Les Amours d'Orphée et d'Eurydice des temps modernes

Nouvelles de Sélénè (janvier 1999)



Chers Amis

Aujourd'hui j'ai une petite surprise pour vous. Disons plutôt une grande découverte. En premier lieu, je vais vous dire comment j'ai fait cette découverte.

Tous les matins je fais ma promenade dans le jardin des Muses. Vous connaissez sûrement l'endroit puisque vous venez souvent. Pour ceux qui en sont à leur première visite, le jardin des Muses est situé dans l'Olympe. Un jour prochain, je vous décrirai l'Olympe. Soyez patients! Ce matin-là, j'étais préoccupée. Quelque chose me fatiguait beaucoup depuis un certain temps. C'était la tragique histoire d'amour d'Orphée et Eurydice... Vous devez certainement connaître cette histoire. Ceux qui ne connaissent pas encore cette histoire, avant de continuer cette lecture, allez faire un tour à cette page Orphée et Eurydice et revenez ici.

Puis, tout en admirant les merveilleuses fleurs débordantes de rosée qui s'étiraient voluptueusement et offraient sans pudeur leur pistil aux rayons du soleil, j'écoutais les oiseaux et me disais qu'il fallait trouver un moyen pour que cette histoire d'amour ne soit plus aussi triste. Il me fallait réunir ces deux amoureux qui n'avaient vraiment pas mérité un tel sort.

Chemin faisant, il m'a semblé entendre au lointain un doux chant. Quel est donc cet oiseau à la voix si belle? Plus j'approchais plus le son était mélodieux, et captivant. Le vent qui soufflait légèrement me permettait d'en saisir quelques bribes. Je me retournai croyant trouver une muse qui aurait pu me donner des indices. Mais chose étrange, il n'y avait personne. Tout était désert. Bon! ils doivent être quelque part et je continuai ma promenade. Pourtant quelque chose dérangeait mes pensées. J'étais enveloppée par cette voix mélodieuse. Elle m'envoûtait, je ne pouvais y résister. Je me dirigeai donc vers elle. Quelle ne fut ma surprise lorsque dans une clairière, je découvris toute une assemblée. Mais oui! ils étaient tous là, muses, dieux suspendus aux lèvres d'un troubadour. On n'entendait que sa voix. Pas un souffle, pas un bruit, les feuilles et les fleurs étaient immobiles, le vent ne soufflait plus, les oiseaux ne chantaient plus. La nature même s'était arrêtée de respirer pour l'écouter. Je regardai quelques muses qui habituellement n'arrêtaient pas de placoter. Elles étaient silencieuses, muettes d'admiration avec dans leur regard un je ne sais quoi qui en disait bien long. Les dieux étaient subjugués. Certains avaient les yeux fermés pour mieux s'imprégner de cette mélodie. Je n'osais demander le nom du troubadour à ma voisine et le désignai d'un signe de tête. Elle me souffla à l'oreille "je crois que c'est Orphée". Je m'approchai pour mieux l'entendre et mieux le regarder. "Orphée" mais voyons donc! Je le connais ce troubadour, je le connaissais depuis bien longtemps mais je l'avais perdu de vue. Bien oui ! ORPHÉE.... Avait-il oublié son nom après toutes ces années? D'ailleurs, ça ne pouvait être que lui pour chanter ainsi en s'accompagnant de sa guitare. Il a changé d'instrument ce cher Orphée, mais je l'ai tout de même reconnu.

Tout à coup, je vis dans son regard un éclat que je croyais à jamais éteint et une larme glissa le long de sa joue. Sa voix avait emprunté des sons encore plus mélodieux et son regard était dirigé vers un endroit bien précis dans l'assistance. Elle était là, assise aux côtés du maître du Hadès. Elle était là...son EURYDICE...Ah! comme j'étais heureuse pour eux! Mais...quel culot ce Pluton tout de même, oser franchir les portes de l'Olympe après en avoir été chassé. Bien regrettable pour toi, mon vieux salopard, mais cette fois-ci tu vas repartir sans Eurydice. Après avoir parlementé avec lui et lui avoir fait entrevoir le sort que les muses et les dieux lui réservaient, il prit ses jambes à son cou s'empêtrant à gauche et à droite dans les jambes des participants qui ne se gênèrent guère pour lui faire des crocs-en-jambe, tout ça sous un concert de rires et de huées. Il était mortifié. Je crois bien qu'il avait sa leçon et n'oserait plus se pointer dans l'Olympe. Il ne put faire autrement que de repartir sans Eurydice qui se précipita dans les bras d'Orphée.

***

2ième épisode

La déchéance

Puis le temps passa. Je n'avais aucune nouvelle ni d'Orphée, ni d'Eurydice. Je commençais à m'inquiéter. Que se passe-t-il donc? J'avais une drôle d'impression depuis cette fameuse nuit où trop triste pour me montrer, je *me cachai derrière un nuage.

Ce matin-là, j'étais tellement préoccupée que je faillis heurter une promeneuse. Ah, nom de zeus! dis-je, mais c'est toi Eurydice. Je vis son visage défait, ses grands yeux remplis de larmes. Je dus me retenir pour ne pas éclater. Je la pris dans mes bras et la laissai pleurer à son aise.

- Asseyons-nous, chère Eurydice et raconte-moi ta peine.

- Je suis déchue, Sélénè, j'ai trompé Orphée...

- Voyons, chérie, que dis-tu là?

- Mais oui, Sélénè, j'ai trompé Orphée.

À ce moment-là, mes soupçons se confirmèrent. Je savais pourquoi j'étais si triste l'autre nuit. Je n'osai la regarder tant je me sentais coupable. Pourtant **Cassandre nous avait prédit lors de cette réunion de ne pas laisser partir Eurydice avec ce type-là. Mais, personne ne l'avait crue, comme d'habitude. Je me souviens fort bien de ses paroles. Elle clamait à gauche et à droite: "Ne laissez pas partir Eurydice avec ce mec. Ce n'est pas Orphée. C'est un pauvre type en mal d'amour qui a emprunté son identité. Je vous dis, moi, qu'après lui avoir conté fleurette puis satisfait ses désirs, il va virer de bord et dès que sa pouliche va se mettre à hurler il versera quelques larmes en geignant qu'il est désolé. Dans tout ça, c'est Eurydice qui sera cruellement blessée. Au nom de tous les dieux ici présents, ne laissez pas Eurydice tomber dans son piège". Ah! comme je m'en voulais de ne pas l'avoir écoutée!

- Allons Eurydice, reprenons dès le début, veux-tu?

- Bon voilà, Sélénè. Lorsque je vous ai quittés il y a environ deux mois, j'ai suivi celui qui se faisait appeler Orphée, heureuse et remplie d'amour. La première journée, il m'a amenée au bord d'une grande étendue d'eau. Il voulait me faire admirer le paysage et les arbres. Il y en avait très peu mais ils étaient magnifiques, immenses avec des grosses branches qui pendaient jusqu'à terre. Lui, ne cessait de me regarder avec des yeux qui semblaient contenir tout l'amour de l'univers. Il me raconta son long périple, ses moments de solitude, ses peines, ses joies et ses souffrances que je partageais au fur à mesure. Il m'apprenait à le connaître. Je l'écoutais en silence et bien souvent je pleurais à l'intérieur sans qu'il le sache.

Les premières semaines furent merveilleuses. Nous avons passé des heures en extase l'un devant l'autre. Je retrouvais Orphée, tel que je l'avais connu. Je n'avais aucun doute à son sujet. Nous échangions des baisers, des caresses, des mots doux toute la journée et la nuit durant. Je fus même très surprise lorsqu'il prit la décision de me fiancer et de me donner une alliance. Je me demandais pourquoi il agissait ainsi alors que nous étions mariés depuis longtemps déjà. Bah! j'ai pensé que sa mémoire était défaillante à cause du long périple qu'il avait fait durant toutes ces années et j'acceptai de jouer son jeu.

Mais oui, chère Sélénè, ne baisse pas les yeux. Tu as bien deviné, j'attends un bébé. Il me l'a demandé et j'ai accepté avec joie de lui donner cet enfant qu'il n'avait jamais eu. C'était l'enfant de l'Amour. Nous avons fait la promesse de ne jamais nous faire du mal et de ne jamais se quitter. Mon amour s'amplifiait de jour en jour et le sien aussi.

Puis vint cette fameuse nuit! Nous dormions paisiblement dans les bras l'un de l'autre lorsque soudain je fus réveillée par des hurlements sinistres. Je m'écartai doucement d'Orphée, prenant garde de ne pas le réveiller et m'approchai de la fenêtre, le coeur battant. Tu étais là Sélénè, et malgré le voile qui t'entourait, tu éclairais la scène. Des frissons d'horreur me parcoururent lorsque je vis cette meute à l'extérieur. À leur tête, une femelle, tous crocs sortis, me regardait et te menaçait aussi. À ce moment-là, un nuage vint t'envelopper et tu es disparue derrière.

Je fermai vite le rideau et vins m'asseoir aux côtés d'Orphée dans le lit. Je le regardais. Il dormait d'un sommeil agité, sa figure était crispée. À tel point que je ne le reconnaissais plus. Toute la nuit, je pleurai. Je savais déjà mais je ne voulais pas l'admettre. Le jour commençait à se pointer à l'horizon, les hurlements diminuaient. Lorsqu'Orphée se réveilla, il n'était plus le même. Je vis son attitude changer à mon égard d'heures en heures. On aurait dit qu'il se livrait un combat intérieur. Il semblait se chercher. À un moment donné, je lui suggérai que je partirais pour lui donner le temps de réfléchir. Je voyais bien qu'il s'était passé quelque chose et qu'il n'osait pas me dire la vérité. Chère Sélénè, j'avais encore un bandeau sur les yeux à ce moment-là, et je taisais mon subconscient. Je voulais absolument garder Orphée et continuer à vivre tous ces beaux moments. Je suis partie la mort dans Je suis partie la mort dans l'âme, tout en conservant un espoir. Par ailleurs, avant de me quitter, il m'avait donné l'impression après maintes et maintes caresses et baisers en profusion que notre amour était grand comme l'univers, tel qu'il se plaisait à le répéter si souvent. Il était encore mon Orphée. Ce n'est que le lendemain sous mon insistance qu'il se décida à m'avouer la vérité. Je sentais sa froideur et je savais que loin de moi il avait retrouvé sa vraie nature. C'était bel et bien les hurlements d'une louve déchaînée qui l'ont ramené à la réalité. Jamais Orphée n'aurait agi de cette façon. Comment est-ce possible, chère Sélénè, que du jour au lendemain on puisse prétendre un tel amour et puis virer de bord ainsi?

- Chère Eurydice, oui, c'est possible. Je vais te raconter une histoire.: Un jour, un berger s'endormit sur la tombe d'Orphée. Dans son sommeil, ce berger se pénétra de l'esprit d'Orphée, puis se mit à chanter d'une voix mélodieuse des hymnes comme seul Orphée le faisait. Puis il prit sa place et tomba amoureux d'Eurydice jusqu'au jour où il fut ramené à la réalité. Nous avons tous été dupes et t'avons laissé partir malgré les supplications de Cassandre. e te demande pardon au nom de tous ceux et celles qui t'ont laissé tomber dans ce piège.

- Sélénè, un tel amour ne peut pas être sublime lorsqu'on prétend du jour au lendemain qu'il ne reste plus rien et que par la suite l'on pousse la goujaterie jusqu'à te parler de sa petite amie et oser exprimer des regrets, des remords comme si il avait accompli l'acte le plus vil de son existence. Il a même poussé la complaisance à s'humilier, à demander pardon à cette louve pour une infidélité non fondée, rejetant dans les coins les plus sombres de l'oubli le grand amour qu'il venait de vivre. Je le vis de loin rentrer dans sa tanière les oreilles bien basses, lécher la patte de sa prétendante pour retrouver ses bonnes grâces. Je le vis s'écraser pièce par pièce jusqu'à ce que mort d'Orphée s'ensuive et donner ses morceaux en pâture. Et je souffrais mon impuissance. J 'ai beaucoup souffert et ma souffrance la plus amère fut lorsqu'il m'a dit de tuer notre bébé. Je n'ai pas de rancoeur pour personne. Si je souffre encore c'est parce que j'ai trompé Orphée avec un berger qui coltine avec une louve. Je n'ai aujourd'hui que de la pitié pour lui.

Orphée est mort une deuxième fois. Je savais ma fin proche. Me voici devant Zeus qui nous avait remis à tous les deux les clés de l'amour avant de partir avec pour mission de le répandre sur la terre. Je dois m'incliner devant sa juste décision. Il m'a dit de retourner d'où je viens, jusqu'au retour éventuel d'Orphée, du vrai, et non de sa pale copie.

- Ne le plains pas, chère Eurydice. Ce vil personnage a vécu parmi les dieux mais il n'a pas su se tenir parmi eux. Celui qui a goûté à l'amour divin ne saurait l'oublier. S'il l'écarte de son chemin, il ne saura jamais le retrouver. Et maintenant, que vas-tu faire?

- J'ai communiqué avec Pluton pour qu'il vienne me chercher et je lui ai raconté ma mésaventure. Il m'a pardonnée et il veut bien me reprendre avec mon bébé. Il m'a cependant fait promettre de ne jamais prononcer le vrai nom du bébé ni de le dire à quiconque. Il aime beaucoup les enfants et je sais qu'il l'élèvera comme l'un de siens. Il n'attend que ta permission pour venir me chercher. Il m'aime beaucoup et je tâcherai à l'avenir de l'écouter. Il m'a même dit qu'un jour Orphée reviendrait et qu'il me laisserait partir avec lui après s'être assuré que ce soit le vrai. Tu sais fort bien que Pluton est le maître absolu de son empire. Je vais l'accompagner et traverserai avec lui le ***Léthé.

Fin


La morale de cette histoire est qu'il ne faut jamais défier les dieux, ni vouloir changer l'histoire. Eurydice était bel et bien retournée aux enfers parce qu'Orphée s'était retourné trop tôt. En proie à la plus grande désolation, Orphée retourna seul sur la terre. Il erra chantant et pleurant sa peine en s'accompagnant sur sa lyre. Par la suite, les femmes thraces cruelles et sauvages se disputèrent l'amour d'Orphée et comme elles ne voulaient pas se le céder, elles le déchirèrent. Lorsqu'elles eurent mis son cadavre en pièces, elles en jetèrent les morceaux à la mer.
(voir la page Orphée.

Voilà, chers amis, moi Sélénè des temps modernes, j'ai voulu changer l'histoire et j'avoue ma défaite. Orphée n'est pas revenu. Et qui sait? Peut-être était-ce encore un mauvais tour de Pluton? Quelqu'un parmi vous pourrait-il me le dire ou bien m' envoyer ses commentaires?
Beaucoup de personnes se posent des questions sur les mythes. J'ajoute ce passage écrit par Mircea Eliade, dans son analyse sur les mythes. espérant les aider à mieux les comprendre.

"La fonction du mythe est de donner une signification au monde et à l'existence humaine. Grâce au mythe, le monde se laisse saisir en tant que cosmos parfaitement intelligible".(M.Eliade).

N.D.A.
*me
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J'ouvre ici une parenthèse concernant l'identité que l'on emprunte dans ce monde de rêves, que ce soit sur une page Web ou par l'utilisation d'une pseudo. Pour ceux et celles qui ne connaissent pas la mythologie, Sélénè est la personnification de la Lune. Je vous invite à visiter ma page Mythologie pour en savoir plus à mon sujet.

Certaines personnes ont émis des propos malveillants à mon égard en disant que je me prends pour une déesse descendue de l'Olympe et que je suis prétentieuse. Voici une citation pour les amener à réfléchir : "Un homme qui n'a jamais tenté de se faire semblable aux dieux, c'est moins qu'un homme."(Valéry, Paul).

À mon avis, c'est plus glorifiant de se mettre dans la peau d'un dieu que d'un animal. Chacun son choix...Bah! laissons les commères colporter leurs médisances. Après tout je m'adresse seulement aux lecteurs et lectrices qui apprécient ma page web. Eh! que c'est donc désagréable devoir remettre les gens à leur place!.;;)) (Q.E.D.)

**N.D.A.
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Cassandre est la fille de Priam et d'Hécube. Apollon, follement amoureux d'elle lui avait promis de lui apprendre à deviner l'avenir, si elle consentait à se donner à lui. Cassandre accepta le marché, et reçut les leçons du dieu, mais une fois instruite, elle se déroba. Alors Apollon lui cracha dans la bouche, lui retirant non le don de prophétie, mais celui de la persuasion.

***N.D.A.
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Léthé, l'Oubli, est fille d'Eris (la Discorde). Elle avait donné son nom à une source, la Source de l'Oubli, située aux Enfers, et dont les morts buvaient pour oublier leur vie terrestre. Un des fleuves qui séparent le monde souterrain de la surface de la terre porte son nom.

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