20 février 2001
Pourtant batêche! je suis pas morte puisqu'en fermant les yeux je me vois...
là... là... dans mon lit, en train de dormir. Je m'entends même ronfler.
Je vois aussi mon pc que j'ai laissé allumé toute la nuit pour écouter la musique.
Le disque compact joue encore. Ce qui veut dire qu'il n'y a guère longtemps que
je dors. J'ai sûrement la berlue! Non mais! ce genre de choses n'arrivent qu'à moi.
Je me pince fort pour vraiment savoir si c'est bien mon corps. Aaaaargh...! c'est bien
mon corps, et pourtant celle qui est dans mon lit n'a rien senti. C'est tout de même
pas une étrangère. Bon sang! je m'connais... non!
Puisque je suis dans mon appartement, j'en profite pour regarder l'heure et le jour
sur mon pc avant de quitter, tout en faisant attention à garder les yeux fermés.
J'ai l'impression qu'en les ouvrant je serai projetée ailleurs. Bizarre de pouvoir
lire sans ouvrir les yeux. Bah! je vais sûrement avoir la réponse à toutes mes
questions un moment donné.
Il est bel et bien 2 heures du matin le 6 février 2001. J'ouvre
les yeux et pssit...! me revoici dans cet immense jardin
où le soleil brille de tout son éclat. Un vrai dédale ce jardin.
Devant moi, une allée bordée d'arbres. Des essences jamais vues...
des yeuses pleurantes à chevelure dorée qui
s'étendent jusqu'au sol, ainsi que je les surnomme dans mon vocabulaire
botanique, leurs noms latins trop difficiles à retenir. Puis,
bien d'autres que je reconnais.
Toujours personne à l'horizon! J'espère bien ne pas être seule en cet endroit. La faim
me tenaille. Je cueille un fruit charnu et me risque à prendre une bouchée. Hum...
délicieux! Chose bizarre, je ne ressens aucune crainte, je dirais même un
sentiment de liberté, de légèreté enivrante. Ouf enfin! Une dame ... assez jolie,
d'âge...? Bon encore un blocage! Décidément, mes neurones sont en train de capoter!
Il m'est impossible de dire l'âge. Bien vêtue cette dame. Robe blanche diaphane
laissant deviner de belles formes rondes. Je dois faire drôle figure harnachée
comme je suis. Me suis endormie avec mon pantalon et mon t-shirt. Bah...!
après tout, je suis à l'aise ainsi.
— Ola! bonjour madame, excusez-moi de
vous déranger... Je m'en veux de vous sortir de votre méditation
mais je ne vois personne d'autre et j'ai vraiment besoin de savoir où
je suis et ce que je fais ici.
— Le plaisir est pour moi chère Maïté,
on t'attendait depuis longtemps.
— Hein...! vous savez mon nom? Ben ça
alors... vous m'attendiez!
— Mais oui, Maïté, il est important qu'on
connaisse nos visiteurs. Rien n'est secret sur Olympius.
Tu permets qu'on se tutoie.
— Bien sûr.
— Mon nom est Sélénè:
Je vis sur cette planète en permanence.
Je vais d'abord t'expliquer comment tu es arrivée ici.
Depuis quelques années nous avons créé un site Web et télétransporté
notre site sur la planète terre afin d'amener nos visiteurs dans un endroit
où ils peuvent se détendre et rêver.
Hier avant d'aller dormir, tu es venue sur notre site et tu as
rentré un mot de passe qui nous a permis de te connaître depuis ta naissance.
Lors de ton passage sur notre site, tu as émis des ondes nous laissant
percevoir ton désir de pouvoir trouver un tel endroit où il serait bon d'aller
de temps à autre. Le moment était bien choisi, nos ondes
transporteuses étaient à leur plus haut rendement à ce moment.
Notre système transinformatique ayant terminé son analyse nous
t'avons laissé dormir, puis par la suite, t'avons télétransportée
sur notre planète.
Pour répondre à ton autre question, tu es ici sur la planète Olympius de la
4ième galaxie à des milliers d'années-lumière de la terre.
Nous avons notre propre système solaire.
Nous nous promenons à pied ou à vélo.
Pour de longues distances, nous empruntons un véhicule à propulsion
hertzienne ou le télétransporteur. Aucun polluant
n'est autorisé sur notre planète. Ni loi, ni religion,
ni violence, ni armes ... tous ces mots, sans
aucune valeur, impropres à nos échanges, sont depuis longtemps
oubliés par les Olympiens.
Nous sommes reliés en permanence les uns aux autres par ce bijou que
tu vois à mon cou. Je peux l'allumer ou l'éteindre
à volonté. Tiens! en voici un pour toi. Chaque
pierre a son utilité. Tu peux ou le porter au cou ou le passer
à ton doigt. Cet instrument sert aussi pour voir notre interlocuteur.
Lorsque nous sommes occupés les messages sont déposés dans un registre. Nous
communiquons surtout par télépathie.
— Ouais! Ça ressemble à nos cellulaires...! Plus moyen d'aller
à nulle part sans voir un zouave brandir son machin, s'engager dans une conversation
souvent ponctuée d'éclats de rire bruyants,
que ce soit au resto, en voiture, ou au W.-C. Ces zozos
sont tellement concentrés, qu'ils te marchent sur les pieds.
Je suis prête à parier que plusieurs d'entre eux utilisent leur
zozomachinportable au lit, et jaspinent en faisant l'amour.
Par contre, bien pratique pour ceux ou celles qui se croient obligés de
rendre des comptes sur leurs allées et venues.
Bon! Je vais m'y faire. Au moins, celui-ci
n'a pas de sonnerie.
Combien de temps vais-je pouvoir planer ici?
— Tu resteras jusqu'au moment où ton corps terrestre
va s'éveiller. Lorsque tu ouvriras les yeux sur terre,
tu seras immédiatement projetée dans ton univers. À ton réveil
tu n'auras qu'une vague souvenance d'un très beau rêve.
— Est-il possible de demeurer en permanence dans cet endroit
qui semble paradisiaque au premier abord.
— Pas tant et aussi longtemps que ta vie sur terre ne sera
complètement terminée, et, pour répondre à ta prochaine question,
il est impossible pour tout être humain de projeter une permanence
post-suicidaire pensant ainsi mettre fin à ses problèmes personnels.
De toute manière, le registre cérébral-enregistreur du visiteur demeure
endormi durant son réveil.
— À vous entendre, vous devez avoir une multitude de
visiteurs.
— Non, pas tant que ça... Le site que nous avons
créé agit surtout sur les personnes solitaires. Les visiteurs
surfent sur notre site trop rapidement pour capter les ondes.
Et toi, tu ne pourrais que référer des surfeurs sans les inciter,
car tu n'auras aucune souvenance de ces ondes.
— Si je comprends bien, vous faites une sélection virtuelle?
— Aucunement. Nos ondes peuvent très bien
être captées par n'importe qui, aussi bien par des politiciens véreux
que des criminels endurcis.
— Ah bon...! ça veut dire que je peux rencontrer
ce genre de sinistres personnages ici?
— Tous ceux qui entrent ici sont scannés, puis débarrassés
de tout virus psychique. Ces personnages ont des virus tellement ancrés,
réfractaires à notre scanneur et sont aussitôt renvoyés. N'aie aucune
crainte, tu n'en rencontreras aucun ici. Sur Olympius, l'apparence
n'a aucune importance. La beauté intérieure s'installe et reflète sur
l'extérieur. Tout le monde est beau mais différent. Toutefois,
la personnalité demeure intacte. Tu auras le loisir d'en juger par toi-même
lors de tes allées et venues.
Tu as pleine liberté d'aller où tu veux durant ton séjour dans notre galaxie.
— J'ai pas beaucoup de temps devant moi. Si
je compte bien, ça fait déjà plus de deux heures que nous discutons.
— Tu as beaucoup de temps. Deux heures sur la
planète terre équivalent à deux semaines ici.
— Yahou... je sens que ça va être délirant.
Ça l'est déjà. J'espère rencontrer la gente masculine bientôt.
— Ça oui...!
— Watatow! Youppi!
— Les planètes ont un environnement qui diffère selon
leur situation géophysique. La seule où il fait très chaud est
la planète Calidum. Encore là, libre à toi d'y aller si le coeur
t'en dit. Cette planète, habitée par les Calidumiens,
est la seule de notre galaxie qui est régie par une constitution monarchique.
Toutes les autres ont adopté le régime humaniste. Il semblerait que
le cher Méphistophéles qui règne sur Calidum, perde de plus en plus ses plumes.
Ce roi, à qui on attribue à tort et à travers des pouvoirs maléfiques est
en somme un petit plaisantin qui s'est amusé à propager des histoires
rocambolesques sur son compte. On a peine à croire que les terriens
croient encore à ces bondieuseries.
Méphistophéles, nous rend visite régulièrement.
Nous l'accueillons, le scannons avec minutie et désactivons
temporairement ses virus afin d'écarter tout danger de contamination possible et
ce, jusqu'au jour où nos chercheurs trouveront le moyen de les éliminer.
De plus, un robot le suit dans ses déplacements. Au premier
signe de provocation virale il disparaît.
Bien qu'il fasse très chaud sur cette planète, tu peux t'y rendre
sans problème. Nos visiteurs jouissent d'une protection spéciale
lors des déplacements.
— Chouette alors! Je vais sûrement y aller.
Suis curieuse de voir cette ordure face à face. Il m'a tellement effrayé
durant mon enfance que j'en avais des cauchemars. J'ai deux mots à lui
dire.
Par ailleurs, sur notre planète Terre, il serait grandement temps de fouttre à la porte
les éducateurs, grenouilles de bénitiers, tous les
prédicateurs soi-disants de la bonne parole, qui tiennent
les pauvres gens sous leur joug, en leur brandissant leurs sempiternelles litanies:
«si vous ne faites pas ceci, vous serez puni, puis vous
irez en Enfer», ou bien «le diable est présent parmi vous,
mes frères, il faut le chasser en vous repentant, etc.,
etc...»
Je mets cet endroit dans mon registre, si tu veux bien.
— Bien sûr chère Maïté... Je continue ...
Dans notre galaxie personne ne nous appartient. Si à l'un d'entre-nous,
il lui prend l'envie de se donner entièrement, libre à lui ou à elle. Toute
forme de jalousie, envie, chantage, est proscrite. Il existe encore quelques
petits virus pernicieux, rebelles à notre scanneur, mais, nos chercheurs
travaillent présentement sur ces petites bêtes.
Un dernier mot avant de te quitter: Pour la nourriture,tu n'as
qu'à te servir à même les arbres et les nombreuses plantes. Tout ce qu'on y mange
est très vitaminé. Aucune viande, poisson ou produits laitiers ne font
partie de notre régime alimentaire. Si tu éprouves vraiment le besoin ou
le goût de viande, lance un appel et l'on t'apportera un succédané, «ersatz».
Si tu as besoin d'aide, tu me fais signe télépathiquement. Je vais sûrement te rencontrer
au cours de ta visite et nous pourrons discuter de choses et d'autres. Lunès, une de
mes nombreuses petites-filles, se promène souvent dans les parages. Je lui annoncerai
ta venue.
Bon séjour!
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