Chers Amis
Aujourd'hui j'ai une petite surprise pour vous. Disons plutôt
une grande découverte. En premier lieu, je vais vous dire
comment j'ai fait cette découverte.
Tous les matins je fais ma promenade
dans le jardin des Muses. Vous connaissez sûrement l'endroit
puisque vous venez souvent. Pour ceux qui en sont à leur
première visite, le jardin des Muses est situé dans l'Olympe.
Un jour prochain, je vous décrirai l'Olympe. Soyez patients!
Ce matin-là, j'étais préoccupée. Quelque chose me fatiguait beaucoup depuis
un certain temps. C'était la tragique histoire d'amour d'Orphée et Eurydice...
Vous devez certainement connaître
cette histoire. Ceux qui ne connaissent pas encore cette histoire,
avant de continuer cette lecture, allez faire un tour à cette page
Orphée et Eurydice
et revenez ici.
Puis, tout en admirant les merveilleuses fleurs débordantes de rosée qui
s'étiraient voluptueusement et offraient sans pudeur leur pistil aux rayons du soleil,
j'écoutais les oiseaux et me disais qu'il fallait trouver un moyen pour que
cette histoire d'amour ne soit plus aussi triste. Il me fallait réunir ces
deux amoureux qui n'avaient vraiment pas mérité un tel sort.
Chemin faisant, il m'a semblé entendre au lointain un doux chant.
Quel est donc cet oiseau à la voix si belle? Plus j'approchais plus le son
était mélodieux, et captivant. Le vent qui soufflait légèrement me permettait
d'en saisir quelques bribes. Je me retournai croyant trouver une muse qui aurait
pu me donner des indices.
Mais chose étrange, il n'y avait personne. Tout était désert. Bon! ils doivent
être quelque part et je continuai ma promenade. Pourtant quelque chose dérangeait
mes pensées. J'étais enveloppée par cette voix mélodieuse. Elle m'envoûtait,
je ne pouvais y résister. Je me dirigeai donc vers elle. Quelle ne fut ma surprise
lorsque dans une clairière, je découvris toute une assemblée. Mais oui!
ils étaient tous là, muses, dieux suspendus aux lèvres d'un troubadour.
On n'entendait que sa voix. Pas un souffle, pas un bruit, les feuilles et
les fleurs étaient immobiles, le vent ne soufflait plus, les oiseaux ne chantaient plus.
La nature même s'était arrêtée de respirer pour l'écouter. Je regardai quelques
muses qui habituellement n'arrêtaient pas de placoter. Elles étaient silencieuses,
muettes d'admiration avec dans leur regard un je ne sais quoi qui en disait bien long.
Les dieux étaient subjugués. Certains avaient les yeux fermés pour mieux s'imprégner
de cette mélodie. Je n'osais demander le nom du troubadour à ma voisine et
le désignai d'un signe de tête. Elle me souffla à l'oreille "je crois que c'est Orphée".
Je m'approchai pour mieux l'entendre et mieux le regarder. "Orphée" mais voyons donc!
Je le connais ce troubadour, je le connaissais depuis bien longtemps mais je l'avais
perdu de vue. Bien oui ! ORPHÉE.... Avait-il oublié son nom après toutes ces années?
D'ailleurs, ça ne pouvait être que lui pour chanter ainsi en s'accompagnant de sa
guitare. Il a changé d'instrument ce cher Orphée, mais je l'ai tout de même reconnu.
Tout à coup, je vis dans son regard un éclat que je croyais à jamais éteint et
une larme glissa le long de sa joue. Sa voix avait emprunté des sons encore plus
mélodieux et son regard était dirigé vers un endroit bien précis dans l'assistance.
Elle était là, assise aux côtés du maître du Hadès. Elle était là...son EURYDICE...Ah!
comme j'étais heureuse pour eux! Mais...quel culot ce Pluton tout de même,
oser franchir les portes de l'Olympe après en avoir été chassé. Bien regrettable pour toi,
mon vieux salopard, mais cette fois-ci tu vas repartir sans Eurydice. Après avoir
parlementé avec lui et lui avoir fait entrevoir le sort que les muses et les dieux
lui réservaient, il prit ses jambes à son cou s'empêtrant à gauche et à droite dans
les jambes des participants qui ne se gênèrent guère pour lui faire des crocs-en-jambe,
tout ça sous un concert de rires et de huées. Il était mortifié. Je crois bien
qu'il avait sa leçon et n'oserait plus se pointer dans l'Olympe. Il ne put
faire autrement que de repartir sans Eurydice qui se précipita dans les bras d'Orphée.
***
2ième épisode
La déchéance
Puis le temps passa. Je n'avais aucune nouvelle ni d'Orphée, ni d'Eurydice.
Je commençais à m'inquiéter. Que se passe-t-il donc? J'avais une drôle d'impression
depuis cette fameuse nuit où trop triste pour me montrer,
je *me cachai derrière un nuage.
Ce matin-là, j'étais tellement préoccupée que je faillis heurter une promeneuse.
Ah, nom de zeus! dis-je, mais c'est toi Eurydice. Je vis son visage défait,
ses grands yeux remplis de larmes. Je dus me retenir pour ne pas éclater.
Je la pris dans mes bras et la laissai pleurer à son aise.
- Asseyons-nous, chère Eurydice et raconte-moi ta peine.
- Je suis déchue, Sélénè, j'ai trompé Orphée...
- Voyons, chérie, que dis-tu là?
- Mais oui, Sélénè, j'ai trompé Orphée.
À ce moment-là, mes soupçons se confirmèrent. Je savais pourquoi j'étais si triste
l'autre nuit. Je n'osai la regarder tant je me sentais coupable. Pourtant
**Cassandre
nous avait prédit lors de cette réunion de ne pas laisser partir Eurydice avec
ce type-là. Mais, personne ne l'avait crue, comme d'habitude. Je me souviens
fort bien de ses paroles. Elle clamait à gauche et à droite: "Ne laissez pas partir
Eurydice avec ce mec. Ce n'est pas Orphée. C'est un pauvre type en mal d'amour
qui a emprunté son identité. Je vous dis, moi, qu'après lui avoir conté fleurette puis
satisfait ses désirs, il va virer de bord et dès que sa pouliche va se mettre
à hurler il versera quelques larmes en geignant qu'il est désolé. Dans tout ça,
c'est Eurydice qui sera cruellement blessée. Au nom de tous les dieux ici présents,
ne laissez pas Eurydice tomber dans son piège". Ah! comme je m'en voulais de ne pas
l'avoir écoutée!
- Allons Eurydice, reprenons dès le début, veux-tu?
- Bon voilà, Sélénè. Lorsque je vous ai quittés il y a environ deux mois,
j'ai suivi celui qui se faisait appeler Orphée, heureuse et remplie d'amour.
La première journée, il m'a amenée au bord d'une grande étendue d'eau.
Il voulait me faire admirer le paysage et les arbres. Il y en avait très peu
mais ils étaient magnifiques, immenses avec des grosses branches qui pendaient
jusqu'à terre. Lui, ne cessait de me regarder avec des yeux qui semblaient
contenir tout l'amour de l'univers. Il me raconta son long périple, ses
moments de solitude, ses peines, ses joies et ses souffrances que je partageais
au fur à mesure. Il m'apprenait à le connaître. Je l'écoutais en silence et
bien souvent je pleurais à l'intérieur sans qu'il le sache.
Les premières semaines furent merveilleuses. Nous avons passé des heures en extase
l'un devant l'autre. Je retrouvais Orphée, tel que je l'avais connu.
Je n'avais aucun doute à son sujet. Nous échangions des baisers, des caresses,
des mots doux toute la journée et la nuit durant. Je fus même très surprise
lorsqu'il prit la décision de me fiancer et de me donner une alliance.
Je me demandais pourquoi il agissait ainsi alors que nous étions mariés depuis
longtemps déjà. Bah! j'ai pensé que sa mémoire était défaillante à cause
du long périple qu'il avait fait durant toutes ces années et j'acceptai de
jouer son jeu.
Mais oui, chère Sélénè, ne baisse pas les yeux. Tu as bien deviné, j'attends un bébé.
Il me l'a demandé et j'ai accepté avec joie de lui donner cet enfant qu'il n'avait
jamais eu. C'était l'enfant de l'Amour. Nous avons fait la promesse de ne jamais nous
faire du mal et de ne jamais se quitter. Mon amour s'amplifiait de jour en jour
et le sien aussi.
Puis vint cette fameuse nuit! Nous dormions paisiblement dans les bras l'un de
l'autre lorsque soudain je fus réveillée par des hurlements sinistres. Je m'écartai
doucement d'Orphée, prenant garde de ne pas le réveiller et m'approchai de la fenêtre,
le coeur battant. Tu étais là Sélénè, et malgré le voile qui t'entourait,
tu éclairais la scène. Des frissons d'horreur me parcoururent lorsque je vis
cette meute à l'extérieur. À leur tête, une femelle, tous crocs sortis,
me regardait et te menaçait aussi. À ce moment-là, un nuage vint t'envelopper et
tu es disparue derrière.
Je fermai vite le rideau et vins m'asseoir aux côtés d'Orphée dans le lit.
Je le regardais. Il dormait d'un sommeil agité, sa figure était crispée.
À tel point que je ne le reconnaissais plus. Toute la nuit, je pleurai.
Je savais déjà mais je ne voulais pas l'admettre. Le jour commençait à se pointer à
l'horizon, les hurlements diminuaient. Lorsqu'Orphée se réveilla, il n'était plus
le même. Je vis son attitude changer à mon égard d'heures en heures. On aurait dit
qu'il se livrait un combat intérieur. Il semblait se chercher. À un moment donné,
je lui suggérai que je partirais pour lui donner le temps de réfléchir. Je voyais bien
qu'il s'était passé quelque chose et qu'il n'osait pas me dire la vérité.
Chère Sélénè, j'avais encore un bandeau sur les yeux à ce moment-là, et je taisais
mon subconscient. Je voulais absolument garder Orphée et continuer à vivre tous
ces beaux moments. Je suis partie la mort dans Je suis partie la mort dans l'âme,
tout en conservant un espoir. Par ailleurs, avant de me quitter, il m'avait donné
l'impression après maintes et maintes caresses et baisers en profusion que notre
amour était grand comme l'univers, tel qu'il se plaisait à le répéter si souvent.
Il était encore mon Orphée. Ce n'est que le lendemain sous mon insistance qu'il
se décida à m'avouer la vérité. Je sentais sa froideur et je savais que loin de moi
il avait retrouvé sa vraie nature. C'était bel et bien les hurlements d'une louve
déchaînée qui l'ont ramené à la réalité. Jamais Orphée n'aurait agi de cette façon.
Comment est-ce possible, chère Sélénè, que du jour au lendemain on puisse prétendre
un tel amour et puis virer de bord ainsi?
- Chère Eurydice, oui, c'est possible. Je vais te raconter une histoire.:
Un jour, un berger s'endormit sur la tombe d'Orphée. Dans son sommeil,
ce berger se pénétra de l'esprit d'Orphée, puis se mit à chanter d'une
voix mélodieuse des hymnes comme seul Orphée le faisait. Puis il prit
sa place et tomba amoureux d'Eurydice jusqu'au jour où il fut ramené à la réalité.
Nous avons tous été dupes et t'avons laissé partir malgré les supplications
de Cassandre. e te demande pardon au nom de tous ceux et celles qui
t'ont laissé tomber dans ce piège.
- Sélénè, un tel amour ne peut pas être sublime lorsqu'on prétend du
jour au lendemain qu'il ne reste plus rien et que par la suite l'on pousse
la goujaterie jusqu'à te parler de sa petite amie et oser exprimer des regrets,
des remords comme si il avait accompli l'acte le plus vil de son existence.
Il a même poussé la complaisance à s'humilier, à demander pardon à cette louve
pour une infidélité non fondée, rejetant dans les coins les plus sombres de l'oubli
le grand amour qu'il venait de vivre. Je le vis de loin rentrer dans sa tanière
les oreilles bien basses, lécher la patte de sa prétendante pour retrouver
ses bonnes grâces. Je le vis s'écraser pièce par pièce jusqu'à ce que mort
d'Orphée s'ensuive et donner ses morceaux en pâture. Et je souffrais mon impuissance.
J 'ai beaucoup souffert et ma souffrance la plus amère fut lorsqu'il m'a dit
de tuer notre bébé. Je n'ai pas de rancoeur pour personne. Si je souffre encore
c'est parce que j'ai trompé Orphée avec un berger qui coltine avec une louve.
Je n'ai aujourd'hui que de la pitié pour lui.
Orphée est mort une deuxième fois. Je savais ma fin proche. Me voici devant
Zeus qui nous avait remis à tous les deux les clés de l'amour avant de partir
avec pour mission de le répandre sur la terre. Je dois m'incliner devant
sa juste décision. Il m'a dit de retourner d'où je viens, jusqu'au retour éventuel
d'Orphée, du vrai, et non de sa pale copie.
- Ne le plains pas, chère Eurydice. Ce vil personnage a vécu parmi les
dieux mais il n'a pas su se tenir parmi eux. Celui qui a goûté à l'amour divin
ne saurait l'oublier. S'il l'écarte de son chemin, il ne saura jamais le retrouver.
Et maintenant, que vas-tu faire?
- J'ai communiqué avec Pluton pour qu'il vienne me chercher et je lui ai raconté
ma mésaventure. Il m'a pardonnée et il veut bien me reprendre avec mon bébé.
Il m'a cependant fait promettre de ne jamais prononcer le vrai nom du bébé ni
de le dire à quiconque. Il aime beaucoup les enfants et je sais qu'il l'élèvera comme
l'un de siens. Il n'attend que ta permission pour venir me chercher. Il m'aime
beaucoup et je tâcherai à l'avenir de l'écouter. Il m'a même dit qu'un jour
Orphée reviendrait et qu'il me laisserait partir avec lui après s'être assuré
que ce soit le vrai. Tu sais fort bien que Pluton est le maître absolu de son empire.
Je vais l'accompagner et traverserai avec lui le
***Léthé.
Fin
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