libre

Au profond d'un ciel grandiose
Où l'or et le noir sont mêlés
En un délire échevelé
D'ocres, de pourpres et de roses,


Son regard fasciné se pose,
Loin des prisons, des barbelés,
Au profond d'un ciel grandiose
Où l'or et le noir sont mêlés.


Au feu de cette apothéose,
Son rêve-oiseau vient s'envoler,
Epousant l'horizon brûlé
En une éblouissante osmose,
Au profond d'un ciel grandiose..

    ***
Pierrot de la Lune

Pierrot de la lune
Ne vient plus le soir
Semer au ciel de mon jardin
Ses bouquets d'étoiles


La pluie de toutes ses larmes
Pleure le printemps
Infidèle


Pierrot de la lune
Prête-moi ta plume
Je vais écrire à tous les vents
Pour qu'ils bousculent les nuages
Je vais écrire aux arcs-en-ciel
Au soleil
Au beau temps


Et le printemps refleurira


Pierrot de la lune
Reviendra le soir
Semer au ciel de mon jardin
Ses bouquets d'étoiles

    ***
La fille du Froid

C'est une fille des grands froids
Dans son lointain pays de neige,
D'hiver et de son blanc cortège
Où le cristal du gel est roi.


Seule en sa tour de glace elle erre, nostalgique...
Elle écoute le vent qui l'assaille, moqueur
Et répète: "Comment peux-tu vivre sans coeur?"
Son coeur? Il est resté très loin, outre Atlantique...


Sa vie est un long chemin gris
Dans les frimas des aubes tristes
Où sa fragile âme d'artiste
Se casse en mille et un débris.


Alors, elle écrit des messages
Bien au-delà des océans
Et pour émerger du néant,
Elle s'invente un long voyage.


Fini janvier: c'est le printemps, ensorcelant,
Qui parsème à l'entour les couleurs et la vie;
Elle scrute le ciel, elle espère, ravie,
Le retour tant rêvé du magique oiseau blanc


Qui l'emmènera près de cet homme qu'elle aime:
Dans le feu du soleil, c'est sûr, il l'attendra,
Elle retrouvera le cocon de ses bras
Dans un baiser au goût d'ardent bonheur extrême

    ***
Ta peau

Douce comme un matin d'avril
Quand le soleil s'ébroue au coeur de la rosée,
Un duvet de poussin, une source irisée,
Une larme-bonheur sur la courbe d'un cil,
Ton subtil tremblement quand mon baiser musarde
Dans le chaud de ton cou, tes battements de coeur
Lorsque au creux de tes reins ma caresse s'attarde,
Ta peau-douceur.


Tel un été, telle une flamme,
Chaude comme une plage aux moiteurs de midi,
Un geste qui s'égare, un frôlement hardi,
Chaude comme ta bouche où ma lèvre s'affame:
Je sais tous ses frissons, je sais tous ses chemins,
J'aime la caresser, houleuse et pantelante
Lorsque ton désir s'offre à l'appel de mes mains,
Ta peau brûlante.


Calme ainsi qu'un étang qui dort,
Limpide après l'enfer déchaîné de l'orage,
Pareille au champ quand à l'aube la brise sage
Parsème de soupirs l'horizon des blés d'or,
Lorsque le corps s'apaise et que le feu décline,
Tout contre moi, tu t'assoupis au petit jour.
Dans le lit dévasté, mon rêve la dessine,
Ta peau-amour!

    ***
Avec le bleu du ciel

Sur ta peau, mon amour, je peindrai mille fleurs
En teintes d'arc en ciel,
Chaudes de ton odeur,
Douces de ta chaleur.
Je les caresserai, je les embrasserai
Toute la nuit, toutes mes nuits
Et je marierai leurs couleurs
Avec le bleu du ciel.


Sur ta vie, mon amour, je peindrai des sourires
En frissons de printemps,
Des sourires de brise aux larmes de rosée
Où flamboie le couchant.
Je te les chanterai, je te les danserai;
Sur ta ligne de main, ligne d'éternité,
Je graverai l'espoir
Avec le bleu du ciel.


Sur l'amour, mon amour, je peindrai des soleils,
De ceux qui brillent tant et tant
Au plus fort de l'été,
Qu'on s'y brûle les yeux.
Et nous y mêlerons nos souffles enlacés,
Nos mains liées
Et nos deux corps soudés
Avec le bleu du ciel.

    ***
Les amants

Les amants ont la nuit pour eux,
Deux corps brûlant d'un même feu.
Dans leur voluptueux naufrage,
Leur passion est une cage
Dans les chaînes les rend heureux.


Insatiables et fiévreux,
Ils sont des esclaves, des Dieux,
N'ont pas d'identité ni d'âge,
Les amants.


Passe le temps, changent les cieux,
A l'heure où l'on se dit adieu,
Quand s'achève le beau voyage,
Alors, ils vont tourner la page
Sur un souvenir merveilleux
Les amants...

    ***
Jusqu'au prochain printemps

Le lac couvert de fumerolles
S'éveille dans l'aube voilée
Par une brume-mousseline


Les arbres
Somptueux
Ont leurs atours
D'automne


Un départ d'hirondelles
Un souffle frais de brise
Et mes mots qui s'envolent
En fumée
Dans le froid du petit matin
Me rappellent l'hiver


Mon amour
Serre-moi
Dans tes bras
Donne-moi
Ta chaleur


Rentrons boire un café
Puis nous nous coucherons
Puis nous nous aimerons
Longtemps


Longtemps
Jusqu'au prochain printemps

    ***
Rêve

Banc de pierre sous le soleil
A l'ombre d'un pin parasol.
Quatre murs blancs, un toit de tuiles
Et la garrigue des cigales
Qui chante dans la touffeur bleue.
Le thym, le romarin sauvage
Imprègnent d'un parfum sauvage
Le baiser du mistral sauvage.
Et la mer berce les rochers,
La mer à la sueur salée
Dans la moiteur des midis-feu,
La mer qui danse sur la plage
Un ballet fou de vaguelettes
Aux larmes blanches de soleil.


Et toi l'amour, l'ami, l'amant,
Dans ce décor imaginaire,
Mon homme-phare imaginaire,
Toi, chimère née de mon rêve
Et toi l'amour, l'ami, l'amant
Qui partages tous mes instants
Avec le ciel, le vent, la mer,
Le banc, les murs blancs, la garrigue...
Nuit après jour auprès de moi
Tu vis le soleil et l'azur,
Comme ce grand voilier lointain
Qui va mourir dans l'infini,
L'infini bleu d'un rêve fou,
La folie de mon rêve fou...


Michèle Lavalette
                                                 ***
Haut de Page triangle

Leigh, Dorothy

Le ventre du Monde

Je suis descendue jusque dans le ventre du monde
pour découvrir qu'il n'y a rien à en dire.
Je ne vois ni n'entends,
ne sens ni ne ressens.
Ce fut une perte de temps.


J'avais imaginé des mers profondes,
des grottes froides ou des courants chauds,
des lames ruisselantes et des sonorités troublantes,
des bruits et des silences,
de vagues échos trouant l'opacité. . .


J'avais rêvé de circonvolutions et de jeux aquatiques
me métamorphosant en une sirène
à la semi-nudité dénuée d'obscénité,
à la chevelure d'algues marines et aux lourds colliers de corail,
aux hanches et aux jambes lustrées d'écailles vertes et turquoises. .


Sans doute la faute au commandant Cousteau !
Pourquoi le ventre du monde serait-il plus beau que sa peau?
Qu'ai-je à faire des entrailles de l'univers?
Dedans ou dehors, c'est la même toile, avec ou sans étoiles. . .


Et je reste épinglée à la même existence,
condamnée aux mêmes échéances,
aux prises avec les mêmes exigences. . .
L'oeil ne voit que ce qu'il croit. . .
ou n'est-ce pas plutôt l'inverse?


Qu'importe, oui qu'importe le côté de la veste.
Envers / endroit, en fer en bois. . .
Mère amère dans la mer je me noie.
Autant remonter à la surface,
regarder la vie en pleine face.
Retourner dans l'enceinte de la terre
ne changera rien à l'affaire.


Je ne saurais refaire le monde
et je n'écrirai pas non plus les "Mémoires d'outre-tombe".
N'ayant ni château ni brillants,
je laisse au vicomte de Chateaubriand ce genre d'écriture testament.
Mes mots à moi n'auront jamais cours à la cour.


Ce sont des mots de tous les jours,
pour dire mes maux au jour le jour.
Pour épeler le dur et le difficile,
les amours qui ne tiennent qu'à un fil,
l'espoir qui s'enfuit, qui s'envole,
qui revient pourtant même quand on croit devenir folle. . .


Paroles, paroles. . .
autant de bouées auxquelles se raccrocher
quand les pensées dérapent,
quand la souffrance décape,
quand le vernis ternit. . .


Elles me ramènent à l'état brut,
où tout reste à faire et à refaire, encore une fois.
C'est une des lois de l'univers:
rien ne finit dans l'infini, et le centre n'existe pas
puisqu'on ne peut le fixer nulle part.


Voilà où m'a menée mon périple au coeur de la matière:
pas de centre,
que des cendres
qui entourent la braise de laquelle tout s'entête à renaître
indéfiniment. . .

    ***
Insubmersible

À la dérive du délire
À l'instant où mes saisons chavirent
En subterfuge du transfuge
Tu transcendes la transhumance

Mes plaines pleines
Écrasées de chaleur
Dévorent la moindre vapeur
Des moindres buées d'eau de peine

Luminescence en quintessence
Où le non-sens exsude l'essence
Des herbes folles qui s'étiolent
Dans ma raison qui dégringole

Telle une aquarelle de moi fragmentée
La moelle de mon âme à jamais fracturée
Je jette ma vie aux enchères

Et pendant que mes espoirs en jachère
Ligaturent ma chair
Le temps liquéfie
Poussières et débris

Obstinément passionivore
Demain j'irai cueillir la passiflore ...

    ***
Crépuscule

Lorsqu'à pas de loup s'avance la nuit
Que les oiseaux s'endorment bien à l'abri
Que la terre des fleurs laisse s'exhaler les parfums
Et que les bruits se dissipent un à un


Quand ne subsiste pour tout mouvement
Que le froissement des feuilles sous le vent
Dans l'obscurité qui lentement descend
Comme un dôme sur la ville tranquille


Tel un fantôme subrepticement
Ton souvenir vient rôder
Me tarauder et me hanter
Me retourner encore une fois les sangs


C'est l'heure maudite où le mal se réveille
C'est l'heure bénie pour mon pays des merveilles
C'est l'heure des rêves couleur vermeil
C'est l'heure à nulle autre pareille


Celle où ton souvenir se rappelle plus fortement à moi
Celle où je me rappelle plus chagrinement de toi
Celle où tu m'appelles plus intensément à toi
Celle où je n'épelle constamment que TOI, TOI, TOI ...


Et la douleur se fait douce amère
Qui lacère mon coeur —  Rayon laser
Aigu et précis comme une lame
Qui déchire mon âme


Élancement pourtant préférable à l'oubli
Puisque marquant ta présence, ton emprise
En te retenant encore un peu
Juste un peu encore dans ma vie


Dans mon esprit que tu ne cesses d'occuper
Solidement ancré que tu es dans mes pensées
Et dans le grain même de la matière
Où je te rejoins, toute entière
Plus tard les vapeurs de la nuit s'en iront
Effaçant toute trace de mes insomnies
Un nouveau jour triomphant s'imposera
Un autre jour interminable sans toi ...

    ***
Depuis que t'es parti ..

Depuis que t'es parti
On n'entend plus un bruit
Toutes les maisons sont vides
Même le soleil est livide
Depuis que t'es parti
Même le soleil est livide
Les étoiles se sont éteintes une à une
Il n'y a plus un chien pour hurler à la lune


Depuis que t'es parti
Il n'y a plus un chien pour hurler à la lune
Les arbres sont rabougris
Et le ciel est toujours gris


Depuis que t'es parti
Le ciel est toujours gris
L'air que je respire à peine est lourd de reproches
Et les fleurs poussent tout croches


Depuis que t'es parti
Les fleurs poussent tout croches
Les papillons et les abeilles ne s'y posent plus
Tout reste atrocement sec même quand il a plu


Depuis que t'es parti
Tout reste atrocement sec même quand il a plu
Le temps s'écoule à l'envers, comme à rebours
C'est le décompte des heures du désamour


Depuis que t'es parti
C'est le décompte des heures du désamour
Rien ne sert de gémir, il faut serrer les poings
Rien ne sert de vieillir, il faut mourir à point

Dorothy Leigh©
                                                 ***
Haut de Page triangle

Lussier, Hélène

Renaissance

Là où les bulbes s'émoustillent
Taquinant l'herbe endormie
Le pelage de l'hiver vibre secrètement
Les sons de la nature promettent cette nouvelle chorale
Aux arbres qui dégèlent
Bourgeons frémissants en équilibre
Épris de froidure
Vertige des saisons en duel


Les oiseaux en spectateurs se souviennent
De ces nuitées enjôlantes
Où tel un reposoir le berceau du vent
Souffle ces sérénades promises
Et gracieusement dans les bras nuageux du ciel
Sous l'oeil attentif de l'ère du temps
Il valse la renaissance
Brises espérées, brises attendues


D'or scintillant sont parés
Les nouveaux habits du soleil
Paisiblement il se recueille
Au-dessus des vestiges de l'hiver
Qui se noient dans l'oubli
D'une prunelle pantouflarde
Il perçoit l'harmonie orchestrée
Que la nature offre au printemps


Hélène Lussier©, 13 mars 2001

    ***
À terre ouverte

Affaiblie d'ecchymoses profondes
Elle consulte son coeur d'injustices tailladé
Partout sur ses continents des traces de ce petit monde
Dégoulinant d'ambition démesurée
Douloureux chagrin semé par les hommes
La terre pleure en elle un fléau incurable
Cicatrices empoisonnées de toutes formes
Où des desseins de vengeances condamnables
L'effleure à ces endroits
Qui n'ont pas encore été souillés
Et de son âme sans force ni loi
Lasse de prier, renonçant même à s'excuser
Du mal qu'elle va causer, et de ce trop plein de souffrance
Qui sans cesse la caresse de venin.
Seule et sale, détruite sous la cadence
Des saisons révoltées en vain
L'amour qu'elle avait pour nous
S'en est allé peu à peu
Mais qui se préoccupe de ce trou?
Provoqué par nos faiblesses, que le coeur a déserté vers d'autres lieux
Perdue de détresse en contemplant sa propre nudité
Que tous les nuages violent à leur tour
Secouée de dégoût, elle se met à trembler
Pêcheurs corrompus, engloutis à jamais dans cette fente de sourd


Hélène Lussier©,4 février 2001

    ***
Volupté éternelle

Dans notre sillage l'île amnésique du temps
Où toutes ces saisons déballées en broussailles
Ont effleuré un amoncellement de caresses
Humant au passage des vertiges passionnés
Savourant des rivages que je n'ose exhiber


Enchaînée au littoral de ton corps baigné de quiétude
Les odeurs de l'amour m'obsèdent
Corps immobile fracturé d'épuisement
Entre les branches de ton corps
Mon feuillage de désir se consume sous le méandre de ton doigté


Givrée de sommeil dans l'enclume de tes bras
Des perles d'amour sillonnent mes courbes
Pareilles aux caresses de la pluie sur mon visage
Ou à la bruine de ta jouissance glissant sur ma chair
Quand donc ai-je commencé à t'aimer? Hier, aujourd'hui ou demain?


Hélène Lussier©,21 février 2001

    ***
Épilogue

Bercées par des fresques indéchiffrables les saisons se sont endormies
Hors des frontières de toute volonté elles se tourmentent


Les bourgeons qui naissent aux abords du printemps ne sont pas au rendez-vous
Provoquant la déroute de tous les oiseaux migrateurs
En brouillant leur itinéraire


L'astre puissant qui règne sur l'été s'est majestueusement anéanti
Semant un désordre inimaginable au travers des cours d'eaux
En pillant la nature de sa béatitude


L'automne vacille de fièvre sous un manteau de brise tiède
Crachant ses irrégularités climatiques aux quatre vents
En feignant de ne pas reconnaître son trouble


Et l'édredon glacial de l'hiver n'est plus que lambeaux
Privant l'univers de sa protection
En le laissant agoniser à nu


C'est impensable! Néanmoins, c'est ainsi que la vie va s'éteindre


Hélène Lussier© 11 décembre 2000
                                                 ***
Haut de Page triangle

Maggy

à Tom

J'ai écrit ton nom
sur le sable du rivage
mais quand la marée a monté
il s'est effacé.


J'ai gravé ton visage
sur l'écorce de l'arbre
mais l'écorce est tombée
et ton visage s'est effacé.


Ton odeur, dans une fiole
j'ai voulu emprisonné.
J'ai eu le malheur de l'ouvrir
Et ton parfum qui m'était si familier
s'est dilué


Lorsque je suis gelée
j'essaie de me rappeler
la chaleur de tes caresses
mais le vent souffle
Et il me force
î tout oublier


J'ai finalement décidé
d'ouvrir la porte de mon coeur
et d'y graver î l'encre dorée
le nom de mon bien-aimé.


Si je meurs
ouvrez la porte de mon coeur
et vous y verrez ceci gravé:


TOM, JE T'ADORAIS,
T'ADORE
ET T'ADORERAI À JAMAIS


Maggy
                                                 ***
Haut de Page triangle

Manuel

De sympatias...

De ciudates en donde
A través de la niebla,
Un as del sol pierde la luz


Cuando las calles se muevan con el influjo
del redondo mecanismo del reloj, los gatos
arañarán, estirando su fuerte zarpazo feroz,
Cuando las calles oculten con brazos de
asfixia la tierra tendida, no habrán mas que
relámpagos en los labios y ninguna voz
que salte y sobresalga de aquel pozo de miel,
Cuando las calles ubicadas incorrectamente
no hablen, ni digan queja, será un triunfo de
nudillos apresados entre venas y aguas.


Manuel

    ***
Heures Félines...

À travers le brouillard des villes
une percée de soleil s'évade


les rues bougent autour de l'horloge
les heures félines
d'un coup de griffes
égratignent féroces les rues
de leurs bras
enserrent la terre asphyxiée
rues silencieuses égarées
sans voix ni reproches
nouées englouties dans les veines
dans les eaux
d'un puits de miel
triomphant


Merci à Marybé pour la traduction littérale du poème De Sympatias
et à Huguette Bertrand pour avoir créé la version française poétique
                                                 ***
Haut de Page triangle

Marianne

La légende d'Orphée revisitée

                              L'amour, l'univers et vous

J'ai toute ma vie eu le sens de l'immatériel. Lorsque je regarde une fleur, une simple fleur, je ne regarde pas simplement l'aspect de la fleur. Bien sur, j'apprécie sa beauté et les effluves de son parfum. Mais je cherche toujours à percevoir plutôt la vie qui l'a créée. Je l'apprécie en tant que telle pour sa beauté, mais je m'exalte surtout à la simple idée du mécanisme si compliqué qu'il a fallu mettre en oeuvre pour offrir un spectacle si simple, si dénué de d'apparat et de fioritures et si intrinsèquement beau.


C'est cela le miracle de la vie. C'est l'existence de la fleur, tout comme notre existence et celle des milliards d'êtres humains, d'animaux et de végétaux qui peuplent cette planète. Par delà notre simple perception de la vie, c'est l'existence de l'univers tout entier qui vient boucler la quadrature et constitue le grand cercle de la vie. Et dans cet harmonieux ensemble, l'amour est la force qui unit, qui exalte les forces de vie. C'est la force qui est à la base du matériel, du spirituel, de l'univers tout entier. C'est l'amour, l'amour universel dont nous sommes tous dépositaires, dont nous possédons tous une étincelle qui s'exprime à travers le matériel et l'immatériel et qui nous relie à l'univers tout entier. C'est cette force si belle et si violente et qui trouve mille expressions à travers toutes les formes de vie qui fait que nous procédons du même miracle de vie, nous appartenons tous au même mouvement céleste, nous sommes tous partie prenante du grand mouvement céleste et de l'univers qui lui a donné naissance.


Je sais que vous et moi sommes liés par plus qu'un simple amour terrestre. Le temps ne me fait pas peur. La vie, matérielle ou immatérielle non plus. Je sais que cela procède d'un tout. Les repères temporels ne sont que les marques matérielles dont nous avons besoin pour nous situer dans le cours de notre vie.


L'esprit scientifique procède lui aussi du même raisonnement. C'est exactement la même démarche. Qui sommes nous? D'où venons nous? Qui nous a créés? Que faisons-nous là? Comment tout cela fonctionne-t-il? Existe-t-il une force créatrice, ou une conscience qui se situe à la base de tout, à la base de l'Univers? Dieu, ou le Big Bang, finalement ce sont que le mots qui changent. Une simple affaire de terminologie. Les dignitaires religieux interprètent cela de façon dogmatique ou philosophique, selon qu'ils sont politiciens ou théologiens, et les scientifiques de façon matérialiste ou philosophique, selon qu'ils sont matérialistes convaincus ou scientifiques à la vision plus étendue. La vie est le grand miracle de l'univers et les interrogations des hommes perdureront tant qu'il y aura matière à s'interroger sur nos origines et tant que le doute et la curiosité seront les moteurs qui nous poussent à rechercher toujours plus loin les origines de notre univers.


Chacun apporte sa pierre à l'édifice. Chaque être en ce monde est le dépositaire plus ou moins conscient de l'amour universel. Chaque particule de matière possède en elle une étincelle divine et la marque profonde de ses origines. Et tout cela forme un tout cohérent dont nous ignorons les desseins, dont ne connaissons réellement les tenants et les aboutissants mais que nous cherchons toujours à découvrir, toujours plus loin, dans toutes les formes et toutes les expressions de la vie. Dans ce grand tout qui nous relie les uns aux autres, chaque être fait son chemin, chacun s'exprime à sa manière et tout être mérite a priori respect et amour par le simple fait de son existence qui le relie au miracle de la vie, en fait de lui un acteur unique et potentiellement beau.


Dans cet univers nous nous situons vous et moi, à la croisée des chemins. Dépositaires d'une semblable étincelle d'amour universel, nous cherchons à nous unir pour ne former plus qu'un.


Marianne©

                              Sensation d'irréel

Je suis dans la rue, je suis chez moi, je sors de l'église de Ménilmontant. Au fond de l'église, devant la chapelle de la vierge et de l'enfant si belle et si solitaire, sur un banc, est assis un homme. Un mendiant ou homme de la rue de son aspect, jeune pourtant, avec une longue barbe noire et un air de sage sorti d'une parabole orientale. Il est assis là, seul. Je chemine, à l'intérieur de l'église et, parvenant à hauteur de la chapelle, m'assieds à quelque distance de lui, sur le banc. Il respecte ma présence, comme je respecte la sienne. Habituellement, la moindre âme qui vive me fait fuir et je reprends ma marche pour me donner l'air de visiter les lieux. Là c'est différent. Je reste assise un moment, contemplant cette séculaire statue. Puis je me décide à me lever enfin, vainquant ma timidité et ma peur du ridicule qui n'a pas lieu d'être en cette occasion. Je m'approche de la statue qui rayonne dans toute sa beauté, les yeux grands ouverts. Je la regarde fixement sans baisser le regard.


La lumière s'amoncelle bientôt autour de l'image qui se déforme, et je la vois bientôt s'animer. Bien sûr, je sais pertinemment qu'il s'agit d'une illusion d'optique, mais je reste là, sans sourciller. Je me laisse aller à une détente et un bien être qui peu à peu m'envahissent. La lumière perçante qui se concentre autour de l'image pénètre bientôt en moi. Je baisse les yeux, je regarde mes mains. Tout comme la statue qui me contemple, elles rayonnent d'une même lumière qui les traverse de part en part et sont devenues presque translucides. Matière et esprit se confondent et je me sens bientôt pénétrée d'un flot d'amour pur et immaculé qui exalte mon âme et fait briller la matière jusqu'aux tréfonds de mon corps.


J'entends des pas. L'homme est parti. Je m'échappe après avoir jeté un dernier regard à la statue, complice de mon émerveillement. Je suis maintenant dans la rue. Le brouhaha des voix et le vacarme des moteurs qui vrombissent ne me concernent pas. Je suis dans un nuage, portée par l'air ambiant et la sensation de votre présence ou plutôt de l'amour universel qui se réalise à travers vous et vient solliciter en moi cette divine étincelle qui procède du même éclat d'inspiration éthérée, du même mouvement perpétuel, de la même brillance céleste. Je me trouve en état de communion intime avec la matière alentour et le ciel, l'air et les astres forment autour de moi un tout en mouvance qui procède du même mouvement universel.


Plus tard, dans le silence et la solitude de la nuit; dans l'après-midi lorsque l'intellect se concentre et que jaillissent un à un en mon esprit les concepts d'une formalisation mathématique de haut vol, le même phénomène se produit.


Marianne©

                              Par delà la symphonie des mondes irréels

Lorsque le quotidien relâche son étreinte, il est de ces instants magiques où seul l'Amour enfin dégagé des contraintes matérielles du temps et de l'espace donne aux êtres une resplendiscence toute particulière. C'est alors que tels des âmes désincarnées, nous nous mêlons dans un monde hors du temps où la seule conviction de notre foi mutuelle l'un en l'autre nous conduit à partager une étincelle d'Eternité.


O chère âme, se pourrait-il que vos images transfigurées rejoignent mes rêves éveillés lorsqu'enfin seule, au beau milieu de la multitude indifférente ou dans la quiétude profonde de la nuit, votre image soudain s'impose à moi et il me semble entendre votre voix. Ainsi comme une symphonie que nous jouons d'un seul et même accord je ressens l'appel de votre Etre dégagé de ses mortels attraits et nous nous élevons ensemble vers un monde où accordés sur le même diapason nous traversons des cieux enchanteurs, vibrant à l'unisson pour parvenir enfin dans un univers où nous nous mêlons pour ne former plus qu'un.


Ainsi ces cieux enchanteurs où nous nous rejoignons, vos visions de cathédrales, c'est à travers le prisme d'un univers éloigné, dans l'harmonie de la symphonies des mondes irréels et distants la perception imparable de l'appel de l'âme soeur. Ainsi l'Amour dégagé de ses charnels attraits est le seul repos que la perception de votre être puisse apporter à mon âme éveillée. La notion de votre existence suffit à mon bonheur.


Je ne crains plus la vie, je ne crains plus la mort, je n'ai plus peur de rien, car désormais, je sais que quels que soient les orages et les astreintes matérielles de notre vie terrestre, il est des mondes où nous pourrons toujours nous retrouver.


Marianne©

                              Une prière

Je demande à Dieu que sa volonté soit faite, que la manifestation de l'amour universel à travers nos êtres si fragiles en ce monde ne soit pas galvaudée par les nécessités matérielles de ce monde. Je demande à Dieu de demeurer en nous et de ne pas nous abandonner. Jamais. Je demande à Dieu que la manifestation de son esprit se fasse à travers nos actes. Je demande à Dieu enfin, que la continuité de cet amour puisse s'exercer au-delà des repères temporels de notre monde, et tienne compte aussi bien de la manifestation du passé que de sa projection dans l'avenir temporel et intemporel. La chapelle de la vierge et de l'enfant isolée au fond de cette église de Ménilmontant où je puis aller prier, cachée aux yeux de tous, les vitraux de Chartres, portent en eux le même symbolisme fragile et si profond qui nous rapproche un peu plus de l'Eternité. Que sommes-nous en ce monde? Des êtres surgis de nulle part? La réalité matérielle de ce monde est-elle tangible? Je vous aime, Raphaël. Je vous aime en réalité depuis toujours. Je vous aime pour la réalité insaisissable de notre conscience immatérielle. Je vous aime pour la chapelle de la vierge et de l'enfant qui a su garder et révéler le mystère de notre amour. Je vous aime pour les vitraux de Chartres qui ont été témoins d'une vision dont la puissance restera à jamais gravée en moi. Je vous aime au-delà de toute logique, au-delà de toute raison et c'est ma vérité.


Marianne©

    ***
La légende d'Orphée revisitée(2)

                              Lettres ouvertes entre Marianne et Raphaël (voir : Zacharie de lzarra, Raphaël

Raphaël,

Vos mots d'amour sont les plus beaux qu'il m'ait jamais été donné de lire. Ce sont les plus beaux qui m'aient jamais été adressés. Vos mots d'amour trouvent en écho dans mon coeur semblable pureté à celle que vous exprimez de façon si intense. Je vous aime Raphaël. Je vous aime comme je n'ai jamais aimé. Je vous aime car je vous ai senti. Je vous aime car je ressens au fond moi cet écho unique d'une résonnance parfaite qui répond à votre amour. Je vous aime car nous partageons les mêmes émotions. Je vous aime car votre âme est semblable à la mienne. Elle est le reflet de l'amour. Je vous aime car nous partageons au fond de nous l'éclat d'une même étincelle d'Eternité. Je vous aime car nos sensibilités s'accordent et se répondent sur un même diapason parfait. Je vous aime d'un amour total, violent, envahissant et de chaque instant. Il n'est un seul instant de cette vie que je ne partage avec vous en songe comme à l'état de veille. Je vous aime car je vous reçois, entièrement, totalement et sans condition. Je vous aime devant l'Eternel, pour cette vie et pour les siècles à venir.

Marianne©

                              Un peu d'humour

Raphaël,

Vous écrire me coûte, autrement plus qu'à vous. Je ne parle pas d'argent puisque en substance ce n'est pas moi qui paie.


Je veux dire par là que le prix de l'abonnement, sort effectivement de ma poche, ce qui reste douloureux. Néanmoins, les heures de connexion ne sont pas comptabilisées sur le réseau câblé, comme se doit de le savoir tout quidam un peu au fait des spécificités techniques des connexions sur le net. Il m'est donc aisé de vous écrire à peu de frais. C'est peut être ce qui justifie de ma part une débauche de littérature tant immorale qu'insignifiante, car vous écrire ne me coûte rien.


Pourtant cela me coûte. Cela me coûte beaucoup. Cela me coûte énormément, même. Je parle ici d'un coût non quantifiable et qui pourrait s'apparenter à ce qu'on appelle communément le"facteur humain". Pour vous écrire il me faut réfléchir, pour essayer de trouver le mot juste, et la pauvreté de mon vocabulaire alliée au peu d'éducation qu'on m'a dispensée pendant ma scolarité font pour moi de cet exercice une véritable torture. Je me perds dans les méandres de la langue et des formulations alambiquées pour finalement ne parvenir à obtenir qu'un texte qui n'atteint même pas son but et dont la qualité ne me satisfait jamais. L'investissement cérébral n'est certes pas quantifiable, mais O combien douloureux.


De plus, non seulement il me faut faire un effort pour vous écrire, mais le respect des conventions sociales et de la civilité m'oblige à lire vos réponses. Pour être franche cela dure depuis trop longtemps et sincèrement cela commence à me peser. Je voudrais bien pouvoir mettre un terme à cette correspondance, mais prise dans la spirale des aller-retour de questions-réponses je ne sais comment procéder pour ne pas avoir l'air incorrecte. L'incorrection en elle-même ne me dérange pas et c'est uniquement le respect des apparences qui me préoccupe. Il faudra donc bien trouver un moyen d'en finir avec cet investissement coûteux tant pour mon employeur que pour mes ressources cérébrales. Et le plus tôt sera le mieux.


Au moins, les épanchements spirituels de l'âme pendant le sommeil ne coûtent rien. Le sommeil repose. Il prépare au travail. Et lorsqu'on se réveille de bonne humeur après un rêve agréable on n'en est que plus productif. Les vertus du sommeil (la nuit bien entendu) devraient être enseignées de façon beaucoup plus large. A l'inverse de la licence charnelle, le sommeil repose et prédispose le travailleur à donner le meilleur de lui-même à son entreprise. Il est en fait beaucoup moins coûteux et moins consommateur de temps, d'argent et de formules alambiquées qu'une communication écrite aussi ridicule que dénuée de sens.


L'esprit a la vertu de ne point mot dire. Ses manifestations ne sont point vérifiables, et ne causent aucun tort à la bonne marche de la société. De plus, la sensation diffuse de sa présence tant que celle de son existence, prédispose le citoyen à prêter une oreille favorable aux excellents préceptes de la religion, qui, comme chacun sait est l'antichambre de la morale et l'opium du peuple.


Marianne©

                              Réponse à une proposition

Raphaël,

Votre humour, cher amour, votre humour, dis-je, a au moins pour vertu salutaire de détendre l'atmosphère et de nous faire redescendre sur terre: et même s'il nous est plus facile de dissimuler en juste société l'ardeur apparente d'un désir bien naturellement partagé, la subtilité d'une évocation suggestive a généralement pour résultat d'en accroître le feu plutôt que de l'apaiser.


La juste ardeur de votre convoitise me flatte et m'honore. Vous n'êtes pas peintre dites-vous et même si la force et la violence naturelle de ma passion ne m'ont pas poussée à prendre le voile, il est vrai que l'évocation imagée d'une virilité difficile à masquer se serait pourtant bien accommodée d'une palette plus nuancée. Je rends hommage à la force et la violence directe de votre propos, qui, ne nous y trompons pas sont le signe d'une passion devenue dévorante, et que je partage, vous le savez.


Vous n'aimez pas les enfants dites-vous. Et même si je ne veux pas me lancer dans un débat de fond qui nous mènerait au delà de la légèreté de ce propos, je me demande simplement quelle femme, Vénus ou bergère, peut aduler longtemps un appendice dont la virilité se limiterait à la production d'une stérile semence. Je ne connais pas de femme dont l'ardeur et la passion ne soient avivées par le souhait, le risque, voire le danger, de participer un jour au grand frisson de la création.


Avouez-le franchement. L'aveu de ma faiblesse vous flatte et il faut bien qu'une porte soit ouverte ou fermée. Et précisément si la violence du désir que vous manifestez est très justement partagée, l'attitude que vous me suggérez d'adopter est par contre proprement abjecte et révoltante. Je situe la vertu au delà des apparences et de la bienséance, quelque part dans une région de l'intellect dont la violence de votre tempérament semble vous avoir volontairement fait oublier l'existence. L'honnêteté intellectuelle est mon principal défaut, vous auriez dû le comprendre et c'est un trait de caractère dont vous me semblez cruellement manquer. La duplicité dont vous me demandez de faire preuve me fait horreur. Et sur ce point, je serai moi aussi sans nuances: je ne me compromettrai pas.


Marianne©

                              Jeu dangereux

Raphaël,

Le jeu se termine et j'ai gagné. J'ai gagné sur toute la longueur. Ma victoire est totale, absolue et sans partage. Vous n'avez plus qu'à déposer les armes à mes pieds en saluant votre nouveau maître. Le maître absolu de votre coeur et de vos passions. Je vous ai possédé, j'ai usé de tout mon talent pour vous convaincre de m'appartenir et maintenant vous êtes à moi.. Vous êtes à moi corps et âme pour toujours et jamais vous ne pourrez vous défaire de mon image. Vous ne pourrez jamais, jamais m'oublier. Mon image s'est insinuée dans votre pauvre esprit jusqu'à faire corps avec lui. J'ai envahi votre imagination. Et c'est là aussi que se situe votre victoire, infiniment plus subtile que la mienne. Celle de l'esclave sur son maître. Mon image vous appartient pour toujours et je ne peux rien y faire. Je fais désormais partie de vous.


Mais s'agit-il bien de cela? Ne sentez-vous pas Raphaël, la piqûre mortelle de l' infect aiguillon de l'amour? Le verbe n'est-il pas une action en germe? C'est votre credo n'est-ce pas. Vous seriez-vous laissé enserrer dans un monde ou la perversité servile de l'élève vient à sublimer en intensité celle de son maître? N'est-ce pas là la preuve absolue de la toute puissance du verbe, votre seul et unique divinité en ce monde, celle à qui vous avez tout sacrifié.


Je vous ai cédé sur tout, tout en ayant l'air de ne pas vouloir, je me suis peu à peu faite vôtre jusqu'à l'extrême. Je vous ai appartenu et vous avez cru en mon amour pur, total et sans partage. N'aurais-je pas renoncé à tout pour vous? Ne vous aurais-je pas suivi jusque sur les sentiers de l'inconcevable? Ne vous ai-je pas donné l'illusion de l'amour jusqu'à vous demander de venir me rejoindre? Ah les accents sincères de l'intégrité violée qui crie pour ne pas déposer les armes dans une lutte sans pitié entre l'amour et la raison! Le corps à corps acharné de l'amour et du désir qui donne naissance à la passion. Vous y avez cru Raphaël, vous m'avez crue à vous. Je vous ai appartenu dans l'âme, vous avez savouré votre victoire. Maintenant pleurez! et l'étrange saveur amère et salée de vos larmes viendra creuser votre plaie.


Faire croire que l'on croit... Nous sommes des artistes Raphaël, des esthètes de l' imagination, des virtuoses de l'amour, des équilibristes des passions les plus violentes. Je contemple mon oeuvre et je suis heureuse. Vous êtes mon oeuvre. N'est-ce pas quelque part ma façon à moi aussi de vous appartenir? Vous étiez-vous réellement pris au jeu et est-ce réellement important de le savoir? Votre victoire à vous aussi est réelle. Elle est la contrepartie de votre soumission, car elle s'est insinuée au fond de vous et malgré vous, Raphaël, vous m'avez aimée. Vous avez rêvé mon image, vous avez senti ma passion, vous m'avez entendu vous appeler par delà les mondes irréels et je vous ai fait rêver. Cette allégorie à la puissance du rêve est la plus belle histoire que nous aurions jamais pu nous raconter. Elle scelle l'union secrète du rêve et de l'imagination dans sa victoire absolue sur la raison. Désormais, je puis être heureuse et savourer mon triomphe: vous serez à moi pour toujours.


Mais au fait... était-ce vraiment un jeu?


Marianne©

                              Chère âme,

Vous avez voulu jouer avec le feu. Vous voilà brûlé au troisième degré. Qu'il est triste le gris de cette chambre d'hôpital de province. Qu'elle est effrayante, au dehors, l'ombre à peine perceptible de la faux se confondant avec le mouvement continuel des branches par cette fin de journée orageuse.


Soudain, un rayon de soleil. L'ombre s'étend, comme portée par la lumière que pourtant elle devrait fuir. Mais quand elle a choisi sa nouvelle proie, quand elle a choisi d'effleurer de la pointe tranchante de sa faux, les lèvres de son nouvel amant rien ne peut plus l'arrêter. La pointe de la faux traverse la vitre encore humide des larmes du ciel, pour venir effleurer les draps du jeune-homme endormi. Elle précède de peu le spectre effrayant de la grande dame, qui se présente au dehors portée par un dernier nuage noir avant le coucher du soleil.


En silence elle s'approche de lui. Il a piètre allure dans son lit d'hôpital. Pourtant la fraîcheur de sa jeunesse est encore visible entre les bribes de peau brûlée. Il rêve à ses amours déchues. Il rêve à ce qu'il aurait pû être et n'a jamais accepté de devenir. Il rêve à tout cet amour dont il aurait pu abreuver son âme en quête d'Éternité. Lorsqu'il a cherché à fuir sa dernière amante, la plus pure, celle qui lui était destiné, celle qui l'accompagnait en songe comme à l'état de veille, celle qui jamais ne le quittait, il a signé de son sang son passeport pour l'éternelle douleur.


L'éternel fourneau ne s'éteint jamais, l'éternel supplice ne se terminera jamais. Au feu infernal de l'inconstance, de l'éternelle indécision, de la frivolité, il s'est définitivement, inexorablement brûlé. C'est ce jour-là qu'il a décidé de se donner à elle, à la grande dame qui l'attend au pied de son triste lit d'hôpital de province. Sa décision hélas est sans appel, sans retour possible en arrière. Oh! il ne l'a pas fait volontairement, il n'en est même pas conscient. Il rêve encore à tout ce qu'il n'a pas eu, à toutes ces chances qu'il a refusé de saisir. A tout ce qu'il aurait pu faire, à celle qu'il aurait pu aimer, à tout ce qu'il aurait pu être et ne sera plus jamais.


Imperceptiblement, la pointe de la faux vient effleurer les lèvres de notre jeune inconstant au coeur pourtant pur. Une goutte de sang jaillit que la grande dame recueille sur son voile noir tâché du sang de tous ses amants. Une dernière goutte de sang volée sur un lit d'hôpital et tout est fini.


Tout est fini. Du moins le croit-elle. On ne l'a jamais bernée la grande dame. Aucun de ses amants, aucune de ses victimes n'a jamais protesté. Elle a le pouvoir de les faire taire, pour l'Éternité. Elle s'apprête à quitter les lieux, satisfaite de sa dernière conquête, emportant dans son triste manteau, l'âme du nouveau défunt sur la route grande ouverte de la douleur et de la repentance.


Mais elle a oublié un détail. Bien sûr, elle ne pouvait pas l'apercevoir dans la lumière du dernier rayon de soleil. Ses yeux ne sont pas faits pour la lumière. Elle ne l'a même pas regardée, la grande dame, elle ne l'a même pas vue.


Forte, animée d'un amour sans faille, elle se tenait là, lumière invisible et rayonnante, prête à le suivre jusque dans l'infernale chaleur des fourneaux de Satan. Prête à l'accompagner sur la route sinueuse de la douleur et de la repentance. Prête à éclairer son âme du dernier rayon de soleil de son amour, le plus pur, le plus lumineux. Prête à tout pour le sauver, pourvu qu'il l'aperçoive, pourvu qu'il se rende simplement compte de sa présence.


Sur la route infernale elle l'accompagne. Il lui suffit simplement de sentir, derrière lui, sa douce présence rassurante, pour savoir que jamais, au grand jamais, l'effrayante dame ne pourra plus s'emparer de lui. Dans son dernier cauchemar, il poursuit sa route, animé d'un nouvel espoir, si empli de la douce certitude d'être sauvé par son amour, qu'il n'a pas besoin de la voir. Pas besoin de s'assurer de sa présence, pas besoin de se retourner sur l'infernale route qui mène à l'éternelle repentance. Il a enfin compris.


Sur son lit d'hôpital il entr'ouvre les yeux se frottant les paupières d'un mouvement rapide de la main, comme pour chasser ses mauvaises pensées.


Elle est là, debout, près de lui.


Il n'aura plus jamais peur de rien.


Marianne©

                              A l'heure du jugement dernier

Cette fois la grande dame ne m'abandonne pas. Elle me surveille désignant le moindre de mes mouvements de la pointe de sa faux. Elle attend le moment de faiblesse, et attend chez moi le faux pas. Elle attend que je pense à mes amours déchues et instables. Tant pis pour moi, je n'aurais jamais dû. Je n' aurais jamais dû accepter de défier les lois de l'éternel, de la vie et de la mort en mêlant mon sang à celui de mon dernier amant. Le sang, ce mélange subtil des forces vives de l'âme et du corps est substance sacrée, que dis-je substance, potion, breuvage même.


Breuvage! le mot est sacrilège. Réservé aux tenants du culte ou à ces êtres maudits et maléfiques de la pire espèce qui abreuvent leur éternelle douleur de l'essence de vie de leurs semblables dont ils ont perdu jusqu'à l'apparence.


Breuvage? Potion d'éternelle jeunesse ou essence de vie des amants maudits à qui la loi des hommes interdit de s'abreuver de l'autre, de satisfaire leur insatiable désir de fusion. Irrationnel, violent, sans autre raison d'être, sans autre justification que le besoin profond de s'interpénétrer pour rejoindre ensemble l'éternelle lumière.


Mais pourtant la grande dame est là, elle veille. Elle est le garant de la moralité, le garant du châtiment certain de ceux qui transgressent consciemment les interdits. Elle est le garant du respect des apparences et de la morale des hommes: elle n'a aucun sens des nuances, la grande dame. Elle confond pèle mêle transgression et abandon de soi et ne cherche même pas à sonder la pureté de l'âme des amants magnifiques qui ont commis en toute innocence le pêché d'insouciante transgression: Transgression uniquement justifiée par l'amour, uniquement justifiée par leur besoin d'exister l'un en l'autre. Serment d'amour et d'exclusivité éternelle qui n'aurait jamais dû se passer de l'aval de la morale.


On ne pardonne qu'aux coupables, on ne condamne que les innocents. Il leur suffit pourtant de l'aval de l'amour. Dieu est amour. Ils ont l'aval et la bénédiction de l'éternel pour avoir en toute innocence et le coeur empli de l 'étreinte sacrée de leurs deux substances de vie, acquiescé au désir de rejoindre ensemble l'éternelle lumière. Sous les voûtes gothiques, sous la voûte céleste, ils ont fait éclater la vérité de leur amour en transgressant la loi des hommes, la morale des apparences. Ils devront pour cela affronter la froideur des tribunaux de la justice sociale. Ils devront accepter le châtiment des hommes, faire le sacrifice de leur terrestre dépouille pour s'autoriser à gagner ensemble les cieux bienveillants qui sauront reconnaître la vérité de leur amour.


"Un peu de calme, Messieurs les jurés". Les cornes fourchues dépassent des toques respectables. C'est la foire d'empoigne ici bas."Un peu de silence , je vous prie". Tout à coup, le grand calme. Toute vêtue de noir, toujours vêtue de noir —  c'est son habit, son habit qui ne la quitte jamais, son habit qui lui donne cet aspect effrayant et solennel —  elle a frappé un grand coup, sur la table creuse. Le bruit s'en est fait entendre jusqu'en enfer et jusqu'au ciel pourtant si loin où l'on attend sans illusion et le coeur en joie d'accueillir et de recevoir enfin les amants magnifiques, dernières victimes de la loi des apparences et de l'injustice des hommes.


De la pointe de sa faux elle désigne les fautifs. Un grand cri et tout est fini. Mais où sont-ils? Ils ont disparu. Où se cachent-ils?


"Mes victimes, ne peuvent pas m'échapper. Ceux que je condamne m' appartiennent pour l'Eternité".


Oui, la sentence a été prononcé. Non Madame la faucheuse, vous n'aurez pas leur sang. Il est breuvage d'éternel amour, substance sacrée qui n'appartient qu'à Dieu. Leur désir de fusion, la vérité de leur amour, l'a sanctifié pour l'Eternité. Devant Dieu, sous les voûtes gothiques, ils se sont aimés. Unis dans la lumière de leur amour, sous la voûte Céleste, ils le rejoindront.


Ce sang fut versé en offrande à l'Amour Eternel. A l'Eternel il reviendra.


Marianne©

    ***
La légende d'Orphée revisitée(3)

                              Il était une fois ...

Il était une fois une petite fille, jolie, gentille, intelligente, d'après ce qu'on disait et c'est bien ce qu'elle pensait ou croyait elle aussi, toujours d'après l'image que lui renvoyaient les autres dont on est éternellement tributaire, autour de laquelle on se construit un monde, surtout lorsqu'on est enfant. Le fameux jeu des apparences, vous connaissez? Je poursuis.                               La messagère

Il était une fois, une dame. Une grande dame. Quand elle apercevait son ombre le soir, qui se profilait dans sa chambre, la petite fille se disait qu'elle pourrait bien ressembler à sa grand-mère cette vieille dame. Mais non, sa grand-mère n'était pas si maigre, pas si.... Oh, je ne trouve pas le mot, pas si.... décharnée, oui, décharnée voilà le mot, je l'ai trouvé. Il faut dire que cela fait longtemps, si longtemps, que je n'ai pas eu l'occasion d'évoquer cette histoire, que certains détails risquent de m'échapper, vous voudrez bien m'en excuser. Pourquoi était-elle si différente de sa grand-mère cette dame là. Les habits, ah oui, les habits. Sa grand-mère ne portait que des couleurs gaies, malgré son grand-âge.


La petite-fille n'avait jamais peur de rien. On la disait intrépide, provocatrice, diplomate et douée, très douée. Pour quoi? On ne le savait pas exactement, on ne cherchait pas vraiment à savoir ces choses là à une certaine époque. Ce n'était pas comme maintenant où on fait des concours de petits singes qu'on expose à la vue du plus grand nombre, dans des cages au bois de Vincennes, ou dans quelque laboratoire de psychologie infantile ou d'intelligence artificielle. Elle était douée pour les langues, ça c'est sûr. Elle avait le sens du langage, le sens de ces expressions qu'on manie sans savoir pourquoi et qui produisent des effets de sens, effets de bord, provoquent des réactions différentes en fonction de l'agencement, du choix, et enfin de l'expression des mots. Des mots, toujours des mots encore des mots, et rien que des mots. De simples mots. Les sens, les mots, les expressions, conditionnelles ou non se mêlaient inconsidérément, démesurément, pour former un tout en mouvance, modelable à souhait et qui se déployait en longues trainées de poussière d'étoiles, en gigantesques évanescences de comètes mulitcolores pour bâtir des châteaux en Angleterre, des cottages en Espagne et construire un monde à la mesure de son imagination.


Elle n'avait peur de rien, absolument rien. Sauf peut-être...du vide. Il ne s'agissait pas d'une peur iraisonnée, de celles qui vous font trembler dans l'immensité de l'obscurité d'une chambre d'enfant. Non, c'était quelque chose de profond, d'existentiel même, n'ayons pas peur des mots. Une certaine notion de ce que pouvait être le Néant. Le Néant en tant que vide, le vide absolu, l'absence de vie, et pourquoi pas... La mort. Poussière, tu n'es que poussière et redeviendras poussière, par la grâce... Par la vertu.... Par la toute puissance... de la Nature. Il n'est guère de salut possible, il n'est guère d'exception, il n'est guère de solution, il n'est guère enfin, d'échappatoire. Lorsque le vide de la nuit vous met à la merci d'une imagination sans limites, sans bornes préalables, le vide de la nuit, les créatures fantasmatiques de l'aube qui point après une nuit d'insomnie, le petit vide qui attire le vide, et encore le vide, vous met en contact brutal, total mais certain avec le vide absolu, le grand vide, celui dont personne ne revient, le vide tyrannique, despotique, inévitable, inaliénable et auquel nous serons tous soumis un jour. Elle avait bien demandé à son père, lui avait posé la question, cherchant déspespérément un espoir, une porte de sortie. Le verdict avait été terrible, sans appel. Il n'est guère de salut possible, guère d'éternité, c'est la seule, unique évidence, tangible de la science, le véritable jugement dernier, le même pour tous, auquel nous serons tous soumis, et auquel nous ne pourrons surtout, surtout pas...échapper.


Que faire, que dire, comment construire sa vie? Il est des vies qu'on construit autour d'une peur, autour de la négation de ce qu'on souhaite. Mais construire sur le Néant, ce n'est pas raisonnable, ce n'est pas viable. Elle aurait bien pu demander à la dame qui lui tenait compagnie au chevet de son lit tous les soirs, mais avait le sentiment qu'il ne fallait pas, surtout pas lui poser de questions."Un pauvre bûcheron, tout couvert de ramée".... Voilà tout, absolument tout ce qu'elle aurait pu lui raconter la dame. Et la petite fille le savait. Elle n'avait aucune envie d'écouter ses histoires de grandes personnes mais sentait intuitivement que de toutes façons ces histoires n'étaient pas seulement réservées aux grandes personnes puisque le jugement dernier était le même pour tous, enfants ou adultes. Elle n'irait pas s'abreuver à la fontaine des expressions non conditionnelles, elle avait fait son choix.


Que faire alors? Le dilemme était atroce.


Mais qui était cette messagère de ses nuits, à la fois mystérieuse et famillière, lointaine et tangible, sans nom et cependant pas inconnue? La dame revint une dernière fois au chevet de la petite fille prodigue. Et ce soir-là ses questions insolubles allaient trouver la moitié d'une réponse auprès de la visiteuse.


— "C'est la dernière fois que tu me revois avant longtemps, petite. Je reviendrai te visiter dans un songe un jour où tu seras grande. Je reviendrai sous une autre forme. Ce jour est encore très lointain pour toi. Lorsque je reviendrai, tu seras une femme, et tu comprendras. Tu sauras qui je suis et pourquoi je suis venue parce que quelqu'un te le dira, t'aidera à mieux comprendre le sens de ma visite."


La petite fille avait grandi. Elle était devenue femme, avait à son tour mis au monde deux petites filles. Un jour elle eut une vision. C'était à l'aube, dans un étrange sommeil. Elle eut une vision merveilleuse qui lui fit prendre conscience d'une autre réalité. D'une manière fulgurante, elle avait approché un glorieux mystère. Cette vision onirique avait un sens profond, essentiel, mystique. Et elle n'était pas sortie indemne de ce songe curieux aux allures d'intime réalité.


— "Lorsque je reviendrai, tu seras une femme, et tu comprendras. Tu sauras qui je suis et pourquoi je suis venue, parce que quelqu'un te le dira, t'aidera à mieux comprendre le sens de ma visite".


La dame était revenue, en effet, mais la petite fille devenue grande ne le savait pas encore. Cependant quelqu'un allait le lui apprendre, selon la promesse de la mystérieuse visiteuse faite à la petite fille qu'elle fut.


L'autre moitié de sa réponse était contenue dans sa vision, mais elle n'en avait aucunement conscience. Oui, cette vision onirique magnifique, pleine d'éclat, c'était la visiteuse qui était revenue comme promis sous une autre forme.


— "...parce que quelqu'un te le dira, t'aidera à mieux comprendre le sens de ma visite".


Cette visiteuse nocturne, cette vieille dame en gris, c'était la Mort, la Camarde, apparue à la petite fille sous sa forme masquée, légendaire, en creux, légèrement inquiétante, terne et discrète. Ce"quelqu'un"devait lui apprendre tout cela. Plus tard la Mort avait montré son véritable visage en apparaissant à la femme adulte dans une cathédrale. Elle lui était apparue radieuse, magnifique, merveilleuse. La Mort n'était en fait que Lumière, Eternité, Beauté. Elle en avait eu la vision, puis la révélation à travers ce"quelqu'un qui le lui dira".


La vie avait un sens, soudainement. L'Amour était le but ultime de la vie. La raison d'être de l'éternité.


Entre les deux dernières visites de la Mort, la petite fille devenue femme avait eu le temps de réflechir, de cheminer. Elle avait cherché le sens de cette vie, était passée par diverses expériences inhérentes à la condition humaine. Sa recherche, c'était son cheminement mystique, son épreuve, en quelque sorte, aboutissant à cette vision qui tenait lieu de réponse.


— "...quelqu'un te le dira, t'aidera à mieux comprendre le sens de ma visite".


Marianne et Raphaël


                                                 ***
Haut de Page triangle

Mas i Usó, Pasqual

brève biographie

Pasqual Mas i Usó (Almassora, 1961) est écrivain et docteur en philologie. Il enseigne actuellement la littérature et est directeur du magazine international de théâtre Fiestacultura. Il est aussi journaliste à El Punt-València et collaborateur littéraire de Lletres Valencianes, El Temps,L'Aljamia, etc. Pasqual Mas est l'auteur d'une vingtaine d'études au sujet du baroque valencien et de la litttérature en général publiés aux États Unis, l'Allemagne, la France et l'Espagne. Dans le monde littéraire, il a publié des ouvrages de poésie et de théâtre et il se distingue par ses romans Salt en fals (Finaliste Premi Enric Valor, 1997), Pavana per a un home sense nom (Premi Ciutat de Sagunt, 1999) et La cara oculta de la lluna (Premi Enric Valor, 2000). Il est membre de l'Associació d'Escriptors en Llengua Catalana.

    ***
Intermezzo

1


Venise encore.
                              La Serenissima
m’attend en répétant dans ses miroirs
transatlantiques de pierres ornementés
comme une flotte fantôme qui navigue douce,
isolée et froide dans la dérive du temps,
en se montrant impudique, jour à jour,
comme un rêve réitéré de palais,
de temples, d’églises et de grandes maisons
reliés par un large filet d’eau.


Tels des aimants, la Serenissima
m’attire comme les mouches par les fruits pourris
et la ville corrompue m’invite à prendre
des oeufs de survie tandis qu'elle va loin
derrière son masque de serénité.


2


Celle de Turner et de Canaletto
sont les deux belles venises que je préfére;
l’une pleureniche dorée derrière un voile
de rosée qui l’ensevelit doucement,
l’autre éclate souriante et joyeuse
à l’heure blanche du marché et de la fête.


La ville s’enfonçant dans le caranto
se cache, de temps en temps, des touristes
qui la maudissent parce qu'elle ne se laisse pas
immortaliser par leurs flash-photos;
elle se refugie, ombre dans la brume,
mais un matin le soleil la perfore
et naissent ses façades et ses coupoles,
et jaillissent les foumilières qui l'habitent.


3


La peau de Venise est de couleur or
comme celle de ton pubis ferme et doré
lorsque je caracole avec tact
les étaims qui allument la baie pure
des crinières de gondoles mulâtres,
et peignent en secret le quai silencieux
et le va-et-vient des vagues du canal.


Sur l’épiderme, une tribu de crabes courrent
recherchant son escadrile, en dansant
son malaise urbain, cosmopolitain.


Sous la peau, l'écorce de boue la hisse
à la dérive et sème des paroles
comme lançant à la mer les gaspillages.


4


L'humidité calme s’infiltre grisâtre,
dévelopée dans les linceuls mouillés
qui ensevelissent le chemin musculeux
et qui imbibent mon pas assujettis
à l’âme d’un homme condamné à errer
dans cette ville de liège mort, ancrée
comme le regard étroit des passages
vivants qui rétrécissent dans mon regard
les fleuves qui sont le lierre qui grimpe aux murs
jusqu’aux hautains lotus des cheminées
qui surveillent les fantômes du feu flambant
pendant que la Serenissima pleure
en étendant la rumeur sous les joncs
qui l’accrochent et l’amarrent toujours vivante.


5


Le grand pain lent qui nourrit le soleil
t’enlève mystique.
                              Je suis seul à Venise
noyant mes yeux sous les gondoles sucrées,
têtes de bétail: brebis noires bercent l’eau
en plongeant sans trêve dans la lagune,
ses armes payées avec des dollars.


Venise devient plus fuyante que jamais
et elle s’échappe de moi en se doublant,
aussi lente que glissent les lents crépuscules,
prisionnière vendue dans des cages de pierre
avec l’histoire écrite sur les carreaux
affilés, qui pèsent autant que les marbres
noirs du temps,
                              quand l’avion t’a enlevé.


6


Quitter Venise et m’excaver les veines
à la recherche de la boue qui s’échappe
entre les quartiers de gondoles funèbres
c’est s’enterrer nu dans l’haleine humide
tandis qu’une nouvelle terre de promission
peint l'horizon plat avec ton regard
qui renouvelle des espoirs et des cendres.


Hier l’été; et aujourd’hui je quitte
les canaux lorsque l’automne maternel
defeuille les pierres et les aiguilles du froid
s’engouffrent dans chaque coins et recoins
pour me rappeler mon proche décollage.


Tu m’attends, comme le soleil à Valence,
en dessinant le melon de la joie.


7


Le bateau de liège glisse loin dans les siècles,
sans jamais perdre cette étoile qui le guide
et l'ancre dure dans la lagune des ducs
ensevelie par les dunes de sable d’or
qui ne la laissent se sauver ni s’enfuir
de son cancer d’humidité verdâtre
d’éponge mouillée de moules et de mousses.


De l’avion, l'’île est un bateau blessé,
échoué sur les quais du continent,
entouré par un bassin de filets
pour que sa charpente ne flotte pas deliée
au hasard, et l’île se perd orpheline
de la terre ferme, abandonnée du temps.


Venise, toujours la Serenissima.


Pasqual Mas i Usó
(Traduction: © PMU et Florence Vaugois, Alcossebre, Almassora, Nules, Alqueries i Vila-real: hiver-prinptems de 2002)

    ***
Intermezzo

1


Torne a Venècia
                              La Serenissima
M'espera multiplicant-se a l'espill,
Adornats els transatlàntics de pedra
Com una flota fantasma que sura
Isolada a la deriva del temps,
Exhibint-se impúdica, dia a dia,
Com un somni repetitiu de temples
I palaus i esglésies i casotes
Lligades d'aigua per una ampla xarxa.


Els imants pintats de la Sereníssima
M'atreuen com als fruits podrits les mosques;
La ciutat corrompuda que convida
A pondre els ous de la supervivència
Mentre es colga rere l'última màscara.


2


La de Turner i la de Canaletto
són les dues venècies que estime;
l'una regalima daurada rere
el vel de l'aiguatge que l'embolcalla,
l'altra esclata riallera i joiosa
a l'hora del mercat i la gatzara.


La ciutat estacada en el caranto
s'amaga, de vegades, dels turistes
que la maleeixen perquè no es deixa
immortalitzar en milions de fotos
i es refugia vestint-se de boira,
però un matí el sol la clivella estesa
i creixen les façanes i les cúpules
i brollen els formiguers que l'habiten.


3
La pell de Venècia és del color
De l'or del teu pubis daurat i ferm
Quan es deixa cargolar amb el tacte
Els filaments que encenen la badia
De crineres de gòndoles morenes
Que pentinen del canal la serena
Estació de les ones en secret.


Sobre la pell, una tribu de crancs
A la recerca de la flota balla
El seu desfici urbà, d'altres ciutats.


Davall la pell, l'humit crostam de fang
Enlaira la ciutat a la deriva
I sembra una escampada de paraules
Com qui llança les deixalles al mar.


4


La sereníssima humitat s'escola
Grisa i extensa de llençols banyats
Que amortallen els músculs i el camí
I m'amaren el pas i m'encadenen
Com un home condemnat a recórrer
La ciutat de suro ancorat i mort
Amb la mirada estreta dels carrers
Que vius m'estrenyen la mirada estreta
Dels rius que són l'heura que escala els murs
Fins els alts lotus de les xemeneies
Que vigilen els fantasmes del foc
Mentre la Sereníssima regalla
I s'escampa mormolant sota els joncs
Que la sostenen i l'ancoren verda.


5


La fogassa lenta del pa del sol
Se t'emporta,
                    i reste sol a Venècia,
Negant la mirada sota les gòndoles,
Ovelles negres cabussant-se en l'aigua
Que ofeguen sense treva a la llacuna
Les seues armes comprades amb dòlars.


Venècia esdevé més fugissera
Que no mai i s'escapa duplicada
I lenta com s'esveren les vesprades
De tardor pels amagats canals d'aigua
Angoixada per gàbies de pedra
Amb la història escrita entre els perpanys
Esmolats, que pesen com les llambordes
Del temps,
                    ara quan l'avió t'ha furtat.


6


Deixar Venècia i obrir-me les venes,
Que cerquen el fang pudent que s'esmuny
Entre els gallons de les gòndoles fúnebres,
És soterrar l'alè de la humitat
Mentre que una nova terra promesa
Pinta l'horitzó amb la teua mirada
Que renova l'esperança i la cendra.


Ahir era estiu i mire els canals
Quan la tardor despampola les pedres
Del sol de mamella, i els ullals
Del fred s'aposten a cada cantó
Recordant-me que ja és temps de partença.


Tu m'esperes amb el sol a València
Dibuixant la llesca de l'alegria.


7


Llunyana, la nau de suro rellisca
Sobre els segles i mai no perd l'estrella
Que l'ancora a la llacuna dels ducs,
Embolcallada de bancals de sorra
Que no la deixen fugir del seu càncer
De verda humitat i de blava esponja
Amarada d'escumes i petxines.


Des de l'avió sembla una nau ferida,
Desballestada als molls del continent,
Encerclada en la bassa de les xarxes
Perquè el fustam que la sosté no sure
A la deriva i l'illa es perda, òrfena
De terra ferma, abandonada al temps.


Fins sempre, Venècia Sereníssima.


                    Venècia, estiu-tardor de 1998.
Pasqual Mas i Usó
                                                 ***
Haut de Page triangle

Mélissa

Rivière

Ma peine est une rivière,
Elle coule à travers les vallées
Frappant des rochers
Sans issu.


La pluie crépite,
Son courant déchainé
Déborde et noie les fleurs.


Ma peine est une rivière
Perdue dans la forêt...


Mélissa
                                                 ***
Haut de Page triangle

Monsalve, Serge

Romance del Prisionero

Que por mayo era, por mayo,
Cuando hace la calor
,Cuando los trigos encañan
Y están los campos en flor,
Cuando canta la calandria
Y responde el ruiseñor,
Cuando los enamorados
Van a servir al amor;


Sino yo, triste, cuitado,
Que vivo en esta prisión;
Que ni sé cuándo es de día
Ni cuando las noches son,
Sino por una avecilla
Que me cantaba al albor.
Matómela un ballestero;
Déle Dios mal galardón.


Anónimo, siglo XVI

    ***
Romance del Enamorado y la muerte

Un sueño soñaba anoche,
Soñaba con mis amores
Que en mis brazos los tenia.


Vi entrar sñora tan blanca
Muy mas que la nieve fria.
- Por donde has entrado, amor?
Como has entrado mi vida?
Las puertas estan cerradas,
Ventanas y celosias.


- No soy el amor, amante:
La Muerte que dios te envia.
- Ay Muerte tan rigurosa
Deja me vivir un dia!
-Un dia non puede ser
Una hora tienes de vida.


Muy de prisa se calzaba
Mas de prisa se vestia;
Ya se va para la calle,
en donde su amor vivia.
Abreme la puerta, Blanca,
Abreme la puerta, niña!
- Como te podre yo abrir?
Si la ocasion no es venida?
Mi padre no fue al palacio
Mi madre non esta dormida.


- Si no me abres esta noche
Ya no me abriras querida;
La muerte me esta buscando
Junto a ti la vida seria.


- Vete bajo a la ventana
Donde labraba y cosia
Te echare cordon de seda
Para que subas arriba
Y si el cordo no alcanzare,
Mis trenzas añadiria.


La fina seda se rompe
La Muerte que alli venia:
Vamos el enamorado,
Que la hor ya est cumplida.


Juan del Encina Siglo XVI

    ***
Romance du Prisonnier

Oui c'était au mois de mai
Lorsque donne la chaleur,
Et que blondissent les blés
Et que les champs sont en fleurs
Lorsque chante l'alouette
Et répond le rossignol
Lorsque tous les amoureux
Font allégeance à l'amour;


Et que moi triste, affligé
Qui vit seul dans ce cachot
Qui ne sait quand il fait jour
Ni même quand c'est la nuit
Si ce n'est par un oiseau
Qui m'annonçait les aurores
Et qu'un archer m'a tué,
Et que Dieu saura châtier!


(d'après un texte anonyme du XVIième siècle)
traduction libre par Serge Monsalve

    ***
L'Amoureux et la mort

Il rêve au milieu de la nuit,
Rêve d'un amour interdit
Qu'enfin il tenait dans ses bras
Ce soir pour la première fois.


Une dame pale est venue
Plus blanche même que la neige.
- Comment es tu entrée amour?
Par où es tu passée ma vie?
Puisque les portes sont fermées
Que les volets sont crochetés.


Je ne suis pas l'amour jeune homme
Je suis la Mort que dieu t'envoie.
-Tu es la mort? sois charitable ...
Laisse moi vivre encore un jour!
-Un jour c'est trop je ne peux pas
Tu as une heure devant toi.


Alors il s'habille très vite
Se précipite dans la rue.
- Viens m'ouvrir la porte ma douce
Puisque la Mort est à mes trousses
- Je ne peux pas t'ouvrir ce soir
Mon père est là, ma mère veille.


Mais si tu viens sous la fenêtre
Où l'on travaille et où l'on coud
Je t'enverrai un fil de soie
Afin que tu puisses monter
Et j'y ajouterais mes tresses
Si le fil s'avérait trop court.


Mais le cordon de soie se rompt
Au moment où la Mort arrive
Pour chercher ce jeune amoureux
Dont la dernière heure a sonné.


D'après El romance del Enamorado y la Muerte
Juan del Encina, Siglo XVI

    ***
La place des couverts

Assis à la terrasse
Je regarde de loin
Les pigeons sur la place
Cherchant entre les joints
Des carreaux espacés
Quelque maigre banquet.


Et si les ouvriers
Doivent parfois changer
Quelque brique rongée
Elle a su résister
Aux assauts répétés
Des hommes et des années.


Depuis bientôt mille ans
Elle défie le temps,
Accueille des marchés
Toujours très colorés
Dont la diversité
Scelle aussi l'unité.


Elle a changé de nom
Et plusieurs fois d'aspect
Elle est toujours restée
Le coeur de la cité
Qu'elle regarde vibrer
Du haut de ses balcons.


Autrefois occupée
Par tous les commerçants
Grainetiers, maraîchers,
Sabotiers ou drapiers
Elle a été vidée
De tous ces occupants.


Elle renaît aujourd'hui
Le rose a triomphé
Du gris et de l'oubli.
Elle se reconstruit
La brique a su dorer
La croix d'Occitanie.


Et quand le mois de juin
Accumule en son sein
Son ardente chaleur
Elle garde la fraîcheur
Et les vents de l'hiver
Au fond de ses couverts,


Pour que le visiteur
Puisse se réfugier,
Qu'il lui fasse l'honneur
Aussi d'examiner
Les détails bien cachés
Des voûtes et des croisées.


Serge Monsalve

    ***
Belle

Belle,
Comme un jour de soleil
Après des mois de gris,
Comme le bleu du ciel
lorsque finit la pluie,


Douce,
Comme le goût du miel,
Comme les sentiments
Qui venaient au réveil
Parfumer mes quinze ans,


Tendre,
Comme les souvenirs
De mes premiers soupirs,
Qui se sont endormis
Sans tomber dans l'oubli,


Tu danses,
Tu viens, tu virevoltes
Tu endors ma révolte,
Tu occupes mes nuits
Et tu remplis ma vie.


Parfois dans la journée
Je m'arrête étonné,
Tu viens dans mes pensées
Et je suis apaisé.


Et pour te remercier
Je te fais découvrir
L'univers enchanté
Que j'ai dû me construire.


Serge Monsalve

    ***
Toi

Quel est ce sentiment
Nouveau et insistant
Qui colore les gris
De mon ancienne vie?


Quel est cet océan
Où tu veux m'entraîner,
Et d'où vient le grand vent
Que tu m'as apporté?


Non ce n'est pas l'amour
Qui est trop exclusif
Et qui devient toujours
Un peu trop possessif,


Ce n'est pas l'amitié
Puisque j'y trouve aussi
Cette force infinie
Qu'elle ne sait pas donner.


Non ce sentiment là
Nous l'avons inventé,
Et s'il faut le nommer
Je veux l'appeler "Toi",


Puisqu'il a su changer
Tout ce qui était Moi,
Et qu'il a balayé
Tout ce qui n'allait pas...


Serge Monsalve

    ***
Virus

Seul, dans la nuit
Dans le vide de cette nuit
Je cherche en vain
Son nom jusqu'au petit matin.


Sur cet écran
Qui brûle mes yeux maintenant,
Elle ne vient pas.
Elle a dit la dernière fois:


"J'ai peur de toi,
J'ai peur encore plus de moi"
Qu'est-ce que j'ai cru?
Je ne sais plus, elle ne vient plus!


Je n'ai pas su
Taire ce qui ne se dit pas,
Je suis perdu
Je ne regrette même pas.


Elle est partie
Juste quand revenait l'envie,
Ces quelques nuits
Ont relancé toute ma vie.


Comme un virus
Un carillon à l'angélus
Elle est entrée
Dans mes recoins les plus secrets.


Je voudrais tant
Pouvoir plonger dans mon écran
Laisser ici
Les faux semblants, les compromis.


Serge Monsalve

    ***
Senteurs des brumes

Tu cours, tu danses sous la lune,
Tu cherches une bonne fortune.
Cachée elle attend sur la dune.
Les yeux noyés dans la lagune.


Senteurs, odeur salées des brumes,
Douceurs, parfum tiède des brunes.


Elle sent le froid sur ses épaules
Elle craint d'avoir été bien folle
D'avoir refusé d'écouter
Le lieu que tu avais cité.


Senteurs, odeur salées des brumes,
Douceurs, parfum tiède des brunes.


Ce soir Cupidon fatigué
N'a pas vraiment su assurer.
Tu cours, tu cherches sous la lune
Pendant qu'elle a froid sur la dune...


Senteurs, odeur salées des brumes,
Douceurs, parfum tiède des brunes.


Serge Monsalve

    ***
Boomerang

C'était un geste spontané
Irréfléchi irraisonné
Pour t'envoyer mon amitié,
Apres l'avoir numérisée.


La main posée sur un carreau
Pendant que glisse un éclair bleu,
Si loin de toi je lis tes mots,
Je sens la douceur de tes yeux.


Le lendemain quand je reviens
Je vois dix doigts sur mon écran,
Puisque tu as glissé ta main
Contre la mienne doucement.


Deux mains réunies maintenant
A travers cette immensité,
Grâce à la toile enchevêtrée
Tissée de mille fils d'argent.


Serge Monsalve(23 janvier 2002)




Page suivante liste poètes N à Z
Retour au sommaire du Jardin des Muses


This site is beautifully viewed with Microsoft Internet Explorer

Dernière modification: